Né le 23 février 1921 à Port-au-Prince en Haïti, fusillé le 9 mars 1942 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; étudiant communiste ; membre du Front national, résistant membre de l’Organisation spéciale (OS) appelée après la guerre Les Bataillons de la jeunesse.

Tony Bloncourt en 1937, avec sa mère
Tony Bloncourt en 1937, avec sa mère
Plaque à l'Assemblée nationale
Plaque à l’Assemblée nationale
Tony Bloncourt était issu d’une famille guadeloupéenne qui comptait dans ses ancêtres Melville-Bloncourt installée à Haïti, neveu du député socialiste de l’Aisne Élie Bloncourt, et de Max Bloncourt, avocat à Paris, fils d’Yves et de Noémie, née Callerie, Tony Bloncourt demeurait depuis 1938 chez sa tante Yolande au 4 rue Félix-Voisin dans le XIe arrondissement de Paris. Étudiant à la faculté des sciences, il donnait pour vivre des cours de mathématiques à des particuliers ainsi que des cours de littérature à l’école Estienne jusqu’au 29 octobre 1940. Il était titulaire du baccalauréat en mathématiques et d’un certificat de mathématiques générales. Membre des Étudiants communistes, il prit part à la manifestation du 11 novembre 1940.
Sous la conduite de Gilbert Brustlein, les jeunes communistes du XIe arrondissement décidèrent d’agir contre les occupants. Tous étant très jeunes, sans formation militaire, Gilbert Brustlein les testa non sans hardiesse. Au cours du deuxième semestre de 1941, près de l’église de Ménilmontant, des affiches vantant les victoires nazies en URSS étaient placardées sur un mur. Fernand Zalkinov, Gilbert Brustlein, Acher Semahya et Tony Bloncourt se déployèrent arme au poing tandis que Christian Rizo, Roger Hanlet et Pierre Milan arrachaient les affiches. Les ménagères passant rue de Ménilmontant en furent apeurées. L’opération n’était pas sans risque.
Dans la nuit du 12 au 13 août, avec Roger Hanlet, Christian Rizo et Robert Peltier, il devait voler des clefs à tire-fond, outils indispensables pour saboter une voie ferrée et éventuellement faire dérailler un train. L’opération préparée par Robert Peltier de Goussainville échoua.
Le 21 août 1941 au métro Barbès, alors que Pierre Georges, futur colonel Fabien, tuait l’officier allemand Alfons Moser, Roger Hanlet, Acher Semahya et Tony Bloncourt suivaient l’officier payeur Schoetz au métro Bastille. Tony Bloncourt devait appuyer sur la gâchette, mais du fait de son manque de détermination, l’opération tourna court.
Deux jours plus tard, de retour à Goussainville pour saboter un poste de repérage d’avions, Gilbert Brustlein menait le groupe composé de Pierre Milan, Roger Hanlet, Tony Bloncourt, Christian Rizo, Robert Peltier et Jacques d’Andurain, mais ce fut un nouvel échec.
Le 5 septembre 1941, Tony Bloncourt accompagna Fernand Zalkinov, Roger Hanlet, Acher Semahya, Christian Rizo et Pierre Milan pour incendier des camions allemands face au 11 avenue de Paris à Vincennes (Seine, Val-de-Marne), mais les dégâts furent peu importants.
Tony Bloncourt entretenait des relations amicales avec Pierre Daix et Christian Rizo. Par inconscience lors de l’équipée à Goussainville le 12 août, il révéla son identité à Roger Hanlet. Celui-ci, arrêté le 30 octobre 1941 par des inspecteurs de la Brigade spéciale de la police judiciaire, parla spontanément, sans violences ni contraintes. Des arrestations s’en suivirent, Tony Bloncourt quitta le domicile de sa tante et y échappa de peu.
Pendant deux mois, il réussit à échapper aux policiers de la BS2, mais le 5 janvier 1942 vers huit heures du matin, à l’issue d’une course-poursuite, Tony Bloncourt fut arrêté par des inspecteurs à l’angle des rues Gay-Lussac et de la rue Saint-Jacques, à Paris (Ve arr.). Emmené dans les locaux des Brigades spéciales, Tony Bloncourt eut rapidement conscience que les policiers connaissaient l’essentiel de son activité dans l’Organisation spéciale.
Le procès des sept résistants des Bataillons de la jeunesse se déroula au Palais Bourbon du 5 au 7 mars 1942 face à un conseil militaire allemand qui leur imputa dix-sept attentats. Concernant la tentative d’assassinat d’un militaire allemand au métro Bastille, le 21 août 1941, où il n’arriva pas à tirer sur le soldat qu’il avait suivi, Tony Bloncourt déclara devant le tribunal : « Je ne sais pas ce que j’ai eu. À cette minute, à ce moment précis, je n’ai pas vu un officier allemand, je n’ai vu qu’un homme. »
Gilbert Brustlein, né dans le XIIe arrondissement, d’origine alsacienne, était présenté dans Le Matin comme un « Juif de Suisse, naturellement en fuite », donc, dans l’esprit du rédacteur, juif apatride et lâche (5 mars 1942). Albert Clément signa un article dans Le Cri du peuple avec pour titre : « Les sept terroristes sont condamnés à mort. » Les sept hommes âgés de dix-huit à vingt-sept ans ont été fusillés le 9 mars 1942 au Mont-Valérien.
Il fut inhumé au cimetière d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne). Le 10 mars 1945 dans l’après-midi, une cérémonie commémorative s’y déroula en présence des parents de Christian Rizo et de Tony Bloncourt et de deux cent cinquante personnes. Des représentants des FTP et des Jeunesses communistes prirent la parole. Le nom de Tony Bloncourt figure sur une plaque commémorative dans le lycée Jacques-Decour (ex-lycée Rollin).
En mai 1999, André Rizo, frère de Christian, écrivit au président de l’Assemblée nationale. Il rappelait le procès qui s’était tenu en mars 1942. Le 9 mars 2000, un hommage solennel a été rendu aux sept combattants, soixante ans après le procès du Palais Bourbon. Laurent Fabius, président de l’Assemblée nationale, présida la cérémonie. Ils furent décorés de la Médaille militaire, de la Croix de guerre avec palme et de la Médaille de la Résistance à titre posthume. Une plaque commémorative rappelle qu’ils sont « Morts pour la France ».
Tony Bloncourt laissa à ses parents une lettre touchante écrite de la prison de la Santé :
« poesie »
Lundi 9 mars 1942
« Maman, Papa chéris, Vous saurez la terrible nouvelle déjà quand vous recevrez ma lettre. Je meurs avec courage. Je ne tremble pas devant la mort. Ce que j’ai fait, je ne le regrette pas si cela a pu servir mon pays et la liberté ! Je regrette profondément de quitter la vie car je me sentais capable d’être utile. Toute ma volonté a été tendue pour assurer un monde meilleur. J’ai compris combien la structure sociale actuelle est monstrueusement injuste. J’ai compris que la liberté de vivre, ce que l’on pense, n’est qu’un mot et j’ai voulu que ça change. C’est pourquoi je meurs pour la cause du socialisme. J’ai la certitude que le monde de demain sera meilleur, sera plus juste, que les humbles et les petits auront le droit de vivre plus dignement, plus humainement. [ Je suis sans haine pour les Allemands qui m’ont condamné et je souhaite que mon sacrifice puisse leur profiter aussi bien qu’aux Français.] (cette phrase ne figure pas sur son manuscrit mais on la trouve dans des textes édités). Je garde la certitude que le monde capitaliste sera écrasé, que l’ignoble exploitation cessera. Pour cette cause sacrée, il m’est moins dur de donner ma vie. Je suis sûr que vous me comprendrez, papa et maman chéris, que vous ne me blâmerez pas. Soyez forts et courageux : vous me sentiriez revivre dans l’oeuvre dont j’ai été un des pionniers. Mon cœur est plein de tendresse pour vous, il déborde d’amour. Je revois toute les phases de cette enfance si douce que j’ai passé entre vous deux, entre vous trois, car je n’oublie pas ma Dédé chérie. Tout mon passé me revient en une foule d’images. Je revois la vieille maison de Jacmel, le petit lycée, les leçons de latin, Mr Gousse. Ma pension au petit séminaire, et le retour des vacances. Mon vieux Coucoute, que j’aurai voulu guider à travers la vie, et mon petit Gérald. Je pense à vous tous de toute ma puissance, jusqu’au bout je vous regarderai.
Je pleure ma jeunesse, je ne pleure pas mes actes. Je regrette aussi mes chères études ; j’aurai voulu consacrer ma vie à la science.
Que Coucoute continue à bien travailler, qu’il se dise que la plus belle chose qu’un homme puisse faire dans sa vie c’est d’être utile à quelque chose. Que sa vie ne soit pas égoïste, qu’il la donne à ses semblables quelle que soit leur race, quel que soient leurs opinions. S’il a la vocation des sciences qu’il commence l’oeuvre que j’avais commmencé d’entreprendre ; qu’il s’intéresse à la physique et aux immortelles théories d’Einstein dont il comprendra plus tard l’immense portée philosophique. Que mon petit Gérald lui aussi travaille bien et arrive à quelque chose, qu’il soit toujours un honnête homme.
Maman chérie, je t’aime comme jamais je ne t’ai aimée. Je sens maintenant tout le prix de l’œuvre que tu as entreprise en Haïti. Continue d’éduquer ces pauvres petits haïtiens. Donnez de l’instruction à ses semblables est la plus belle tâche.
Papa chéri, toi qui es un homme et un homme fort, console maman. Sois toujours très bon pour elle en souvenir de moi. Maman Dédé chérie, tu as la même place dans mon cœur que maman. Tous, vivez en paix, et pensez bien à moi.
Je vous embrasse bien fort comme je vous aime. Tout ce que j’ai comme puissance d’amour en moi passe en vous.
Papa soit fort. Maman je te supplie dêtre courageuse. Maman Dédé toi aussi. Mon vieux Coucoute et mon vieux Gérald, je vous embrasse bien fort. Il faut aussi embrasser maman Tata bien fort. Pensez à moi. Adieu !
Votre petit Toto. »
« /poesie »
Sa lettre fut très vite publiée à Haïti, au Mexique, aux États-Unis. Son frère Gérald écrit : « Haïti s’est emparé de Tony comme héros national : on lut sa lettre dans toutes les écoles de Port-au-Prince, on publia sa photo dans La Phalange et on le gratifia d’une messe à la cathédrale ».
Sources

SOURCES : Arch. PPo., BA 1752, Carton 12 rapports hebdomadaires sur l’activité communiste, 77W 1519, 77W 1760. – DAVCC, Caen, B VIII dossier 3 (Notes Thomas Pouty). – Le Matin, 19 novembre, 20 novembre 1941, 5 mars, 6 mars, 7 mars et 15 mars 1942. – Le Cri du peuple, 7 mars 1942. – Pierre Daix, J’ai cru au matin, R. Laffont, 1976. – Éric Alary, Un procès sous l’occupation au Palais Bourbon, mars 1942, Assemblée nationale, 2000. – Gérald Bloncourt, Le regard engagé. Parcours d’un franc-tireur de l’image, Bourin éditeur, 2004. – J.-M. Berlière, F. Liaigre, Le sang des communistes. Les Bataillons de la jeunesse dans la lutte armée. Automne 1941, Fayard, 2004. – Pierre Daix, Dénis de mémoire, Gallimard, 2008. – Site Internet Mémoire des Hommes. – Site Internet CDJC. – Site Internet le procès du Palais Bourbon. – Dernière lettre déposée par son frère Gérald au Musée de la Résistance nationale Mémorial GenWeb.

Daniel Grason, Claude Pennetier

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