Né le 23 juin 1909 à Paris (Xe arr.), fusillé le 19 janvier 1944 au champ de tir de Challuy-Nevers (Nièvre) ; ajusteur SNCF ; résistant au sein des FTPF homologué Résistance-Fer.

Marc Riquier
Dernière page de la dernière lettre à sa femme.
Orphelin de naissance, Marc Riquier fut élevé dans une famille d’adoption à Saint-Fargeau (Yonne). Entré au PLM le 7 décembre 1936, il travaillait dans cette ville quand il se maria en avril 1938 avec Suzanne Séron institutrice, puis le couple s’installa à Nevers, 12 rue du Treizième-de-Ligne. Marc Riquier travaillait comme ajusteur aux ateliers de chemin de fer de cette ville, où il militait à la CGT. Membre du groupe Fer des corps francs Vengeance, il conseillait des équipes de saboteurs. Il fut arrêté après l’heure du couvre-feu, le 28 août 1943, par la police allemande Sipo-SD, au retour d’un sabotage : il venait de détruire avec trois résistants FTP de Nevers, Ferron, Martial Pasdeloup et Jean Maheux un compresseur à la SIB (matériel de chemin de fer). Le groupe d’Action-Vengeance dirigé par Lavenant détenait le matériel mais manquait de résistants saboteurs tous déterminés à porter un coup au trafic ferroviaire. Maheux fut également arrêté, puis Pasdeloup le 4 septembre, Jean Duprilot (FTP) le 31 août et Alfred Carroy (Vengeance) qui avait fourni les armes.
Marc Riquier fut emprisonné à Nevers, et le tribunal allemand FK 568 le condamna à mort pour acte de franc-tireur le 11 janvier 1944. Il a été fusillé le 19 janvier 1944 à 8 h 02, avec ses camarades Alfred Carroy et Jean Duprilot, au champ de tir de Challuy, puis inhumé à Nevers. Il écrivit une longue (8 pages) dernière lettre qui nous a été communiquée par sa nièce Marie-Ange Séron.
Sa femme Suzanne donna naissance à un garçon, Jean-Marc, le 7 janvier 1944, fils qu’il n’a donc pas connu.
La mention « Mort pour la France » lui a été attribué et il a obtenu le titre d’Interné résistant le 27 septembre 1956.
A Challuy, commune limitrophe à Nevers « Le monument du Champ de tir rappelle la Mémoire des 32 patriotes qui, entre le 12 janvier 1942 et le 30 juin 1944, ont été fusillés en ce lieu par l’occupant nazi. » Son nom est également gravé sur la stèle commémorative aux cheminots morts pendant la Seconde guerre apposée dans la gare de Nevers ainsi qu’à Paris XIIe arr. dans le hall du Centre Régional des Opérations SNCF de la Région Paris Sud-Est - Matériel et Traction 1939-45 et sur le monument aux fusillés et déportés d’Auxerre (Yonne) avec le prénom de Marcel.
Une rue à Saint-Fargeau (Yonne) porte son nom, commune où il a été élevé par sa famille d’adoption et où, comme il l’avait souhaité, son corps repose auprès de sa fille morte en bas âge et de sa femme Suzanne remariée Goby décédée en 2009. ; le nom de Marc Riquier est gravé sur le monument aux morts.
Nevers, champ de tir de Challuy (12 janvier 1942-30 juin 1944)
Dernière lettre (texte recopié par sa femme,orthographe d’origine respectée)
Ma chère petite femme
C’est la dernière fois que je vais pouvoir t’écrire. Dans une heure je serai au poteau d’exécution. J’aurais bien voulu te voir pour te parler et embrasser mon fils.
J’ai tout fait pour le faire parvenir mais impossible. C’est surtout pour mon fils que j’aurais voulu tant embrasser, tu le feras pour moi.
Ma chère petite femme tu l’élèveras tu en feras un honnête homme et un bon Français, et tu lui parleras de moi.
Oui, c’est dans une heure que je vais être fusillé, mais t’en fait pas je vais y aller sans trembler en chantant, je vais les regarder droit et la tête haute, car ce n’est pas la mort d’un criminel, mais la mort d’un bon Français. Je ne suis pas seul, j’y vais avec Duprillot et Carrois des environs de La Charité. Qui lui est une victime de Pasdeloup. Si un jour tu les rencontres, Malheur en mon fils, je ne pardonne pas sa lâcheté. J’aurais bien voulu t’en dire plus long, mais on ne me donne pas le temps. Tu peux croire que j’ai véçu les heures les plus dures. J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps, pour toi ma petite femme, pour mon fils, pour toute la famille, mais ça a été aussi les heures les plus belles car j’ai chanté et je chanterai encore pour toi, pour mon fils et pour la libération de la France.
J’aurais pu éviter cette mort, vois tu, mais cela m’a été impossible car pour cela il aurait fallut que je fasses comme beaucoup ont fait, faire fusiller une vingtaine de camarades, alors il m’a été impossible d’accepter un tel marché, car si j’avais accepté ce marchandage je n’aurais plus osé regarder personne en face, la honte m’aurait étouffé.
Alors tu m’excuseras envers mon fils et envers toute la famille, si j’ai accepté de faire le sacrifice de ma vie, crois moi j’ai bien pensé à toute la famille à tout le monde, à tous les amis, je n’ai oublié personne, que veux-tu je n’ai pas de chance.
Je suis parmis ceux que le sort à choisi et qui comme moi partent pour que nos enfants aient une vie plus juste et meilleure, pour cela il faut de bons Français qui fassent le sacrifice de leur vie. Elève bien mon fils, ma chère petite femme parle lui souvent de moi. Je sais que je te laisse dans la douleur et sans ressources mais je fais appel à tous les camarades que le sort favoriseras pour t’aider. Ce n’est pas une aumône que je leur demande mais qu’ils emploient toute leurs forces, et leur volonté, pour défendre leurs droits et les droits de mon fils.
J’espère qu’ils comprendront tous car beaucoup comme moi vont faire le sacrifice de leur vie pour un avenir meilleur et plus juste et pour la libération de la France.
Tu recopieras cette lettre ou tu en [feras] beaucoup d’exemplaires et tu le feras diffusés dans tous les services et dans toutes la famille. J’ai été un vrai Martyr pendant 47 jours et n’ayant pas pu avoir de moi des indications, on m’achève à coups de fusils, car mon cas n’est pas valable pour la peine de mort. De plus on m’acuses d’être Franc-tireur quoi qu’il n’en soit rien.
Je termine cette lettre car voilà l’heure qui s’avance et je voudrais te demander quelques détails.
Adieu ma chère petite femme. Adieu mon fils et toute la famille et tous les amis. Mon dernier souffle sera pour toi et mon fils et pour la libération de la France.
Marc Riquier
 
Maintenant je vais te demander un petite sacrifice qui sera le dernier. Je veux que tu me ramènes à St Fargeau et que tu t’intéresses de suite, si tu peux acheter un place sur l’allée centrale ou sur le bord d’une allée car ou est la petite ce n’est vraiment pas facile d’approcher, enfin si tu ne peux pas vraiment, tu feras pour le mieux. Je voudrais un caveau mais un caveau bien étanche en ciment armé que l’on devide directement dans la fosse et alors là tu y mettras notre chère petite et moi, tu réserveras une place pour moi car je veux que sur la fin des tes jours tu reviennes avec moi. Il faut que tu prennes un caveau à 4 places, car il faut prévoir qu’il pourrait t’arriver un malheur car notre fils n’est pas encore élevé. Il vaut mieux prévoir une place de plus et qu’elle ne serve jamais. Dessus, tu feras mettre un granit c’est ce qui s’abime le moins. Avec un petit monument quelques chose de simple et tu mettras une de mes photos. Toi petite femme chérie, par la suite tu reviendras à St-Fargeau, quitte ce Nevers qui a fait le malheur de notre vie et reviens vers moi. Tu m’apporteras beaucoup de fleurs. Tu feras cela le plus tôt possible, je sais que tu n’auras pas les moyens de faire tous ces frais de suite, mais encore une fois de plus je fais appel à tous les camarades et amis du Dépôt et l’Atelier des Wagons, et je suis sûr que tous n’hésiterons pas à faire le sacrifice d’un billet de 100 Fr, puisque moi je n’ai pas hésité de faire le sacrifice de ma vie pour leur avenir et l’avenir de leurs enfants.
A toi mon cher petit fils, j’espère que tu grandiras dans l’honneur et la justice, sois bien raisonnable, écoute bien ta maman, et sur ses vieux jours prend bien soin d’elle, car je sais qu’elle sera digne de toi et qu’elle t’élèvera bien. Tu n’auras plus de papa mais tu auras des oncles qui te guideront dans la bonne vie.
Adieu à tous, je pense à tous le monde : embrasse bien la maman Bourgoin et prend bien soin d’elle si toutefois elle en a besoin. Tu feras transmettre l’appel que je fais à tous les camarades. Embrase bien toute la maison Gigot et dit à Odette que je souhaite beaucoup de bonheur dans sa vie.
Avec toi ma chère petite poupée j’ai vécu tous les bons moments passés ensemble. Tu me repasseras sur la place du monument devant chez tes parents. Je veux si c’est possible la musique militaire et s’il faut des porteurs je veux que Gilbert soit du nombre. Tu m’apporteras des fleurs de ces belles fleurs que j’avais tant de goût à cultiver.
Adieu ma chère petite poupée.
Adieu pour toujours.
Je vais mourir pour la France et non en bandit.
Marc Riquier.
Sources

SOURCES : DAVCC, Caen, B VIII (Notes Thomas Pouty). – Arch. Dép. 999W1961. — Jean-Claude Martinet Histoire de l’Occupation et de la Résistance dans la Nièvre 1940-1944. Dijon, Éd. universitaires de Dijon, 2015.p. 210.— Témoignage de sa veuve recueilli par Jacqueline Baynac. — État civil recherche infructueuse.— Lettre de Marie-Ange Séron, nièce de Suzanne Séron-Riquier, le 13 octobre 2016.— Thomas Fontaine dir. Mémorial, Cheminots victimes de la répression, 1940-1945, Perrin/SNCF, 2017.

Annie Pennetier

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