Né le 20 juillet 1920 à Lyon (IIe arr., Rhône), exécuté sommairement le 18 mars 1944 à Lyon (Rhône), place des Terreaux (Ier arr.) ; boulanger ; militant des Jeunesses communistes ; résistant au sein des Francs-tireurs et partisans français dans le Rhône.

Plaque Fonlupt Antoine - Lyon 1er
Plaque Fonlupt Antoine - Lyon 1er
Plaque commémorative située 1 rue Puits Gaillot, Lyon 1er arr. Photographie de Jérôme Galichon (Geneanet)
Antoine, Eugène, Joseph Fonlupt était le fils de Joseph, Marius Fonlupt et de Marie, Louise, Eugénie Dubout. Au début des années 1920, les Fonlupt vivaient à Lyon (Rhône), 16 rue Quivogne (IIe arr.). A cette époque, Joseph Fonlupt était négociant. Vers 1925, ils partirent à Divonne-les-Bains (Ain), le village d’origine de Marie Louise Fonlupt, où ils furent cultivateurs. Yvonne Fonlupt, la sœur d’Antoine, naquit dans ce village de l’Ain en 1926. Les Fonlupt s’installèrent ensuite 93 route de Vienne (Lyon, VIIIe) où ils tinrent un café. Le 7 octobre 1937, Marie Louise décéda au domicile familial. A l’époque, Antoine avait 17 ans. Antoine Fonlupt devint ouvrier boulanger. Il fut militant des Jeunesses communistes. En 1943, il demeurait avec son père, 135 route de Vienne (Lyon, VIIIe arr.).
Appelé en mars 1943 pour partir travailler en Allemagne, dans le cadre du Service du travail obligatoire (STO), Antoine Fonlupt quitta son emploi et son domicile et s’engagea dans les Francs-tireurs et partisans français (FTPF).
En mars 1943, il créa avec deux autres réfractaires au STO, le premier maquis FTP du Rhône à Claveisolles, au lieu-dit Concize. Ce maquis prit le nom de camp Vendémiaire en avril 1943. Les opérations du camp Vendémiaire commencèrent en mai. Les maquisards s’attaquèrent à des trains et arrêtèrent des agents de l’ennemi.
Après plusieurs mois passés dans la vallée de l’Azergues, Antoine Fonlupt rejoignit Lyon. En septembre 1943, il devint responsable du groupe des Cordeliers (3e compagnie FTP-Ville). Sous les ordres d’Alexandre Dardel, il fit exploser des trains, il effectua des attaques à main armée, des destructions de transformateurs et de moteurs d’avions prêts à être livrés chez Bronzavia, il détourna un fourgon postal allemand devant la gare de Lyon-Perrache. A la tête d’un commando constitué d’hommes revêtus d’uniformes d’officiers de la Wehrmacht, il récupéra du matériel allemand.
D’après l’historien Bruno Permezel, le 8 mars 1944, Antoine Fonlupt interdit à ses hommes de se rendre à l’Institut médico-légal pour la levée du corps d’un jeune FTP âgé de 17 ans (en réalité, à cette date, il n’y eut pas de transport du corps d’un jeune homme à partir de la morgue. Ce résistant de 17 ans était vraisemblablement Robert Tati dont le cadavre fut transporté à la morgue le 7 ou 8 mars). Mais, présent sur place, il fut arrêté puis relâché après 24 heures de détention. A son insu, il fut pris en filature.
Le 18 mars 1944, à 12h10, Antoine Fonlupt, alias Marc Thoulouse, fut arrêté par des hommes de la Légion des volontaires français contre le Bolchevisme (LVF) devant le siège de leur association, 17 rue de l’Hôtel de Ville (aujourd’hui rue Édouard Herriot, Lyon, Ier arr.). Vers 13h40, il fut abattu par le milicien André Montagne, à l’angle de la place des Terreaux et de la rue Puits Gaillot (Ier arr.) alors qu’il tentait de s’échapper. Voici la version des faits de l’inspecteur régional de la LVF, Raymond Fultot, interrogé le jour même, dans l’après-midi, par la police : « Le personnel de la L.V.F. et moi avons remarqué depuis 2 ou 3 jours un individu qui rodait devant le local de la L.V.F en ayant l’air de surveiller les allées et venues du personnel et des visiteurs. Ayant été prévenu par des gens bien informés, que nous étions l’objet d’une surveillance fréquente, j’ai décidé d’interpeller l’individu suspect et de l’interroger dans le local de la L.V.F. A midi 10 aujourd’hui, après la fermeture du bureau nous lui avons demandé de bien vouloir nous suivre en compagnie de MM Rollain [Raoul Rollin, inspecteur régional] et Kermarrec [Roger Kermarrec, délégué départemental] tous deux de la L.V.F. Comme il ne nous donnait aucune explication nous l’avons fouillé et trouvé porteur d’un portefeuille et de tracts communistes que nous annexons au dossier. Cet homme étant évidemment suspect, nous avons décidé de le remettre dans l’après-midi soit à la Milice soit à la police. Comme il était l’heure du déjeuner j’ai confié l’individu au Milicien Montagne, ancien Légionnaire du Front de l’Est pour qu’il le garde pendant le temps du repas. Montagne revenant de Haute Savoie était armé de son mousqueton. Ils sont partis ensemble prendre leur repas dans un restaurant de la place des Terreaux. » La police interrogea également André Montagne, milicien du camp I à Mably (Loire), qui déclara : « De retour de Haute Savoie où javais été requis par la Milice et en route pour Vichy pour ma démobilisation, je suis passé dans la matinée au siège de la L.V.F. pour revoir mes amis de la Légion. Au moment de partir déjeuner j’ai assisté à l’arrestation du suspect et l’Inspecteur Régional Fultot m’a demandé de le surveiller et de ne pas le laisser échapper pendant l’heure du repas. J’ai donc emmené avec moi cet individu au Restaurant Rivier Place des Terreaux et pendant le repas j’essayais de le faire parler. Mais il ne fit aucune révélation. Vers 13h10 pour le mettre en confiance je lui offrais le café à la Coupole place des Terreaux et à l’entrée je déposais la mousqueton dont j’étais armé dans […] l’angle du tambour près de la table où nous nous sommes assis. Vers 13H40 nous nous sommes disposés à partir. Je lui dis de passer devant. Mais dès qu’il fut vers la porte il sortit en courant dans la direction de la rue Puits Gaillot. Je saisis mon arme et je sortis, par la porte à tambour, mais l’individu était déjà au coin de la rue Romarin et de la rue Puits Gaillot. Je fis les sommations, je le visais pendant qu’il courait en zig-zag. Voyant le champ de tir libre, je lâchais le coup. L’homme s’abattit comme une masse, atteint en pleine tête quoique j’ai visé dans le dos pour le blesser seulement. [...] »
A 13h45, le brigadier du poste de police de l’Hôtel de Ville téléphona au commissaire de permanence pour le prévenir « qu’un homme venait d’être abattu par des miliciens en tenue et armés, à l’angle de la rue Puits Gaillot et de la place des Terreaux ». Le commissaire se rendit sur les lieux et remarqua une flaque de sang devant le restaurant Au Moulin Joli. Aucune des personnes impliquées dans le meurtre d’Antoine Fonlupt ne se trouvait sur les lieux. Le brigadier, alerté par des coups de feu, s’était rendu sur place et avait découvert le résistant mort et « trois miliciens armés » qui « lui avaient demandé d’assurer un service d’ordre et de faire enlever le corps ». Le brigadier avait fait transporter Antoine Fonlupt à l’Institut médico-légal de Lyon et « les miliciens s’étaient retirés après l’enlèvement du corps » sans faire « connaître les circonstances de leur intervention ». L’impunité des miliciens s’expliquait par le fait que leur chef, Joseph Darnand, faisait partie du gouvernement en tant que Secrétaire général au Maintien de l’ordre depuis janvier 1944.
Les policiers récupérèrent les documents et objets saisis lors de la fouille d’Antoine Fonlupt par les hommes de la LVF. Il s’agissait d’une carte d’identité établie au nom de Thoulouse Marc Antoine, né le 20 janvier 1925 à Sarreguemines (Moselle) fils de Jules et d’André Marie, demeurant 59 rue des Maisons Neuves à Villeurbanne (Rhône), d’une carte d’alimentation, d’une carte de tabac et d’une carte de textile portant la même identité, d’un certificat d’hébergement délivré par la Maison du jeune homme, 59 rue des Maisons Neuves, d’un portefeuille contenant un stylo, des papiers personnels et un billet de 100 francs, de cinq tracts intitulés « Lieutenant d’artillerie chef du Maquis le Vengeur à Monsieur De Gaulle » et de quatre tracts intitulés « Mouvement des Francs-Tireurs et Partisans Français S.O.S. ». Il faut noter qu’un certain Marc Thoulouse, né en 1925, habitait dans le même quartier qu’Antoine Fonlupt (on trouve son nom dans le recensement de la rue de la Croix-Mathon en 1936 au numéro 13 bis). Antoine Fonlupt avait-il choisi sa fausse identité en référence à cette personne ?
Le certificat de décès d’Antoine Fonlupt fut établi le 21 mars 1944 : « Je soussigné, Professeur de médecine légale […], certifie le décès de : Inconnu – sexe masculin paraissant âgé de 25 ans – dont la cause paraît devoir être attribuée à éclatement du massif facial et crânien par balles de revolver (ou de mitraillette). Le décès remonte à plusieurs jours. » En marge : « Mr Thoulouse Marc 19 A ».
Le 29 mars, Joseph Fonlupt, qui n’avait pas revu son fils Antoine depuis mars 1943, apprit par la « rumeur publique » qu’il avait été tué. Il se rendit à l’Institut médico-légal et le reconnut formellement. Le corps d’Antoine Fonlupt fut inhumé le 4 avril 1944 au cimetière de la Guillotière (Lyon).
Il fut homologué FFC. Son dossier à Caen ignore totalement son engagement au sein des FTP. Il y est signalé comme appartenant au sous réseau Marceau du réseau Marco Polo comme agent P1 à partir de mai 1943. La mention Mort pour la France lui fut attribuée le 19 mai 1947 et il fut reconnu comme interné résistant en mai 1972. Son nom apparaît sur une plaque commémorative située 1 Rue Puits-Gaillot, à l’angle de la place des Terreaux : « Ici fut lâchement assassiné, le 18 mars 1944, à 24 ans, Antoine FONLUPT, des FTP. Mort pour la France ». En 1946, la rue de la Croix-Mathon devint rue Antoine Fonlupt.
Après-guerre, le milicien André Montagne fut condamné par contumace à la peine de mort, à la confiscation générale de ses biens et à la dégradation nationale par la cour de justice de Lyon pour trahison.
Sources

SOURCES : AVCC, Caen, dossiers 21P261923 et 21P607085.— Arch. Dép. Rhône, 3808W961, 394W178, 45W50, 6M726, 6M571, 31J1F43, 6M727.— Arch. Dép. Ain, L2198.— Arch. Mun. Lyon, actes de décès d’Antoine Fonlupt et de Marie Louise Dubout, 1899W015.— Bruno Permezel, Résistants à Lyon, Villeurbanne et aux alentours, 2 824 engagements, Éditions BGA Permezel, 2003.— Mémoire des Hommes.— Mémorial Genweb.

Jean-Pierre Besse, Jean-Sébastien Chorin

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