Né le 29 mai 1922 à Barcelone (Espagne), fusillé le 27 mars 1944 à Lyon (Rhône) ; étudiant aux Beaux-Arts ; militant communiste dans la clandestinité ; résistant FTPF, membre du groupe Paul Vaillant-Couturier, sous-lieutenant FFI.

Fils de Frantz Schuwer, dessinateur publicitaire, et d’Isabelle Boxa, modiste d’origine espagnole, Jean Schuwer était le frère de Michel Schuwer, militant communiste et résistant qui exerça après guerre des responsabilités au sein du Parti communiste français (PCF). Leurs parents étaient eux aussi communistes. Élève du lycée parisien Louis-le-Grand (Ve arr.), Jean Schuwer intégra en 1938 l’École des beaux-arts de Paris, et y étudia jusqu’en 1943. Il vivait avec son frère et leurs parents au 30 rue Gassendi (XIVe arr.).
Appelé au Service du travail obligatoire (STO), Jean Schuwer se présenta le 23 février 1943 au bureau de recensement, mais se refusant à satisfaire à cette obligation il devint réfractaire, et prit le maquis. Si l’on en croit la déclaration du commandant Jean Chalus, datée du 28 février 1945, et celle de Michelier-Cavassilas, secrétaire du Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France pour la Loire, datée du 27 juin 1945, Jean Schuwer avait rejoint les Francs-tireurs et partisans (FTP) en mars 1943. Membre des maquis de Saint-Clément (Allier) puis de Châtel-Montagne, il avait rejoint en octobre 1943 le maquis du lieu-dit Le Ferouillat (commune de Brugeron, Puy-de-Dôme), puis, le mois suivant, celui de la Loire à Chamba, où il fut appelé pour prendre part à la fondation d’un groupe de francs-tireurs (groupe Paul Vaillant-Couturier). Membre de l’Armée secrète (AS), il y rejoignit alors le lieutenant-colonel Huguet, dit Prince. Désigné comme chef de groupe en décembre 1943, puis chef de détachement en janvier 1944, Jean Schuwer fut nommé sous-lieutenant en février 1944.
Dans un article publié ultérieurement dans Le Patriote, sous la signature d’Hilarius, un ancien franc-tireur se souvenait du Jean Schuwer qu’il avait connu au maquis dans ces termes : « Jean Schuvert [sic] chantait à son tour : ``Je tire ma révérence...’’ et terminait une berceuse espagnole. C’était un jeune peintre parisien, affectueux et sensible à l’extrême avec un je ne sais quoi de gosse et d’ingénu. »
Le 17 mars 1944, Jean Schuwer fut arrêté à Saint-Just-la-Pendue (Loire) par la gendarmerie française avec deux compagnons (Roger Marchetti, âgé de dix-huit ans, et Marius Chantelot, dit Marion, d’un an son aîné) dans une maison isolée de la commune. Selon un article de presse collaborationniste paru le 29 mars suivant, les gendarmes saisirent à l’occasion un pistolet-mitrailleur, deux pistolets automatiques et un fusil de guerre datant de 1936. Le même article insistait sur le fait qu’il s’agissait d’activistes étrangers. Roger Marchetti reconnut ensuite, selon la même source, être l’auteur de l’attentat qui, le 4 mars, avait touché mortellement le gendarme Ravaud, de la brigade de Saint-Georges-en-Couzan.
Emmené le 18 mars à la maison d’arrêt de Roanne, Jean Schuwer écrivit le 20 mars une lettre à ses parents, dans laquelle il leur annonçait son arrestation (« je sais le mal que va vous faire cette lettre. Depuis bien longtemps, vous ne saviez pas ce que j’étais devenu. Maintenant hélas, vous le savez. Votre Jeannot a été arrêté comme réfractaire »). Il poursuivait en les priant de lui faire parvenir des vivres et des produits de toilette, et concluait sur ces mots : « Du cran, mes chéris, voilà ce qu’il nous faut à tous et de cette façon nous retrouverons le sourire. »
René Cussonac, l’intendant de police de Lyon, demanda à être saisi de l’affaire afin que les résistants soient déférés à la cour martiale. Jean Schuwer et ses compagnons furent transférés le 24 mars à la prison Saint-Paul à Lyon. Le 27 mars, Jean Schuwer, Roger Marchetti, Marius Chantelot et Aimé Ducarre comparurent devant la cour martiale du secrétariat général au Maintien de l’ordre siégeant à la prison Saint-Paul. La cour se déclara incompétente en ce qui concerne Marius Chantelot et Aimé Ducarre. Roger Marchetti et Jean Schuwer furent condamnés à mort et fusillés par des Français au fort de la Duchère. Selon le document que le colonel Descour, chef régional FFI et gouverneur militaire de la région lyonnaise à la Libération, signa le 17 août 1945 pour citer Jean Schuwer à l’ordre de la division, ce dernier était mort en chantant « La Marseillaise ».
Inhumé dans un premier temps au cimetière de la Guillotière de Lyon, le corps de Jean Schuwer a été exhumé en mars 1950 et transféré au carré des patriotes du cimetière national militaire de la Doua (Villeurbanne), tombe no 26, rang 11, où il repose toujours. Son nom figure sur la nécropole du cimetière, ainsi que sur une plaque commémorative du lycée Louis-le-Grand, à Paris.
Jean Schuwer a été homologué au grade de sous-lieutenant FFI par décision du 7 novembre 1945. La mention « Mort pour la France » lui a été attribuée. Les déclarations post mortem de ceux qui l’avaient côtoyé dans la clandestinité s’accordaient à le décrire de manière élogieuse. « Vrai Français » et « bon patriote » selon Jean Chalus, Jean Schuwer était décrit par Michelier-Cavassilas comme « plein d’allant et d’un patriotisme à toute épreuve » – et il ajoutant qu’il était mort « sans avoir rien avoué ».
Après la Libération, la mère de Jean Schuwer fut membre de l’Association nationale des familles de fusillés et de massacrés de la Résistance française. Son père écrivit quant à lui une lettre au procureur de la République de Lyon pour le prier d’instruire une enquête à l’encontre du juge d’instruction de Roanne, qu’il croyait être le responsable de la condamnation à mort de son fils. Selon la notice qu’Hélène Chaubin a consacrée à Michel Schuwer, l’engagement militant de celui-ci au sein du Parti communiste fut grandement influencé par la mort prématurée et l’attitude héroïque de ce frère cadet, dont les effets personnels ont été précieusement conservés par la famille depuis.
Dernière lettre de Jean Schuwer
 
Lundi 20 mars 1944
 
Mami chérie, mon cher vieux papa, je sais le mal que va vous faire cette lettre. Depuis bien longtemps, vous ne saviez pas ce que j’étais devenu. Maintenant hélas, vous le savez. Votre Jeannot a été arrêté comme réfractaire. Je suis à la maison d’arrêt de Roanne. Mes parents chéris, je vous en prie, ayez du courage. Vous savez que je n’ai fait aucun mal. Le moment que j’aurais à passer ici sera peut-être dur mais mon courage me le fera paraître court. Un jour qui n’est pas si lointain, je pourrai vous retrouver enfin. Nous aurons bien mérité notre bonheur. Du cran, mes chéris, voila ce qu’il nous faut à tous et de cette façon nous retrouverons le sourire. Je vous aime mes chers parents, je vous embrasse de toutes mes forces.
 
Jeannot
 
PS : Je me doute comme vous êtes privés. Cependant envoyez-moi si vous le pouvez un petit colis. ne serait-ce que pour m’envoyer une serviette, du savon, une brosse à dents avec du dentifrice, un peigne, peut-être un peu de beurre, de sucre, de confiture dans un verre en carton, du pain d’épices...!
Je ne vous le demande pas mais si vous pouviez le faire...

Lyon, fort de la Duchère (19 février - 4 août 1944)
Sources

SOURCES : SHD VIncennes, GR 16 P 541628, dossier résistant Jean Schuwer (nc). — AVCC Caen, AC 21 P 673136, dossier victime pour Jean Schuwer (nc). — Arch. Dép. Rhône, 3678W19. – Virginie Sansico, La Justice du pire, les cours martiales sous Vichy, 2002. – Notice de Michel Schuwer par Hélène Chaubin, in Le Maitron. DBMOMS. – Renseignements et archives familiales communiqués par François et Olivier Schuwer. – Le Patriote. – Notes Jean-Sébastien Chorin. – Mémorial GenWeb. – État civil.

Julien Lucchini

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