Né le 9 mai 1914 à La Garenne-Colombes (Seine, Hauts-de-Seine), fusillé par condamnation le 30 mai 1944 à Lyon (Rhône) ; militaire de carrière et commissaire assistant aux Chantiers de jeunesse ; agent du réseau Goélette (Bureau central de renseignements et d’action, BCRA).

Fils de Pierre Chardard, employé de commerce, et de Auzie, Louise, Pauline Spimothé, Jean Chardard habitait à La Garenne-Colombes (Seine, Hauts-de-Seine). Il s’engagea dans l’armée en 1934.
Il s’ était marié en avril 1939 avec Suzanne Demeulemesteret, une fille Thérèse naquit fin 1942.
Il fut maréchal des logis au 8e régiment de chasseur à cheval à Orléans. Au début de la guerre, il fut versé au 33e Groupe de reconnaissance de division d’infanterie ; quand il fut démobilisé, en septembre 1940, il ne revint pas à Orléans car les bombardements allemands de juin 1940 avaient totalement dévasté leur habitation. Il fut affecté au Commissariat des Chantiers de jeunesse à Châtel-Guyon (Puy-de-Dôme).
Dès qu’il s’engage avec les F. F. C. (pseudo : PERRIN), il envoya femme et fille chez ses beaux-parents à Chartres pour ne pas les exposer à Châtel-Guyon. Agent du sous-réseau Goélette du réseau Phratrie (BCRA) à partir du 1er mars 1943, il seconda Paul Kinderfreund (dit Kinder, alias Renaudot), responsable du secteur de la région de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).
Trahi au cours d’un rendez-vous par un agent de liaison, il fut arrêté par la Feldgendarmerie le 26 janvier 1944 à Nîmes (Gard) pour espionnage. Il fut incarcéré à la prison des Baumettes (Marseille, Bouches-du-Rhône) puis, à partir du 6 avril 1944, à la prison Montluc (Lyon, Rhône).
Le 23 mai 1944, le tribunal militaire allemand de la Zone sud situé à Lyon condamna à mort Jean Chardard. Le 30 mai 1944, les Allemands le fusillèrent à Lyon.
On ignore le lieu précis de fusillade et d’inhumation. Ce devrait être le mémorial de La Doua mais son nom n’y figure pas.
En septembre 1945, Jean Chardard reçut la Médaille de la Résistance à titre posthume. Un décret du 29 octobre 1945 le fit Chevalier de la Légion d’honneur, Croix de guerre avec Palme. Le 21 mars 1946 sa fille Thérèse est adoptée par la Nation en vertu du jugement rendu par le Tribunal civil de Chartres.
Son nom est inscrit sur une plaque commémorative dans l’église Saint-Urbain de sa commune natale.

Dernières lettres de Jean Chardard à sa femme et à sa mère
Lyon, 30 mai 1944
Ma petite Suzette aimée,
Un soleil splendide brille dans un ciel d’une rare pureté ; il fait bon vivre. On vient de m’annoncer que dans deux heures je serai fusillé, ce qui s’appelle, je crois, payer sa dette à la société. Depuis ces longs mois de solitude, j’avais beaucoup réfléchi et la vie mouvementée me lassait ; en ai-je fait des projets ; je désirais prendre la gérance d’un petit magasin d’alimentation près des miens ; derrière un petit verger où j’aurais élevé des abeilles. Tout cela était joli, mais devra se faire sans moi.
Je disais bien souvent qu’il fallait mourir vers la trentaine, d’une balle en plein front ; quelle erreur… et comme il doit être agréable de mourir de vieillesse dans un bon lit près des siens. C’est égal. On s’y attache à cette vie et il est dur de la quitter, surtout quand on a tout pour être heureux ; tu étais la compagne idéale, fine, spirituelle, gaie, compréhensive, tu méritais d’être plus heureuse. Je te laisse avec un bien faible héritage, mon pauvre petit chéri et je te demande bien pardon. J’espère que les uns et les autres ne t’abandonneront pas. Mon assurance vie est à Toulouse, Jean Malet pourrait peut-être te la retrouver ; demande lui de m’excuser de n’avoir pu être le parrain de son enfant, j’aurais bien voulu. Pour Thérèse, je n’ai pas de conseils à te donner. Je sais que tu l’élèveras aussi bien qu’il faudra. Je pars avec tes petites photos sur mon cœur. Mon écriture est bâclée, ne crois pas pour cela que je tremble, c’est parce que l’heure approche et que je veux faire un mot pour maman. A part les deux petits colis de mars, je suis sans nouvelles de toi. J’espère que rien ne t’est arrivé. Adieu Suzette adorée et pardon. Embrasse mes mamans, papas, frères et sœurs et reçois mon dernier baiser.
 
Jean
J’ai beaucoup revécu ces temps-ci notre vie commune, Orléans, Châtel. Merci pour tout le bonheur que tu m’as donné. Je pars le cœur lourd mais les yeux secs, soyons fiers.
Lyon, 30 mai 1944
Petit maman chérie,
Je dois mourir dans quelques minutes, et n’ai que le temps de venir te demander pardon du mal que je te fais, à toi et à tous ceux qui m’aiment. J’ai déjà fait un mot pour Suzette ; mes deux lettres se complèteront.
Je me suis confessé et ai communié ; je pars en règle rejoindre nos grands-parents.
Je vous aime et vous embrasse de tout mon cœur
Jean
Sources

SOURCES : DAVCC, Caen, dossier de Jean Chardard (Notes Thomas Pouty). – Arch. Dép. Rhône, 3335W22, 3335W16. – Philippe Labatut, Être jeune en 40 : les chantiers de la jeunesse, une idée originale de service national, 1985. – Stéphane Longuet et Nathalie Genet-Rouffiac, Les Réseaux de résistance de la France combattante : dictionnaire historique, 2013. – Association nationale des médaillés de la Résistance française, Annuaire des médaillés de la Résistance française, 1953. — Notes de Gabriel Rabaron.

Jean-Sébastien Chorin

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