Né le 7 novembre 1922 à Arnay-le-Duc (Côte-d’Or), fusillé comme otage le 7 mars 1942 à Dijon (Côte-d’Or) ; élève instituteur à l’École normale de Dijon ; résistant communiste des Bataillons de la jeunesse.

Tombe de René Laforge et carré des Normaliens au cimetière des Péjoces à Dijon - photo Jean-Louis Ponnavoy 8/07/2007
Tombe de René Laforge et carré des Normaliens au cimetière des Péjoces à Dijon - photo Jean-Louis Ponnavoy 8/07/2007
Fils de Georges Laforge, gendarme à cheval, et de Jeanne Renaud, sans profession, René Laforge – alias Chéron –, domicilié à Dijon, avait participé avec plusieurs camarades, membres des Jeunesses communistes, aux actions d’un groupe des Bataillons de la jeunesse – le groupe Gorky – animé par René Romenteau.
Suite à des attentats commis contre le Soldatenheim (foyer de soldats allemands) de Dijon les 28 décembre 1941 et 10 janvier 1942, il fut arrêté dans sa classe avec trois de ses collègues le 14 janvier 1942 par la police française. Aucun n’était impliqué dans les attentats.
Il fut interné à la prison de Dijon. Le 7 mars à 15 heures, René Laforge, ses collègues et James Creux apprirent qu’ils seraient exécutés comme otages en représailles aux attentats. Ils furent passés par les armes quelques heures plus tard au champ de tir de Montmuzard. René Laforge tomba sous les balles à 18 h 20 ou 18 h 39 selon les sources.
Quelques instants plus tôt, il avait rédigé sa dernière lettre adressée à monsieur et madame Cunit. « J’aurais aimé que mon corps repose dans le cimetière d’Épinac, près de mes parents, mais je sais que c’est impossible. Vous irez dire aussi à mon directeur d’École normale que je suis mort courageusement, comme il sied à l’homme qu’il avait formé [...]. Je vais mourir en catholique, mes parents étant morts ainsi. » Cette lettre fut lue à la radio de Londres. Un groupe de maquisards formé en 1943-1944 dont le chef était Jean Nasica prit le nom de compagnie René Laforge.
Il est l’un des quatre normaliens de Côte-d’Or tombés sous les balles allemandes :René Romenteau, Jean Schellnenberger et Pierre Vieillard . À Dijon, la rue de l’inspection académique a été baptisée « rue des Normaliens-fusillés-et-de-leur-camarade ». La rue dans laquelle se trouvait la maison de sa famille à Arnay-le-Duc porte aujourd’hui son nom et une plaque est apposée sur sa maison. Son nom fut également donné à une rue de Pouilly-en-Auxois (Côte-d’Or).
René Laforge à M. et Mme Cunit, à Dijon. Prison de Dijon (Côte-d’Or)
7 mars 1942
Chers amis,
C’est à vous que j’écris en dernier lieu parce que je n’ai pas le courage d’écrire à Amay [domicile familial]. Je vais mourir aujourd’hui quoique étant innocent et m’étant toujours efforcé de faire le bien dans ma vie.
Vous irez à Arnay, vous leur donnerez cette lettre, et vous leur direz que mes dernières pensées ont été pour eux, pour Suzanne, pour Murièle, et surtout pour le cher petit Guy que j’aimais tant. Je voudrais qu’on lui parle souvent de moi quand il sera grand. J’ai pensé aussi à vous, chers amis, qui avez tant adouci mes derniers jours. Vous direz aussi à Auxonne, à Lucarne, et à Jeannot et à Belan, à Suzanne, Jean et Jeannine que je pense tendrement à eux. Je pense aussi à ceux d’Épinac. Je suis consterné pour mes frères Henri et Fernand prisonniers. Vous leur laisserez ignorer ma mort jusqu’ à leur retour.
Je suis très pauvre, mais tout ce qui m’appartient, je désire que Suzanne à Arnay en hérite, pour Guy plus tard. Argent et-mes livres que j’aimais beaucoup.
Mes dernières volontés sont que vous ne me pleuriez pas trop, tous.
J’aurais aimé que mon corps repose dans le cimetière d’Épinac, près de mes parents, mais je sais que c’est impossible.
Vous irez aussi dire à mon directeur d’école normale que je suis mort courageusement, comme il sied à l’homme qu’il avait formé. Dites-lui adieu tendrement de ma part.
Je crois que l’heure approche, je suis en train de fumer une dernière cigarette. Je regarde la mort en face et je n’ai pas peur.
Je vais mourir en catholique, mes parents étant morts ainsi.
La confession me permettra d’ailleurs de résumer une vie et de la revivre un peu.
Je vous embrasse ainsi que toute la famille très, très tendrement.
René Laforge
Sources

SOURCES : DAVCC, Caen (Notes Thomas Pouty). – Guy Krivopissko, La vie à en mourir. Lettres de fusillés (1941-1944), Paris, Tallandier, 2006, p. 121-122. – En souvenir des normaliens fusillés et des instituteurs de la Côte-d’Or morts pour la France 1939-1945, Imprimerie de La Bourgogne républicaine, Dijon. — Mémorial GenWeb. — État civil.

Dominique Tantin

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