Né le 24 mars 1922 à Algrange (Moselle), guillotiné le 4 février 1944 à Halle-an-der-Saale (Allemagne) ; ouvrier ; incorporé de force dans l’armée allemande en 1943, objecteur de conscience.

Jugement et photographie
Jugement et photographie
Jean Hisiger naquit en Moselle dans une famille d’ouvriers de la sidérurgie, d’un père lorrain et d’une mère alsacienne. Peu après sa naissance, la famille partit s’installer à Crusnes (Meurthe-et-Moselle), où il fréquenta l’école primaire puis travailla dans une serrurerie. À la mort de son père en 1937, il retourna avec sa mère en Moselle, à Hayange, où il trouva un emploi d’ouvrier sidérurgiste. À la suite de l’annexion de la Moselle par le IIIe Reich en juin 1940, il fut employé par une mine de la Sarre (Allemagne) puis par les chemins de fer allemands à Uckange (Moselle annexée). Il vivait à Hayange.
Le 12 janvier 1942, il quitta son poste pour échapper au service du travail, Reichsarbeitsdienst, passa la frontière à Aumetz et rejoignit la zone française libre, où il aurait vécu de petits travaux. Il tenta en vain d’entrer dans la Légion des volontaires français contre le bolchevisme (LVF) et dans l’armée allemande. Au printemps 1942, il se porta finalement volontaire pour travailler en Allemagne et fut envoyé dans une entreprise à Kiel. Après deux mois, il prit la décision de rentrer en France au motif de douleurs rénales et tenta vainement d’entrer à nouveau dans l’armée allemande. Arrêté par la police lors d’une visite chez ses parents à Hayange en août 1942 dans sa famille en Moselle, interné à la prison de Thionville jusqu’au 6, puis à la prison judiciaire de Metz, il fut condamné le 9 octobre 1942 par le Sondergericht de Metz à cinq mois de prison pour « abandon de poste dans le cadre du Reichsarbeitsdienst » (le Service du travail du Reich, obligatoire pour les Mosellans), « rupture de contrat de travail et franchissement non autorisé de la frontière ». Le 27 octobre 1942, il fut transféré à Zweibrucken (Paltinat, Allemagne), puis à la prison de Siegburg. À la fin de sa période d’emprisonnement à Zweibrücken (Allemagne), il fut soumis au Reichsarbeitsdienst. Puis il fut obligé, à la suite des décrets d’incorporation en Moselle d’août 1942, d’intégrer l’armée allemande le 23 mai 1943 au sein de la 482e compagnie du 1er bataillon de grenadiers. Il s’y présenta, mais refusa de porter l’uniforme et d’accomplir un service militaire, au motif qu’il était témoin de Jéhovah depuis février 1943. Il fut alors incarcéré à la prison militaire Fort Zinna de Torgau (Allemagne), où il réitéra son refus lors d’un interrogatoire, au motif de sa nationalité française.
Il fut jugé le 5 janvier 1944 par le 4e sénat du Reichskriegsgericht (tribunal de guerre du Reich) présidé par le docteur Lattmann. Il fut reconnu coupable de « défaitisme » (§5 KSSVO – Zersetzung der Wehrkraft : atteinte au moral de l’armée) et fut condamné à la peine de mort, à la perte de la dignité militaire (31 MStGB, code de justice militaire) et des droits civiques (§32 StGB, code pénal). Le tribunal justifia sa sentence par l’obligation qui était faite à l’accusé de servir dans l’armée allemande (décrets d’incorporation en Alsace d’août 1942) et par l’absence de reconnaissance des cas de conscience religieux et politiques dans le droit militaire allemand (§48 MStGB). Son cas fut reconnu comme particulièrement grave en raison de son « obstination » et de sa « force de propagande ». Son avocat, Kurt Valentin, écrivit à sa mère le 10 janvier 1944 pour lui demander de convaincre son fils de changer sa position en vue d’obtenir une suspension du jugement. Celui-ci fut cependant confirmé le 18 janvier 1944 par le Gerichtsherr (haut justicier) Max Bastian.
Jean Hisiger fut guillotiné, le 4 février 1944 à 17 heures, à la prison Roter Ochse de Halle-an-der-Saale (Allemagne). Son corps fut incinéré et l’urne déposée dans la tombe no 1342 de la section 4 du Gertraudenfriedhof de Halle. Elle fut déterrée le 6 novembre 1946 et enterrée le 9 octobre 1952 à la Nécropole nationale de Montauville (Meurthe-et-Moselle) en France.
En décembre 1948, sa mère fut entendue par le tribunal général français de Rastatt dans le cadre de l’enquête ouverte sur d’anciens juges du Reichskriegsgericht.
Jean Hisiger est titulaire du titre de déporté résistant.
Sources

SOURCES : Jugement de Jean (Johann) Hisiger par le Reichskriegsgericht (Archives militaires de Prague, copie au Mémorial Roter Ochsede Halle). — Dépositions auprès du tribunal général de Rastatt, AJ 4043 p. 135 (Archives du ministère des Affaires étrangères. — Archives de l’occupation française en Allemagne et en Autriche). — SHD-PAVCC Caen, dossier statut 21 P 4635786 AD Moselle 1386w5 et 25, 335w41. — A. Gerhards, Morts pour avoir dit non, 2007, p. 107-112. — F. Stroh, Les Malgré-Nous de Torgau, 2006, p. 84-85. — Thomas Fontaine (sous la direction…), Cheminots victime de la répression 1940-1944, Paris, Perrin/SNCF, 2017, p.777.

Frédéric Stroh, Philippe Wilmouth

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