Né le 31 octobre 1910 à Anstaing (Nord), fusillé le 7 juin 1944 au fort de Seclin (Nord) ; employé SNCF ; résistant, membre du mouvement Voix du Nord, Alliance, Gloria SMH, Libération-Nord, Sylvestre-Farmer, groupe d’Ascq.

Fils naturel de Marie Leroy, dix-neuf ans, sans profession, et domiciliée à Hellemmes (Nord), Paul Leroy naquit au domicile de François Marescaux, demeurant au hameau de la Cossiette. Il fut reconnu et légitimé par le mariage de sa mère et de Louis Adolphe Delécluse, qui eut lieu le 10 mai 1919 à Hellemmes.
Paul Delécluse vivait à Ascq (aujourd’hui Villeneuve-d’Ascq, Nord), au 54 Route nationale, et travaillait comme aide ouvrier-tourneur à la SNCF depuis 1937, aux ateliers d’Hellemmes ; il avait été embauché le 7 janvier 1937. Il se maria le 31 janvier 1931 à Ascq, avec Raymonde Thieffry. le couple eut trois enfants. Il était alors membre de la Commission administrative du syndicat d’Hellemmes.
Paul Delécluse était militant socialiste et syndicaliste. Mobilisé, il fut fait prisonnier à Dunkerque, mais il réussit à s’évader et à rejoindre Ascq.
D’après J. Duhem, « il est très représentatif de ce type de résistant qui appartient, successivement ou à la fois, à différents réseaux et mouvements de résistance, suivant le hasard des contacts établis : dès avril 1941, il participe à la distribution du journal clandestin La Voix du Nord fondé par Natalis Dumez et Jules Noutour. À partir de 1942, il a des contacts avec le réseau Alliance, réseau de renseignements militaires qui offre ses services aux Anglais, fondé par le commandant Loustaunau-Lacau, ex-membre de l’organisation d’extrême droite La Cagoule dans les années 1930. De même, il est membre du réseau britannique Gloria SMH et de Libération-Nord dont le recrutement se fait plutôt dans les milieux socialiste et syndicaliste. Il est aussi entré temporairement en contact avec le réseau Sylvestre-Farmer dirigé par un officier britannique, Michael Trotobas alias capitaine Michel, mais celui-ci est abattu en novembre 1943 après avoir été dénoncé.
Autour de Paul Delécluse, à partir du printemps 1943, s’est organisé ce qui communément appelé « le groupe d’Ascq », composé de quelques dizaines de résistants, dont seule une poignée d’entre eux va se charger d’actions de sabotage » (p. 16-17). Ce groupe réunit Paul Delécluse, Henri Gallois, Édouard Lelong, Eugène Mangé et Louis Marga, tous cheminots. Il procéda à des actions de sabotage avec des armes parachutées en provenance du réseau Buckmaster-Sylvestre-Farmer.
La même source précise qu’Édouard Lelong procura des armes à Maurice Cousin, qui pu ainsi entraîner des jocistes. Un premier sabotage eut lieu sur la voie ferrée entre Baisieux et Ascq, en juin 1943 ; le groupe d’Ascq s’attaqua ensuite à la même portion. « Le groupe dispose d’un stock d’armes caché dans la cave de Jeanne Cools, employée à la préfecture de Lille, qui habite dans la même rangée de maisons que Paul Delécluse. Lors d’une nuit de mars 1944, une tonne et demi d’armes et d’explosifs, provenant de parachutages effectués dans l’Avesnois, a été livrée en camionnette par le jeune Maurice Pauwels, l’un des dirigeants de Voix du Nord. Confié au mouvement, l’administration de ce dépôt se trouve sous le reqsponsabilité de Paul Delécluse […].
Dans la nuit du 27 au 28 mars 1944, P. Delécluse décide donc de poser des explosifs au kilomètre 7.570 sur la voie qui traverse Ascq, en direction de Tressin vers la frontière belge. Mais c’est un échec relatif, car les dégâts n’entraînent une interruption de la circulation que pendant moins de trois heures. Les responsables Voix du Nord […] et du BOA décident donc d’organiser une séance d’instruction le 29 mars chez P. Delécluse, avec exposé théorique et application pratique au kilomètre 9.1 en pleine campagne, toujours sur la voie entre Ascq et Tressin. Mais le grouep est surpris par l’arrivée d’un train venant de Baisieux ; la charge explose ; la voie est coupée, mais la locomotive ne sort pas de ses rails. […] De nombreux Ascquois dont d’autres résistants comme Gaston Baratte et Léon Dewailly [désapprouvent l’action, craignant] des mesures de représailles étant donnée la multiplication des sabotages sur le territoire de la commune.
Cependant, les deux responsables de Voix du Nord et du BOA quittent les membres du groupe d’Ascq […] en les laissant libres de leurs initiatives… C’est ainsi que ceux-ci vont choisir d’effectuer un nouveau sabotage au kilomètre 7.530 dans la nuit du 1er au 2 avril 1944, près du passage à niveau du Quennelet où débouche la rue Marceau. […] Le groupe […] choisit un aiguillage dont le remplacement pose beaucoup plus de difficultés qu’un simple rail et peut ainsi perturber davantage le trafic. Ce soir-là, au poste d’aiguillage à côté du passage à niveau, se trouve André Ollivier, un des membres du groupe d’Ascq, qui leur a communiqué l’heure de passage des trains et des gardes-voies français […]. Après 22 heures doit passer un train de ravitaillement de la Wehrmacht, chargé d’armes et d’autres marchandises venant de Belgique. Aucun des membres du groupe n’a à l’esprit qu’il pourrait y avoir un risque de représailles car aucun des précédents sabotages sur la ligne [n’en a provoqué]. C’est ainsi que le samedi 1er avril vers 21 h. 30, le groupe de résistants composé de Delécluse, Gallois, Lelong, Mangé et Marga arrive près du passage à niveau. L’aiguilleur […] leur a confirmé les horaires de passage : d’abord […] l’express Bruxelles-Lille vers 22 heures puis celui du train de marchandises. Dès le passage de l’express, Delécluse, Gallois et Marga — ce dernier habite rue Kléber, la maison du garde-barrière —, sous la protection de Mangé et Lelong […], posent une charge explosive sur l’aiguillage. [Selon] Édouard Lelong, seul rescapé du groupe […], « les charges avaient été placées par six hommes dont moi. Deux sont partis jouer aux cartes dans un café se trouvant assez loin de la gare, deux comme moi ont rejoint leur domicile et le sixième, qui était aiguilleur, est resté à son poste, mais il n’était pas armé […] ». À 22 h. 34 démarre de Baisieux […] un ttrain contenant une partie de l’Aufklärungs-Abteilung, un bataillon blindé de reconnaissance de la 12.SS-Panzer-Division HitlerJugend. Le chef de ce convoi est l’Obersturmführer (lieutenant) Walter Hauck, [qui] a décidé d’intercaler son convoi entre l’express, qui vient de passer, et le train de marchandises, « pour des raisons de sécurité, contre les destructions par explosif et les fusillades ». […] Ce bataillon est cantonné en Belgique dans la ville de Turnhout [et doit rejoindre] Laigle (Orne) ».
L’explosion se produisit vers 22 h. 44, sous la locomotive, le convoi roulant alors lentement, à 20-25 km/h. Le mécanicien belge, René Dascotte, put l’arrêter « rapidement par les moyens ordinaires et sans brusquerie […] à hauteur de la cabine d’aiguilllage ». Les dégâts étaient assez modérés sur la motrice ; un wagon-plateforme avait déraillé ; quelques blindés basculèrent et furent légèrement endommagés ; aucune victime.
Le massacre de quatre-vingt six habitants eut lieu un peu plus tard, entre 23 h. 10 et 0 h. 40.
Paul Delécluse fut arrêté à Ascq par la Sipo-SD le 21 avril 1944, aux motifs de « détention d’armes et de munitions et acte de sabotages ». Sa femme fut arrêtée en même temps que lui.
Le 30 mai 1944, il fut condamné à mort par le tribunal militaire allemand FK 678 de Lille (Nord), et fusillé le 7 juin suivant au fort de Seclin.
Paul Delécluse repose au carré de corps restitués du cimetière communal de Villeneuve-d’Ascq (Nord). Son nom figure sur différents monuments et plaques de Villeneuve-d’Ascq (la plaque commémorative de la gare, et le monument commémoratif situé aux abords de l’entrée du cimetière d’Ascq, en mémoire des résistants du mouvement Voix du Nord fusillés par les Allemands le 7 juin 1944 au fort de Seclin) , ainsi que sur la stèle commémorative du fort de Seclin. Il se trouve également sur le mémorial du réseau Alliance, à Paris (Ier arr.).
Il reçut la croix de guerre avec palme et la médaille de la Résistance à titre posthume, par décision du 13 septembre 1946. Paul Delécluse fut homologué FFC et FFI (GR 16 P 169534).
Sources

SOURCES : SHD Vincennes, dossiers adm. résistants (GR 16 P 169534). DAVCC, Caen, B VIII 5 (Notes Thomas Pouty). — Sites Internet : Mémorial GenWeb ; Français libres. — État civil d’Ansaing, acte n° , 3 E 14385. — Notes Julien Lucchini.

BIBLIOGRAPHIE. Jacqueline Duhem, Ascq 1944. Un massacre dans le Nord. Une affaire franco-allemande, Les Lumières de Lille éd., 2014, 266 p.

Iconographie
ICONOGRAPHIE. Mémorial GenWeb

Frédéric Stévenot

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