Né le 6 avril 1920 à Montigny-les-Metz (Moselle), guillotiné le 5 novembre 1943 à Halle-an-der-Saale (Saxe-Anhalt, Allemagne) après condamnation ; mosellan incorporé de force dans l’armée allemande.

Jean Kneveler
Jean Kneveler
Crédit : F. Stroh
Jean Kneveler naquit d’un père machiniste, décoré de la Croix de Fer durant la Première Guerre mondiale. Il occupa un emploi d’ouvrier aux aciéries de Hagondange (Moselle) jusqu’en 1941, et adhéra à la CGT, marquant ainsi son engagement syndical à gauche. À la suite de l’annexion de fait de la Moselle par le IIIe Reich en 1940, il devint membre du Deutschen Arbeitsfront (une association national-socialiste destinée à remplacer les anciens syndicats) en mars 1941, et de la section locale des SA en juin 1941, où son chef de groupe jugea irréprochable son comportement. D’octobre à décembre 1942, il fut obligé d’effectuer son Reichsarbeitsdienst (RAD), le Service du travail du Reich. À la suite des décrets d’incorporation en Moselle d’août 1942, il fut contraint le 15 janvier 1943 d’intégrer l’armée allemande, au sein de la 46e Compagnie du 1er Bataillon de grenadiers, puis du 640e Régiment d’instruction à Opotschka, près d’Ostrow en Russie, où il resta jusqu’au 28 avril. Il fut finalement affecté à la 3e Compagnie du 399e Régiment de grenadiers. Son chef de compagnie le décrivait comme « renfermé et ténébreux, ayant peu de relations avec ses camarades et peu fiable », mais ayant une « bonne » conduite. Le 15 mai, sa compagnie fut envoyée au front, devant Leningrad, pour une semaine, puis à nouveau à partir du 2 juin. Impressionné par la dureté des combats et l’importance des pertes humaines, Jean Kneveler décida de quitter le front. D’après le jugement, il se résolut à saboter les avant-lignes allemandes par peur d’être tué en tentant de rejoindre les positions russes. Le 8 juin à 3 heures puis à 3 h 45, il lança des grenades en direction d’hommes de sa compagnie occupés à aménager un avant-poste, afin d’en ralentir la construction en feignant une attaque des Russes. Le 9 juin, il fut affecté à un poste de combat avancé. Profitant de l’absence d’un autre soldat, il retira et jeta la culasse de deux mitrailleuses et il y plaça des douilles vides, dans l’espoir d’être capturé vivant avec toute son unité en cas d’attaque russe. Le sabotage découvert, Jean Kneveler fut arrêté le 12 juin et, finalement, il fut conduit à la prison militaire Fort Zinna de Torgau (Allemagne).
Il y fut jugé le 6 octobre 1943 par le 3e Sénat du Reichskriegsgericht présidé par le juge Schmauser et reconnu coupable de « trahison de guerre » (§57 MStGB) pour avoir favorisé « en tant qu’Allemand » la puissance ennemie sur le champ de bataille, de « défaut de garde » (§141 Abs.1-2 MStGB) et de « lâcheté » (§85 Abs. 1-2 MStGB) pour avoir agi de manière égoïste par « peur » pour sa propre vie. Il fut considéré par le tribunal comme « intellectuellement faible » mais « sain d’esprit » et fut condamné à la peine de mort. Son comportement étant jugé « indigne », car il avait accepté qu’un autre soldat soit soupçonné et fut détenu dix semaines, il fut également condamné à la perte de la dignité militaire (§31 MStGB) et des droits civiques (§32 StGB). Le jugement a été confirmé à la fin du mois d’octobre par le lieutenant-général von Hase. Il a été guillotiné, le 5 novembre 1943 à 17 heures, à la prison Roter-Ochse de Halle-an-der-Saale (Allemagne) par le bourreau Herr. Le 8 novembre, son corps a été incinéré et l’urne déposée dans la tombe no 1286 de la section 4 du Gertraudenfriedhof de Halle. Elle a été déterrée le 6 novembre 1946 pour être envoyée en France, où elle a été enterrée le 8 octobre 1952 à la nécropole nationale de Montauville (Meurthe-et-Moselle).
Sources

SOURCES : Jugement de Jean (Johann) Kneveler par le Reichskriegsgericht (Archives militaires de Prague, copie au Mémorial « Roter Ochse » de Halle). – A. Gerhards, Morts pour avoir dit non, 2007, p. 113-115. – F. Stroh, Les Malgré-Nous de Torgau, 2006, p. 80-81. – A. Gerhards, Tribunal de guerre du IIIe Reich, Le Cherche-Midi, 2014, p. 328-331. – Photographie de Jacques Kneveler (coll. Famille Kneveler). Dernière lettre écrite par Jacques Kneveler avant son exécution « Les derniers adieux et baisers envoyés de très loin par votre cher fils, Jacques » soulignée des trois couleurs françaises (coll. Famille Kneveler).

Frédéric Stroh

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