Né le 22 août 1919 à Schiltigheim (Bas-Rhin), condamné à mort pour défaitisme par le Reichskriegsgericht à Torgau le 5 octobre 1943, guillotiné le 5 novembre 1943 à Halle (Saxe-Anhalt, Allemagne) ; comptable ; incorporé de force dans la Wehrmacht en mai 1943.

Né d’un père cordonnier de religion protestante, Marcel Schweitzer effectua différents apprentissages à la sortie de l’école, avant d’obtenir un poste de comptable dans une fabrique de charcuterie. Il semble qu’il ait fréquenté des milieux pacifistes. En 1939, il fut évacué avec sa famille à Saint-Brice (Haute-Vienne), puis il fut incorporé dans le 18e régiment du génie de l’armée française le 15 avril 1940. Il fut démobilisé en zone libre le 22 décembre 1940, sans avoir participé aux combats proprement dits, puis retrouva son emploi à Strasbourg annexé de fait. À la suite des décrets d’incorporation en Alsace d’août 1942, il fut contraint le 21 mai 1943 d’intégrer l’armée allemande, au sein du 209e bataillon de grenadiers à Flensbourg (près de la frontière danoise). Il se présenta au conseil de révision, mais y exprima son refus « de tuer des semblables » et donc d’être soldat. Après avoir été détenu à la prison de Flensbourg et celle de Berlin-Tegel, il fut transféré à la prison militaire Fort Zinna de Torgau (Allemagne) le 30 septembre. Le 5 octobre 1943, le 4e sénat du Reichskriegsgericht, présidé par le juge Reuter, le condamna à la peine de mort pour « défaitisme » et refus du service militaire, à la perte de la dignité militaire et à la perte de ses droits civiques. Le jugement fut confirmé le 26 octobre 1943 par le lieutenant-général von Hase. D’après le jugement, Marcel Schweitzer n’aurait pas justifié son refus d’être incorporé dans la Wehrmacht par sa nationalité française, mais par des motifs humanistes. Il aurait développé des idées pacifistes lui interdisant d’être soldat peu avant son entrée dans l’armée française, mais il n’aurait appartenu à aucune organisation religieuse ni aucun mouvement pacifiste. Le tribunal, qui fonda sa condamnation sur les décrets d’incorporation en Alsace d’août 1942, considéra que Marcel Schweitzer avait enfreint son devoir de fidélité envers le peuple allemand, qu’il avait agi avec obstination et que son refus risquait d’encourager d’autres insoumissions. Sa famille fut informée de la condamnation, mais n’obtint aucune copie du jugement. Le 5 novembre 1943 à 17 heures, Marcel Schweitzer a été guillotiné à la prison Roter Ochse de Halle par le bourreau Herr ou Hehr, après avoir rédigé une dernière lettre à l’attention de sa mère. Son corps fut incinéré au crématoire de la ville et l’urne déposée dans la tombe no 1289 de la section 4 du Gertraudenfriedhof. Le 28 août 1945, le journal L’Alsace libérée consacra un article élogieux, vraisemblablement écrit par son ancien instituteur, Constant Bertrand, à Marcel Schweitzer, présenté comme un « Héros de la Résistance » mort pour une Alsace française.
L’urne de ses cendres fut déterrée le 6 novembre 1946, en vue de son rapatriement vers la France, via le cimetière de Berlin-Lichtenberg où toutes les urnes étaient rassemblées. La famille n’en accusa cependant jamais réception.
Sa sœur témoigna au procès du Gauleiter Wagner en avril 1946, tandis que son frère fut entendu en mai 1948 par le tribunal général français de Rastatt dans le cadre de l’enquête ouverte sur d’anciens juges du Reichskriegsgericht.
Sources

SOURCES : Jugement de Marcel (Marzell) Schweitzer par le Reichskriegsgericht (Arch. militaires de Prague, copie au Mémorial « Roter Ochse » de Halle). – Auguste Gerhards, Morts pour avoir dit non, 2007, p. 77-82. – Frédéric Stroh, Les Malgré-nous de Torgau, 2006 p. 78-79. – Eugène Riedweg, « Les résistances des incorporés de force », in Jean-Luc Eichenlaub, Jean-Noël Grandhomme (sous la dir.), Août 1942, l’incorporation de force des Alsaciens et Mosellans dans les armées allemandes, Actes de la rencontre de l’AMAM 15-17 octobre 2002 Colmar, Arch. Dép. Haut-Rhin, 2003, p. 102. – Schiltigheim au XXe siècle, Strasbourg, 2007, p. 220. – Auguste Gerhards, Tribunal de guerre du IIIe Reich, 2014, p. 454-457.

Léon Strauss, Frédéric Stroh

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