Né le 26 mars 1926 à Gonesse (Seine-et-Oise, Val-d’Oise), fusillé le 25 avril 1944 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; ouvrier agricole ; résistant FTPF du groupe Victor-Hugo, membre du Groupe spécial d’exécution.

Jean Camus
Jean Camus
Fils de Marceau Camus, maçon et d’Hélène, née Rémy, sans profession, Jean Camus obtint à l’issue de l’école primaire le certificat d’études primaires (CEP). Il exerça le métier d’ouvrier agricole, demeurant chez ses parents 70 rue Galande à Gonesse. Il travailla pour une entreprise allemande aux Sables-d’Olonne en Vendée jusqu’en juin 1943. Craignant d’être requis pour travailler en Allemagne, il en parla à un de ses camarades Pierre Lorgnet. Ce dernier était sapeur-pompier, il s’en ouvrit au lieutenant Kentziger. Quelques jours plus tard, il leur déclara que le passage en Angleterre n’était pas possible, mais qu’il pouvait les mettre en contact avec une organisation de la Résistance.
Jean Camus rencontra « Armand » qui lui expliqua que l’organisation avait pour but de commettre des sabotages et d’aider les troupes américaines quand elles débarqueraient. Il accepta, devint FTP appointé deux mille francs par mois, matricule 2120, pseudonyme Bertrand. Il participa à sa première action à la mi-juillet, entra dans un hangar où était stocké de la paille à Villiers-le-Bel, déposa un engin incendiaire. À l’extérieur, Pierre Lorgnet dit Benoît faisait le guet.
Sur ordre de Jean il était le 21 juillet 1943 armé d’un pistolet 6,35 mm dans l’équipe de protection rue Guénégaud à Paris (VIe arr.), tandis que deux autres FTP devaient tuer un homme nommé Sibra. L’opération échoua, Joineau dit Charles, Bertin dit Delagarde et Lorgnet se décrochèrent. Trois jours plus tard, il participa 40 rue Esquirol (XIIIe arr.) à une opération contre le cordonnier Coulon soupçonné d’être responsable de l’arrestation et de la mort de deux jeunes. Jean Camus entra dans l’échoppe. Coulon lui demanda ce qu’il voulait, il répondit : « Je viens chercher ce que vous devez à la société », sortit son pistolet automatique 7,65 mm et tira à quatre reprises, le cordonnier s’écroula... mort.
Fin juillet, cinq FTP dont Jean Camus devaient près de la porte du Pré-Saint-Gervais, chez un citoyen grec récupérer des fonds six cent mille francs produit du marché noir. Échec : l’homme était en vacances. Le 30 juillet il tirait six coups de feu sur Martinien à l’église de Belleville. En juillet 1943, lors d’une conversation, Jean Camus demanda à Pierre Lorgnet s’il connaissait l’itinéraire qu’empruntait le commissaire de Gonesse, Franck Martineau entre son domicile et le commissariat. Il lui indiqua ce qu’il connaissait de ses habitudes. Le 15 juillet le commissaire fut tué par des FTP dont Jean Camus (Voir aussi Rachinel Louis).
Le 15 août vers 12 h 45, il pénétra dans le local des gardes-voies de Gonesse, avec notamment Louis Furmanek, ils chloroformèrent les deux gardiens. Onze revolvers furent récupérés.
À la suite d’un différend avec un autre combattant Jean Camus fut muté aux Groupes spéciaux, prit le pseudonyme de Claude, appointé mensuellement deux mille cinq cents francs. Le 27 août 1943, sur instruction de Béret (Louis Chapiro), il fut dans l’équipe qui déroba une automobile quai de Tokyo (XVIe arr.). L’équipe de quatre FTP se présenta à la mairie de Sèvres-les-Bruyères pour récupérer des tickets de rationnement mais ils n’avaient pas été livrés.
Le 31 août 1943 vers 7 heures, Jean Camus sous la menace d’une arme vola une automobile au Pont de Levallois-Perret (Seine, Hauts-de-Seine). Galo Bordèje et Roland Vachette s’engouffrèrent dans le véhicule. Aux environs de Gonesse, le chauffeur fut libéré, à Chantilly trois autres FTP – Émile Reaubourg, Pierre Lorgnet et Louis Chapiro – montèrent dans la voiture. À la mairie du lieu, l’attaque ne fut pas réalisable, retour vers Paris... panne d’essence à cent mètres d’un poste allemand. Direction Roissy-en-France à pied, le groupe fut repéré par des soldats allemands. Des coups de feu furent échangés, Galo Bordèje lança une grenade contre une automobile allemande qui s’enflamma... la diversion ne fut pas suffisante. Émile Reaubourg, Galo Bordèje et Pierre Lorgnet furent arrêtés. Ce dernier eut le temps de se tirer une balle dans la tempe droite avant son arrestation.
Jean Camus abandonna sa bicyclette et ses chaussures, se réfugia dans une baraque en planche dans un jardin, y resta trois jours et deux nuits. Le troisième jour, il enfila une gabardine qui se trouvait sur place et une casquette d’électricien. Pieds nus il noircit ses pieds avec un charbon de bois et prit le train à Goussainville pour Paris. Il alla chez André Joineau dit Charles, resta une journée puis logea chaque jour dans un hôtel différent, puis habita 5 bis rue Driessens à Saint-Denis (Seine, Seine-Saint-Denis).
Il participa le 23 octobre 1943 avec Franz Roeckel dit Rageac, Paul Quillet dit Arnoux, Durand dit Bruno à l’attaque de la mairie de Nogent-sur-Marne où des tickets de rationnement devaient être distribués ; ils furent raflés. Le 5 novembre 1943 Durand dit Bruno assura la protection à l’extérieur du restaurant Lebœuf 84 grande-rue à Montrouge (Seine, Hauts-de-Seine). De 1936 à 1939 Julien Lebœuf fut membre du Parti communiste, trésorier de cellule, des réunions internes se tenaient dans son café. Il cessa toute activité dès l’interdiction du Parti communiste en septembre 1939. Selon Roeckel, Julien Lebœuf avait dénoncé une quarantaine de camarades, Roland Vachette dit Francis et Jean Camus se restaurèrent. Au moment de régler l’addition Camus appuya sur la gâchette, le coup ne partit pas, il réarma, tira une balle à bout portant dans la tempe de Lebœuf.
Le 19 novembre vers 10 h 30 Franz Roeckel, Roland Vachette et Jean Camus, mitraillettes Sten à la main, ordonnèrent au chauffeur des tickets de rationnement en mairie de Sartrouville de s’arrêter, le gardien de la paix qui l’accompagnait fut désarmé. Les sacs de tickets furent promptement transférés dans le véhicule des FTP. Le 11 décembre avec Roland Vachette, il se rendit 30 rue Aristide Briand à Levallois-Perret (Seine, Hauts-de-Seine), tua Roger Moro, un ébéniste ex-militant du Parti communiste, considéré comme un traître. Selon son épouse il était coupé de l’organisation depuis un ou deux mois. Auparavant il ronéotait les tracts et se chargeait de la répartition.
Le 7 janvier 1944 vers 9 heures Roland Vachette, Émile Reaubourg, Victor, Petit et Jean Camus se rendirent 37 rue Édouard-Vaillant à Suresnes. Raoul Monnet, électricien était selon l’organisation un dénonciateur. Vachette et Camus entrèrent dans la boutique, l’un demanda le prix d’une lampe de chevet, Vachette vida son chargeur sur lui.
Cinq inspecteurs de la BS2 appréhendèrent le 8 janvier 1944 Jean Camus à l’angle des rues de Vaugirard et de la Procession dans le XVe arrondissement. L’arrestation fut mouvementée. Camus tira une fois mais fut maîtrisé. Fouillé, il portait sur lui un pistolet automatique 7,65 mm et son chargeur contenant sept cartouches, une fausse carte d’identité au nom de Jean Lemoine. Il faisait l’objet de plusieurs fiches de recherches des services policiers.
Interrogé dans les locaux des Brigades spéciales à la préfecture de police, il reconnut sa participation aux différentes actions, assura avoir tué le commissaire Franck Martineau. Livré aux Allemands, incarcéré à Fresnes, il comparut le 11 avril 1944 devant le tribunal du Gross Paris qui siégeait rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.). Condamné à mort pour « actes de franc-tireur », il fut passé par les armes le 25 avril à 15 h 20 au Mont-Valérien.
Sa famille demeurant hors du ressort de la préfecture de police de la Seine, elle ne fut pas convoquée pour témoigner devant la commission rogatoire qui siégea en 1945. La mention « Mort pour la France » fut attribuée à Jean Camus par le ministère des Anciens Combattants le 24 avril 1946 ; elle figure sur son acte de naissance. Son nom fut gravé sur le monument aux morts de Gonesse et le conseil municipal donna son nom à une rue de la ville. Michel Martineau, fils aîné du commissaire Franck Martineau dans son ouvrage Les inconnus de l’Affiche rouge écrivit que Jean Camus fut à l’origine de l’attentat contre son père.
..................................................................
Dernière lettre
 
Fresnes, le 25 avril 1944
Ma chère petite maman chérie,
PARDONNE-MOI, ma chère maman, de t’avoir déjà fait tant de peine, mais aujourd’hui je vais t’en faire une autre plus douloureuse que jamais
dans deux heures, c’est-à-dire à quinze heures cet après-midi, je serai fusillé par le peloton d’exécution.
J’ai été condamné à mort le 11 avril et je serai fusillé à dix-huit ans et un mois juste ; je meurs en brave qui a conscience de n’avoir fait que son devoir. Je veux bien, chère maman, que tu ne te fasses pas de mauvais sang pour ton fils, car moi je ne suis plus à plaindre, je pars rejoindre le royaume de Dieu où je serai fort heureux ; ceux qui sont le plus à plaindre, ce sont toi et mon papa bien-aimé.
Avant de mourir, je demande pardon à tous les gens à qui j’ai fait du mal et je pardonne à tous les gens qui m’ont fait du mal.
Tu iras voir Clémence. Léon, mes cousins, cousines ainsi qu’Henriette et toute sa famille. Je veux aussi embrasser Antoine et Renée, ainsi que grand’mère et Huguette. Tu iras chez Suzanne et tu embrasseras tout le monde, c’est ma dernière volonté. Surtout, surtout, ma chère petite maman, reprends bien le dessus sur toi-même et reprends le cours de la vie normale
Après la guerre, fais ramener mon corps ou ses résidus et fais-les mettre à côté de feu mon grand-père Désiré Camus, vas voir Monsieur T... et dis-lui que son ancien élève l’embrasse de tout son cœur.
Je te quitte, chère maman, pour manger un peu et pour ne pas mourir le ventre vide Pour cette lettre je te dis à tout à l’heure, chère maman, mais je t’invite à croire que c’est maintenant que je vois ce que tu représentais pour moi
Jean Camus
 
13 h 30
Ma maman chérie,
Je continue ma lettre pour te dire pie j’irai au poteau la tête haute et la cigarette aux lèvres ; je succéderai à tant de mes camarades qui ont, eux aussi, pris le même chemin.
Au poteau, ma dernière pensée sera partagée entre toi et Dieu, car je vous adore également tous deux.
Mes dernières larmes d’adolescent ne peuvent pas sortir de mes yeux pour pleurer toi et mon cher papa qui, j’espère, sera bientôt de retour. Je te conseille, ma petite mère chérie, de partir dans notre famille et de ne pas te faire de mauvais sang outre mesure. J’aurais tant voulu revoir Gonesse avant do mourir, mais il faut que la volonté de Dieu s’accomplisse
 
Après la guerre, tu n’auras pas à avoir honte de ton fils qui a été un des meilleurs Francs-Tireurs de la région parisienne. Je ne sais vraiment plus quoi
mettre sur ma lettre, si ce n’est que de te recommander de souhaiter une meilleure chance que la mienne à tous ceux que je connais et particulièrement à toi et à papa que j’adore. Je vais bientôt partir au poteau et il faut que je sois fort comme un petit homme.
Je te quitte, ma chère petite maman adorée, en t’embrassant avec sincérité, ferveur, adoration, amour et tout ce que je ne peux même pas exprimer.
Conserve mes lettres et si je les adresse à toi, c’est parce que je sais que tu es seule à la maison, mais quand papa reviendra, montre-les lui, car elles sont pour lui également.
Adieu, parents chéris adorables, adieu, adieu, adieu. Un jour au paradis céleste.
Votre fils de dix-huit ans.
Jean Camus
Sources

SOURCES : Arch. PPo. BA 2117, BS2 carton 28 et 31, JA 235, JA 253, 777 W 2215, 77W 3111, PCF carton 16 rapports hebdomadaires des Renseignements généraux sur l’activité communiste. – DAVCC, Caen, Boîte 5, Liste S 1744-274/44 (Notes Thomas Pouty). – Michel Martineau, Les inconnus de l’Affiche rouge, Libre label, 2014. – Site Internet Mémoire des Hommes. – Mémorial GenWeb. – État civil, Gonesse.

Iconographie
PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 144

Daniel Grason, Gérard Larue

Version imprimable