Né le 16 avril 1918 à Saint-Denis-d’Anjou (Mayenne), mort des suites de blessures le 10 juin 1943 à Ambert (Puy-de-Dôme) ; employé du Ministère des Finances ; membre du Parti communiste (PCF) ; résistant et responsable du Mouvement “Franc-Tireur” du maquis d’Arlanc.

Fils de Pierre Auguste, mécanicien et de Marie Constance, née Fanechèvre, couturière, Pierre Cerveau se maria à Paris (XIIe arrondissement), le 16 décembre 1939 avec Odette, Henriette Couzard ou Cauzard. Il fut membre des Jeunesses communistes puis adhérent du PCF. Il était employé au ministère des Finances et habitait avant-guerre à Paris, 32 rue des Entrepreneurs.
En 1940, il fut mobilisé puis fait prisonnier, envoyé au Staga VB. Il s’en évada et fut démobilisé en février 1941.
Il rejoignit alors son poste d’employé du ministère des Finances replié à Royat (Puy-de-Dôme) en habitant cette commune, 11 rue des Barreiras puis 7 rue Jean Grand.
Il accomplit début 1942 des actions relevant de la Résistance individuelle, en faisant en différentes occasions des inscriptions à la peinture sur les murs et trottoirs de Royat hostiles à l’armée allemande.
C’est au sein du Mouvement Franc-Tireur qu’il rejoignit la Résistance, donnant son adhésion à Gaston Strhol, alias Franklin, en mai 1942. Franc-Tireur, créé à Lyon, le 20 novembre 1940, fut implanté à Clermont-Ferrand et la région, dès le printemps 1941, en particulier aux usines Michelin. Pierre Cerveau est alors responsable du groupe « Franc-Tireur » du secteur de Royat-Chamalières et membre du Comité directeur régional dirigé par Marc Gerschel. Il a participé à différentes actions : distribution de tracts, parachutage à Gerzat avec Jean Janter, de Montferrand, structuration du Mouvement sur Clermont-Ferrand et sa banlieue, préparation et réalisation d’une opération menée le 2 novembre 1942. C’est lui qui, selon ses aveux au magistrat, déposa un engin explosif devant le centre de propagande du Maréchal place de Jaude à Clermont-Ferrand. La découverte de l’engin par un gardien de la paix de surveillance évita l’explosion. Cerveau était ce jour-là accompagné de Maurice Jouanneau. Entendu le 2 novembre, Cerveau reconnut sa participation mais fut laissé en liberté par le juge d’Instruction. Suite à la demande du préfet si cet individu interné pouvait être libéré, il fut présenté comme membre du Comité directeur local de l’organisation « Franc-Tireur ». De bons renseignements furent recueillis sur lui, on considéra qu’il avait eu une conduite excellente lors de son internement et avait une situation de famille « intéressante ». Le magistrat décida sa libération au nom du fait qu’il avait deux enfants. Mais le 30 novembre 1942, le chef régional de police de Sûreté alerta l’intendant de police de cette décision, estimant que l’internement de Cerveau s’imposait. Il réitéra sa demande le 15 décembre 1942, précisant avoir gardé à vue Pierre Cerveau au Commissariat central de Clermont-Ferrand en attendant une décision le concernant. Finalement, on refusa sa libération du camp car il était jugé impulsif et n’avait pas hésité à passer à l’action. La police établit plus tard qu’il avait été un militant ardent des Jeunesses communistes dans la Sarthe, dans le passé. Cerveau avait déjà bénéficié d’une mise en liberté provisoire, précisa ce rapport de février 1943.
Pierre Cerveau est arrêté le 7 ou 8 décembre 1942. Il a été détenu à la maison d’arrêt de Clermont pour bris de clôture et détention d’explosifs puis au camp de Saint-Paul (Haute-Vienne) dit Saint-Paul-d’Eyjeaux suite à arrêté du préfet du 19 décembre 1942. Le 9 février 1943, il fut transféré du camp à la Maison d’Arrêt de Clermont-Ferrand. Le 22 mars 1943, il obtint du juge d’instruction de Clermont-Ferrand l’autorisation de passer un concours à Vichy et en profita pour s’enfuir, sans être repris.
Au même moment, une femme, Francine Neymarck, prit l’initiative d’accueillir des défaillants du STO dans la forêt d’Arlanc. Elle se rendit rapidement compte qu’elle ne pourrait assurer seule le ravitaillement d’un groupe et sollicita donc l’appui du chef régional de « Franc-Tireur ». Celui-ci lui envoya alors Pierre Cerveau comme responsable du groupe de réfractaires qui passa, dès lors, sous le contrôle de "Franc-Tireur". Cerveau arriva dans le secteur d’Arlanc, le 17 avril, juste après le premier du futur groupe, Roger Boulinguez sur les lieux depuis le le 27 mars 1943. Il avait le grade de capitaine. C’est lui qui accueillit les réfractaires au STO envoyés de Clermont à La Chapelle-Geneste, commune de Haute-Loire jouxtant l’extrême sud-est du département du Puy-de-Dôme et la commune d’Arlanc. Dès leur arrivée dans le hameau de Pillanges, commune d’Églisolles, Cerveau demanda aux réfractaires qui parmi eux appartenaient au PCF et qui voulait y adhérer. Selon le témoignage d’un jeune réfractaire arrêté, il trouvait les « Francs-Tireurs » trop « tièdes » et se plaignait de ne pas recevoir les armes demandées.
Bien que recrutant pour le Parti communiste et détenant des documents internes au PCF clandestin, Pierre Cerveau n’était pas identifié avant guerre comme militant communiste ou même syndical à Clermont-Ferrand.
Un autre témoignage le présenta comme armé en permanence d’une mitraillette et faisant pression systématiquement sur les jeunes réfractaires arrivés au camp pour adhérer au Parti communiste. Il reconnaissait que le mouvement « Franc-Tireur » ne voulait pas qu’il s’occupe de politique au sein du mouvement mais qu’il voulait noyauter les jeunesses et les faire adhérer au Parti communiste. Maurice Jouanneau lui-même, l’un des adjoints de Cerveau au maquis, mais socialiste, déclara lors de son arrestation être « entré en discussion » avec lui car il ne pouvait admettre que Cerveau fasse de la propagande pour le PC. Selon lui, « Franc-Tireur » aurait voulu ne pas admettre les communistes mais, par la suite, le fait de se dire « patriotes » était la seule condition pour rejoindre le groupe, sans exclusive. Ceci occasionna un froid avec Cerveau.
Suite aux arrestations frappant le groupe, on trouva une valise dans une maison abandonnée du hameau de Pillanges, commune d’Églisolles (Puy-de-Dôme) contenant des objets ou vêtements ayant appartenu à Pierre Cerveau, ainsi que des documents sur lui. Surtout, grâce aux aveux d’un des jeunes réfractaires, on découvrit de véritables archives ayant appartenu à Pierre Cerveau, confiées ce 6 juin 1943 à un agriculteur. On trouva L’Humanité clandestine de mai 1943, un tract du PCF titré « Pour le rassemblement sous une direction unique », mais aussi le plan d’évasion de trois détenus écroués à la maison d’arrêt de Clermont depuis septembre 1942 et appartenant au mouvement « Combat », pour avoir commis plusieurs attentats à Clermont. On trouva des textes manuscrits des consignes pour ses adjoints, des listes d’armes, une copie d’un rapport de mars 1943 émanant de la Direction des services de la police de sûreté à Vichy sur les mouvements de Résistance et sur l’Armée secrète, ses instructions concernant le ravitaillement, le potentiel de couchages pour chacune des caches du groupe mais, surtout, une liste de 72 noms et prénoms de membres du groupe avec leur date d’arrivée, l’adresse et le nom des personnes à prévenir en cas d’accident, leur âge, profession, situation familiale, situation militaire, le nom de la personne les ayant envoyés ici, une appréciation notée sur leur tenue (de très bien à très mauvaise) et enfin une colonne avec des observations, notamment pour signaler ceux arrêtés. 24 parmi eux étant recensés comme ayant adhéré au PC.
Il reçut une lettre datée du 13 mai 1943 du dénommé Auguste (non identifié) qui l’appelait « Cher camarade ». Dans cette lettre, il reçut des consignes et des documents, notamment « la lettre de De Gaulle à [Fernand] Grenier et copie d’une circulaire du parti à discuter avec les organisations faisant partie du Front national ». Son interlocuteur ajouta : « Si tu juges ne pas te démasquer encore, tu les feras lire par un copain », ce qui démontrait la volonté du Parti de faire avancer ses positions avec des militants ne dévoilant pas leur adhésion. Chacun des hommes de Cerveau était appelé à fournir des indications parvenues à leur connaissance au sujet de dépôts d’armes ou de stock de ravitaillement et habits, pouvant exister dans la région. Cerveau les faisait ensuite parvenir à Auguste et l’invitait à organiser des coups de main pour s’en emparer.
Parmi les consignes données le 16 mai à Jean Perrain, dit Marius, figurait l’exigence d’envois d’hommes en nombre, au moins une cinquantaine, d’amener « des hommes particulièrement gonflés », « des hommes, des vrais », solidement armés, figurait aussi la demande urgente de parachutages d’armes sur le terrain au lieu-dit « Chènerailles » à Saint-Alyre-d’Arlanc (Puy-de-Dôme).
Parmi les documents trouvés chez lui, figurait aussi la liste de huit commissaires de police de Clermont-Ferrand, avec leur adresse.
Une lettre de "Jeanne d’Arc à Franklin", datée du 30 avril 1943 indique que Jeanne d’Arc (Mme Francine Neymarck, née Bloch), qui aidait aux liaisons et au ravitaillement du groupe, non communiste, avait obtenu le concours vraiment intéressant du maire lui aussi non communiste de Saint-Alyre-d’Arlanc. Elle ajoutait que Joseph, c’est-à-dire Pierre Cerveau, n’avait pas apprécié cette collaboration, parlant de régler son compte plus tard au maire. Jeanne d’Arc déclara que c’est la première fois qu’elle ne s’entendait pas avec Joseph qui « travaille très bien « et qui lui « semble honnête vis-à-vis de ses camarades » et très ferme avec elle. Cerveau est décrit comme un exalté, voulant passer à l’action armée, tandis que la direction régionale de « Franc-Tireur » ne souhaitait pas engager d’actions violentes.
Il fut ensuite considéré comme le responsable du commando organisant l’attaque de la gendarmerie d’Arlanc, le 9 juin 1943. L’opération visait à libérer six jeunes réfractaires au STO. Selon le témoignage de Paul Daigneau, l’un de ses adjoints, Paul Daigneau aurait été davantage favorable à une récupération “en douceur”, à la faveur de leur transfert par voie de chemin de fer. C’est Pierre Cerveau, plus impulsif et partisan de l’action directe qui imposa sa volonté.
Pierre Cerveau se présenta au bureau pour discuter de la libération de ses hommes. Se méprenant sur ses intentions et sans lui laisser le temps de proférer une parole, un gendarme se précipita pour le ceinturer. Cherchant à se dégager, Cerveau voulut lui porter un coup de crosse de son revolver sur la tête. Mais le coup partit malencontreusement et Cerveau fut blessé mortellement d’une balle au foie.
Trois gendarmes furent grièvement blessés. Un médecin accourut pour soigner les premiers blessés et réussit à convaincre les réfractaires que leurs blessés sont intransportables. Pierre Cerveau décéda, le 10 juin, à l’hospice d’Ambert. Selon le rapport du commissaire divisionnaire, il ne s’agissait pas « de jeunes cherchant à échapper au Service du travail obligatoire mais un véritable groupe de Résistance de « Francs-Tireurs » et Partisans » (sic) ayant des chefs, et noyautés par les communistes ». À côté de Cerveau, on trouvait, certes, des jeunes d’horizon divers mais la plupart des responsables du groupe étaient communistes, à l’image de Paul Daigneau et de Jean Perrain. Maurice Jouanneau attesta que Pierre Cerveau s’était livré dans ses activités de Résistant à la récupération de parachutage, au trafic d’armes et à l’attaque de la mairie d’Arlanc.
Pierre Cerveau fut homologué lieutenant FFI à titre posthume en 1949, avec dates homologuées du 1er janvier au 9 juin 1943. Il a été reconnu « Mort pour la France ».
Après-guerre, sa veuve se remaria et habita Saint-Denis.
Son nom figure sur le Monument commémoratif du Ministère des Finances à Paris, XII° arr.
Sources

Sources : Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 908 W 496 : liste des fusillés, des massacrés dans la région du Puy-de-Dôme, 1er mars 1945 .— Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 900 W 85, dossier d’interné de Pierre Cerveau. — Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 296 W 422 : le Chef du service régional de police de sûreté à Monsieur le juge d’instruction de Clermont, le 14 juin 1943.— Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 1296 W 422 : le commissaire de police de sûreté Trotta au chef du service régional de police de sûreté, 16 juin 1943.— Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 1296 W 422 : le Chef de service régional de police de sûreté au directeur des services de police judiciaire à Vichy, 24 juin 1943.— Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 1296 W 422 : liste nominative des personnes arrêtées au cours des opérations de police, circa fin juin 1943.— Arch. dép. du Puy-de-Dôme : 1296W422 : « Copie d’un état découvert dans les archives de Cerveau Pierre dit Joseph », 3 pages dactyl..— Arch. dép. du Puy-de-Dôme : dossier 1296W422 : PV interrogatoire de Pierre Pagès, le 9 juillet 1943.— Arch. dép. du Puy-de-Dôme : 1296W422 : le Commissaire de police de sûreté Trotta à Monsieur le commissaire divisionnaire, chef du service régional de police de sûreté, le 22 juin 1943.— Arch. dép. du Puy-de-Dôme : 1296 W 422 : déposition de Paul Daigneau devant le commissaire Servant de la police judiciaire, le 27 octobre 1945.— Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 1296W422 : déposition de Maurice Jouanneau auprès du Commissaire Trotta, le 13 juin 1943 .—Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 900 W 79 : le 30 novembre 1942, le chef régional de police de Sûreté à l’intendant de police .— Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 900 W 84, dossier d’internement de Bauer Fernand. — PV interrogatoire de Jean Combaneyre par la police,16 pages dactyl. (archives privées de Roger Champrobert, Clermont-Ferrand).— SHD dossier GR 16 P 115184 .— AVCC, Caen, AC 21 P 40568. Dossier Pierre Cerveau (non consulté) — Eugène Martres, Auvergne-Bourbonnais, les archives parlent 1940-1945, Éditions de Borée, 2004.— Gilles Lévy, A nous Auvergne !, Paris, Presses de la Cité, 1981 .— Paul Daigneau, « Guérilleros au Pays des Arvenes ». Série d’articles parus dans la revue Paris Centre-Auvergne dans ses n° 1 à 5 (1967) .— Mémorialgenweb.

Eric Panthou, Jean-Pierre Besse

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