Né le 9 octobre 1920 à Lyon (IIIe arr.), fusillé le 17 avril 1942 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; comptable ; membre des Brigades internationales de 1936 à 1938 ; membre du comité central des Jeunesses communistes, secrétaire des Jeunesses communistes de la région lyonnaise en 1939 ; résistant.

Marcel Bertone
Marcel Bertone
Arch. Mun Ivry-sur-Seine
Fils de Victor Bertone, peintre-plâtrier né à Gattinara (province de Vercelli, Piémont, Italie), et d’Argentine Patriarca, ménagère, Marcel Bertone habitait avec ses parents une vieille maison du quartier lyonnais de la Croix-Rousse. Difficilement – car les Bertone avaient une nombreuse famille –, il était parvenu à faire assez d’études pour devenir aide-comptable. À quinze ans, il était déjà membre des Jeunesses communistes et, lorsque la guerre d’Espagne éclata, il se porta volontaire pour aller combattre dans les Brigades internationales. Il ne rentra qu’à la fin de 1938 après être devenu, en dépit de son jeune âge, commissaire politique et avoir été blessé à la bataille de l’Ebre. Immédiatement, il se mit à la disposition de la direction régionale des Jeunesses communistes et, au début de 1939, fut coopté au secrétariat Rhône-Ain des Jeunesses communistes. Au mois d’avril suivant, à la suite du rappel sous les drapeaux d’Albert Ouzoulias, le secrétaire régional de l’organisation, il lui succéda. Il se fiança avec Jeannette Fédit, secrétaire du foyer des Jeunes filles de France de la Croix-Rousse. Au congrès d’Issy-les-Moulineaux, il fut élu membre du comité central des JC en même temps que Pierre George, le futur colonel Fabien.
Pendant la « drôle de guerre », le 23 octobre 1939, il fut arrêté, en même temps que de nombreux communistes lyonnais. Interné au fort du Paillet à Dardilly-le-Mont (Rhône), il se maria le 10 février 1940 à Lyon (Ier arr.) avec Jeanne Fedit et, le 20, fut transféré à Fort-Barraux (Isère). On l’envoya ensuite dans trois autres camps : Riom-ès-Montagnes (Cantal), puis en juin, via Carpiagne (Bouches-du-Rhône), à Chibron, commune de Signes (Var). Il était membre du trio de direction clandestin du camp et organisa les internés communistes en groupe de trois. Il fut l’un des organisateurs de la grève de la faim décidée afin de protester contre les mauvais traitements exercés par le chef militaire du camp.C’est de ce dernier camp que, le 7 octobre 1940, il parvint à obtenir une permission pour voir sa femme enceinte et ne revint pas.
Après un court séjour à Montceau-les-Mines et à Troyes, la direction clandestine des JC l’affecta à la responsabilité des Jeunesses dans la banlieue sud de Paris. Sa femme le rejoignit et commença pour le jeune couple qui résidait dans le XIe arrondissement, rue de la Folie-Méricourt, une vie très difficile. Malade, hospitalisée, Jeannette donna le jour à une fille prénommée Hélène et, pour survivre, Marcel Bertone devint transporteur avec un vélo et une remorque.
À la fin de 1941, les JC lancèrent dans Paris une grande offensive contre les librairies, les immeubles et le matériel des collaborateurs et des troupes d’occupation. Dans le cadre de ces opérations, le 18 décembre, rue Mayran, dans le IXe arrondissement, Bertone avec ses amis Louis Coquillet et Maurice Touati, incendièrent des camions allemands lorsque survinrent trois agents qui prirent Bertone en chasse. Au 26 de la rue Cadet, avec l’aide d’un locataire, il fut capturé. Remis dans la nuit à la Feldgendarmerie, il fut déféré le 15 avril 1942 à la cour martiale allemande réunie à la Maison de la Chimie et, avec vingt-quatre membres de l’organisation spéciale du PCF et des Bataillons de la jeunesse, il fut condamné à la peine de mort.
Dans une dernière lettre adressée à sa fille Hélène, il écrivait : « Aie l’esprit de sacrifice pour les choses nobles, généreuses... Ne baisse pas la tête parce que ton papa a été fusillé. »

Exécuté le 17 avril 1942, il a été enterré au cimetière d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne). Il a été reconnu Interné Résistant (IR).
Une rue de La Croix-Rousse porte son nom.
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Dernière lettre
 
17- avril 1942
[A sa fille]
Ma petite Hélène, lorsque tu liras cette lettre, ton. petit cerveau commencera sans doute à comprendre la vie. Tu regretteras de ne pas avoir à tes côtés ton papa qui t’aurait rendue heureuse avec ta maman. Mon Hélène, tu dois savoir un jour pourquoi ton papa est mort à vingt et un ans, pourquoi il s’était sacrifié, pourquoi il a fait semblant de t’abandonner. Je t’ai aimée avec tout l’amour paternel dont un homme peut être capable J’avais fait de beaux rêves d’avenir pour toi, je ne puis plus mais j’ai confiance dans ta maman qui saura me remplacer auprès de toi. Ma petite Hélène, il est deux heures et à quatre heures il faut être prêt. Il faut me dépêcher. Écoute et respecte mes volontés
1° Dans tout ce que tu feras dans la vie, respecte ta mère, respecte le souvenir de ton père. Si un, jour tu manquais de respect à ta maman, sache que si je pouvais l’apprendre, je sortirais de la tombe pour te le reprocher.
2° Apprends à connaître les raisons pour lesquelles je.suis tombé.
3° Apprends à connaître ceux qui t’entourent et juge les gens, non d’après ce qu’ils te diront, mais d’après ce que tu leur verras faire
4° Aie la volonté, l’ambition de devenir. Aie l’esprit de sacrifice pour les choses nobles et généreuses. Ne te laisse pas arrêter par les choses qui paraîtront te convaincre que ton sacrifice est vain, inutile
5° Soutiens ta maman par ta conduite honnête, ne lui créé pas de soucis inutiles Aide-la de toutes tes forces, car la vie, pour elle, fut semée de souffrances amères et tragiques.
6° Si, dans la vie, tu ne connais pas la richesse, console-toi en pensant que là ne se trouvent pas les sources du vrai bonheur.
7° Choisis un honnête travailleur pour mari. Choisis-le généreux, aimant, travailleur, capable de t’aimer
Ma fille, en pensée je t’embrasse, on ne nous a pas accordé l’autorisation de vous voir... Peut-être cela vaut-il mieux ?
Adieu, Hélène, ton papa est mort en criant :
"Vive la France !"
Fait à la prison de la Santé
Le 17 avril 1942, date de mon exécution
Marcel Bertone
Ne baisse pas la tête parce que ton papa est fusillé.
Sources

SOURCES : Arch. Dép. Seine-Saint-Denis, fonds du PCF, 261J6[62].— Arch. Dép. Var, 4 M 291 et 292. — DAVCC, Caen, B VIII 5. – La Voix du peuple, hebdomadaire du PCF de la région lyonnaise, janvier 1939. – Burlando Max, Le Parti communiste et ses militants dans la Résistance des Alpes-Maritimes, La Trinité, Parti communiste français, Fédération des Alpes-Maritimes, 1974 p. 275. — Albert Ouzoulias, Les Bataillons de la jeunesse (Éd. Soc.) et Les Fils de la nuit (Grasset). – Notes d’André Rossel-Kirschen. – Lettres de fusillés, Éditions France d’abord, 1946, p. 16-17. — Lettres de fusillés, Éditions sociales, 1958, p. 28-29, repris dans l’édition de 1970, p. 45-46. — Guy Krivopissko La vie à en mourir. Lettres de fusillés.1941-1944, Paris, Tallandier, 2003, p. 156-158. – État civil.

Iconographie
ICONOGRAPHIE : Les Bataillons de la Jeunesse, op. cit.

Maurice Moissonnier

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