Né le 9 septembre 1920 à Bournezeau (Vendée), fusillé comme otage le 22 octobre 1941 au champ de tir du Bêle à Nantes (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) ; étudiant ; résistant.

Tombe au cimetière militaire de la Chauvinière à Nantes
Tombe au cimetière militaire de la Chauvinière à Nantes
Cliché AP-CP
Jean Grolleau était le fils de Georges, Olivier, Henri, tonnelier puis négociant en grains et engrais, lequel avait épousé à Bournezeau, en 1919, Henriette, Adelphine, Germaine, née Bénéteau, couturière puis commerçante – elle tenait un bar-tabac. Jean Grolleau avait deux frères, Georges, né en 1923 – qui eut deux enfants, et qui décéda en Amérique du Sud dans un lieu et à une date inconnus – et André, né en 1925 – lequel épousa Madeleine Auger le 27 septembre 1947 à Saint-Pierre-des-Corps, agglomération de Tours (Indre-et-Loire) où il décéda le 20 août 1997. En 1938 ou au début de 1939, la famille s’installa à Sainte-Luce, près de Nantes.
Selon le site Internet référencé ci-dessous, consacré à l’histoire de Bournezeau, « Jean a fréquenté l’école primaire de l’école privée de Bournezeau. M. Braud, directeur, a gardé un excellent souvenir de cet élève qu’il qualifiait de studieux et plutôt brillant. Jean entra à l’école de Saint-Gabriel, à Saint-Laurent-sur-Sèvre (Vendée), en 1933, pour en sortir en 1939. Il a obtenu le brevet élémentaire et les deux parties du bac. Ensuite il continua ses études supérieures à l’IPO (Institut polytechnique de l’Ouest) de Nantes pour préparer le concours d’entrée aux Ponts et Chaussées. » Il était donc étudiant et célibataire au début de l’Occupation.
Selon les archives, il s’engagea dans la Résistance avec d’autres étudiants dès le mois de septembre 1940 au sein du réseau « Bouvron Nantes » (Groupe Foch). Mais la source déjà citée indique que Jean Grolleau s’affilia au groupe « Marcel Évin-Attila dont l’objectif était de fournir des faux papiers à des personnes désireuses de quitter la France pour passer en Angleterre. Il aurait ainsi participé à la diffusion de tracts et de journaux clandestins tels que En captivité et préparé aussi l’évasion d’un soldat anglais blessé. »
Le 13 mai 1941, il fut arrêté à Nantes par l’Abwehr – le service de renseignements de la Wehrmacht – et incarcéré à la prison Lafayette. Il était suspecté d’intelligence avec l’ennemi, de faire passer du courrier à la zone dite libre et de non-déposition de tracts germanophobes. Il fut jugé le 8 août 1941 par le tribunal militaire de la Feldkommandantur 518 de Nantes et condamné à trois semaines de prison, ou acquitté faute de preuves selon les sources. Mais Jean Grolleau et d’autres suspects furent maintenus en détention pour des raisons de sécurité. À la suite de l’exécution de Karl Hotz, Feldkommandant de Loire-Inférieure, abattu le 20 octobre 1941 à Nantes par un commando de l’Organisation spéciale (OS) du Parti communiste français (PCF) – Gilbert Brustlein, le tireur, Spartaco Guisco et Gilbert Bourdarias –, Hitler ordonna en représailles l’exécution d’otages. En conséquence de quoi, le 22 octobre, quarante-huit détenus furent passés par les armes, cinq au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine), vingt-sept à Châteaubriant (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique), et seize à Nantes au champ de tir du Bêle, parmi lesquels Jean Grolleau. Les autres victimes étaient des jeunes résistants, à l’instar de Jean Grolleau – Michel Dabat, Frédéric Creusé, Jean-Pierre Glou, Jean Platiau –, des anciens combattants – Paul Birien, Joseph Blot, Auguste Blouin, Alexandre Fourny et Léon Jost –, des communistes – René Carrel, Joseph Gil, Robert Grassineau et Léon Ignasiak – et deux hommes qui s’étaient battus avec des soldats allemands – Maurice Allano et André Le Moal. Ils furent passés par les armes par groupes de trois ou quatre. Ce fut « la première exécution massive de civils à l’Ouest depuis 1940, une étape décisive dans l’évolution de l’opinion publique à l’égard des Allemands » (Didier Guyvarch’h, Dictionnaire de la Résistance), une rupture irréversible avec le mythe de la « correction » de l’occupant véhiculé par la propagande nazie depuis juin 1940.
_ À la prison Lafayette, le 22 octobre 1941, à 12 h 35, quelques heures avant son exécution, Jean Grolleau écrivit la lettre suivante à sa famille : « Chers Parents Chéris, Aujourd’hui je viens vous dire adieu ; voilà six mois que je suis ici ; j’attendais toujours ma libération. Eh bien, mes chers parents, au lieu d’une libération pour vivre avec vous, pour vous aider, c’est une libération définitive que le bon Dieu veut me donner. Je sais quelle peine vous allez avoir, mais que voulez-vous, c’est la volonté de Dieu. Vous êtes des chrétiens et je sais que saurez supporter cette épreuve chrétiennement. Je vous demande de faire dire pour moi vingt-cinq messes tout de suite, c’est ma dernière volonté. Je sais ce que vous avez fait pour moi, et je vous remercie de tout cela ; je vous demande pardon pour toutes les peines que je vous ai faites ; je demande pardon à toutes les personnes que j’ai connues et à qui j’ai pu faire quelques torts. Je vous embrasse tous : papa, maman, André, Georges, grand-mère, mes oncles, mes tantes, enfin tous. Priez bien pour moi surtout. Mes chers parents je vais au ciel où je prierai pour vous. Soyez bien courageux comme je vais essayer de l’être avec la grâce de Dieu. Je meurs, mes chers parents, en pensant à vous, en pensant à Dieu. J’offre ma vie pour la France, pour le pardon de mes péchés ; que Dieu me pardonne et m’accueille dans Son ciel. Priez bien pour moi. Ne vous affligez pas trop pour moi ; remerciez bien mes bons amis, M. le Curé de Bournezeau [Gustave Pavageau, lequel exerça son ministère à Bournezeau de 1933 à 1946] de tout ce qu’ils ont fait pour moi ; dites-leur que je meurs en chrétien et en Français. Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du tort. Le sacrifice [est] si grand que le bon Dieu sera pour vous une source [de] bénédiction ici-bas. J’offre ma vie pour que mes deux frères soient toujours bons et vous aident toujours. Et toi Georges, prie bien pour moi ; aime toujours ton papa et ta maman. Et toi aussi mon petit André ; soyez tous les deux de bons fils ; sur la terre, il n’y a que cela qui compte ; le bon Dieu, son papa, et sa maman. Priez bien pour moi. Adieu, nous nous reverrons au ciel. Adieu à mes camarades. Adieu chers parents, vive la France et que Dieu ait mon âme. Fait à Nantes le 22 octobre 1941. Je suis indigne de l’honneur que l’on me fait de mourir pour la France ; puisse mon sacrifice n’être pas inutile. Que la volonté de Dieu soit faite. Gros baisers à tous que je ne puis voir. Jean. »

« Le lendemain matin, son frère Georges était dans le bus, lorsqu’il apprit la mort de Jean. Très en colère, il injuria des officiers allemands qui se trouvaient là. Il fut arrêté et emprisonné. Il a fallu l’intervention de sa mère et d’une autorité locale pour qu’il soit libéré le soir même. Les corps furent placés dans des cercueils de bois brut et transportés dans trois cimetières. Aucun nom n’était porté sur les tombes, seulement un numéro, faisant référence à une liste dressée par les Allemands. Jean Grolleau portait le no 43, il a été inhumé à Basse-Goulaine. Les corps ont été exhumés le 3 juin 1945, placés dans de nouveaux cercueils et ramenés dans la grande salle des Beaux-Arts de Nantes pour des obsèques solennelles le 9 juin 1945. Ensuite les corps ont été inhumés dans le cimetière de leur famille. Celui de Jean Grolleau a été inhumé dans le cimetière de La Chauvinière, au nord de Nantes. » (Site Internet histoire.bournezeau.)
Jean Grolleau fut homologué au grade de sergent, cité à l’ordre de la Nation le 7 décembre 1948 et fait chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume en 1949. Déclaré « Mort pour la France », il fut reconnu « Interné Résistant » le 15 juillet 1952. Sa ville natale, Bournezeau, lui a rendu hommage. Depuis 1992, une rue porte son nom et une plaque est apposée sur la façade de la maison où il est né. Une page Internet d’un site dédié à l’histoire de la commune lui est consacrée. À Nantes, un mémorial a été aménagé au champ de tir du Bêle où furent exécutés plus de quatre-vingts personnes. Le nom du « cours des Cinquante-Otages » – une des principales artères de la ville de Nantes – commémore le sacrifice des fusillés du 22 octobre 1941.
Sources

SOURCES : DAVCC, Caen. – Notes Thomas Pouty. – Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, Le sang des communistes, Les Bataillons de la jeunesse dans la lutte armée, automne 1941, Paris, Fayard, 2004, p. 66-67 et note 262 p. 315. – François Marcot (sous la dir.), Dictionnaire historique de la Résistance, Paris, Robert Laffont, 2006, p. 608. – 22 octobre 1941 : l’exécution de 48 otages, Didier Guyvarch’h. – Une page est consacrée à Jean Grolleau, notamment sa dernière lettre et sa photographie sur le site histoire.bournezeau. – Plusieurs sites web présentent un historique et des photographies de l’histoire et du Mémorial du champ de tir du Bêle à Nantes. Enfin, on retrouve des informations sur les 16 otages fusillés le 22 octobre 1941 sur le site AJPN. — A. Perraud-Charmantier, La guerre en Bretagne. Récits et portraits, I, Nantes, 1947, Aux portes du Large. — Dominique Bloyet, Étienne Gasche, Jeunes résistants en Loire-Atlantique, Coiffard Libraire éditeur, 2014.

Dominique Tantin

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