Né le 11 août 1903 à Champigneulles (Meurthe-et-Moselle), fusillé après condamnation le 12 juin 1943 à Champigneulles, La Malpierre ; résistant communiste du groupe FTP de Marcel Simon.

Laurent Oberlin à Cao Bàng en février 1932
Carte d’identité en 1943
Avis d’exécution, L’Écho de Nancy, 15 juin 1943.
Laurent Oberlin naquit à Champigneulles, d’Aloïs, né en 1865 à Richtholsheim, un petit village du Bas-Rhin, corroyeur de profession et de Caroline Herb, née en 1869 à Sélestat. En 1936, il demeurait au n° 4 du chemin Charlemagne, chez sa maman qui était veuve. Il était célibataire. Il travaillait comme manœuvre. Les policiers de la XVe brigade de police judiciaire à Nancy le décrivirent ainsi en janvier 1943, dans un avis de recherche : « Oberlin Laurent (…), carrier domicilié à Champigneulles, célibataire. Signalement : 1m 72 environ, cheveux châtain foncé, calvitie frontale, nez assez grand. » L’Avis d’exécution publié en juin 1943 par L’Écho de Nancy mentionnait qu’il était « lamineur » à Champigneulles. Il avait une sœur prénommée Jeanne, née en 1907, qui était ouvrière en chaussures. Son frère Charles Oberlin et sa famille demeuraient non loin, rue des Fourasses à Champigneulles.
Au début des années 1930, il connut une période de chômage. Il contracta alors un engagement et partit au Tonkin. En 1932, il était en garnison à Cao Bâng, une région montagneuse karstique située au Nord-Est du Viet Nam, en bordure de la frontière avec la Chine. À son retour, il eut des difficultés à retrouver du travail. Il est fort probable qu’il adhéra, comme Charles, à la CGT et au Parti communiste, sans y prendre de responsabilité particulière. Nous ignorons ce qu’il advint de lui pendant la drôle de guerre puis la débâcle.
Il ne figurait dans aucun document d’origine syndicale, ni communiste d’avant la guerre. Dans la période d’Occupation, en 1941 et 1942, il n’était pas identifié comme « suspect » ou « militant susceptible d’être interné » par les services préfectoraux, de police et de gendarmerie sous les ordres du préfet Jean Schmidt, nommé à Nancy par le gouvernement du Maréchal Pétain en septembre 1940.
L’engagement de Laurent dans l’organisation du Front national, sous le pseudo Bernard, fut découvert par les policiers de la XVe brigade régionale de police judiciaire à l’occasion du coup de filet qui devait conduire au démantèlement du groupe Pattiniez en novembre 1942. Il était alors, pour le moins, responsable d’un groupe de trois à Champigneulles. En effet, Lucien Becker, qui résidait à Champigneulles, chez qui fut arrêté le 15 novembre Émile Pattiniezet découverte une importante quantité de tracts, déclara aux policiers avoir « pour chef et que son activité communiste ne s’était déployée que sous le contrôle de X… dit Bernard. » La police ne parvint pas à identifier ce Bernard qui dirigeait ce groupe clandestin depuis plus d’un an.
Mais se sachant désormais pisté, Laurent Oberlin passa dans la clandestinité et fut intégré au groupe de T. P. (le travail particulier, c’est à dire le sabotage) nancéien dirigé par Marcel Simon. Il trouva refuge dans plusieurs planques à Nancy et à Champigneulles, chez son frère. Ce dernier mit à sa disposition une chambre sous les toits. C’est là que se réunissaient régulièrement Marcel Simon, le chef régional des FTP ; Nadany Boleslaw, recherché depuis le démantèlement en avril 1942 du groupe auquel il appartenait à Dombasle – Varangéville et Édouard Marchewska, un membre du T.P. également recherché. Boleslaw Nadany, le jour de son arrestation le 8 janvier 1943, déclara aux policiers : « … vers fin juillet (1942), Alfred (Marcel Simon) m’a amené à Champigneulles, directement chez Oberlin (…) A notre arrivée, Oberlin Laurent a complété le groupe de trois dont Alfred était le chef. Ni l’un, ni l’autre ne travaillait… ». L’engagement dans la formation de T.P. serait donc devenue effective dès juillet 1942, avant même la chute du groupe Pattiniez.
Avec ses camarades, Laurent Oberlin participa à plusieurs actions, notamment à des attaques à main armée d’épiceries et boulangeries à Maxéville, Nancy, Ludres, Dommartin-les-Toul ; d’un bureau de tabac à Agincourt. Les révolvers et pistolets étaient fournis par Marcel Simon. Il participa à l’incendie de meules puis d’un tracteur dans une ferme de l’Ostland à Ceintrey les 16 et 22 août 1942, au sabotage à l’explosif de l’écluse n° 22 à Dombasle le 25 octobre 1942 et au sabotage en gare de Champigneulles le 7 janvier 1943.
Le sabotage opéré en gare de Champigneulles par Simon, Marchewska, Nadany et Oberlin le 7 janvier, à partir de 22 heures, consista à couper 159 boyaux de frein de wagon Westinghouse. C’est au cours du retour d’opération, vers 23h 30, qu’un accrochage eut lieu en ville, avec une patrouille de gendarmes de Frouard, dont l’un reçut une balle à l’épaule, tirée par Laurent Oberlin. L’acte fut qualifié de « tentative de meurtre sur le gendarme Mercier ». Un mandat d’arrêt fut lancé le 16 janvier par le juge d’instruction de Nancy Veccherini pour « blessures avec intention d’homicide sur agents de la force publique et rebellion. ». 38 perquisitions furent effectuées dès le matin du 8 janvier, à Nancy et Champigneulles. Celle qui fut faite au domicile de Charles Oberlin occasionna l’arrestation de Nadany, qui passa aux aveux. Bernard fut ainsi identifié. Avec Marchewska, ils réussirent à échapper à la rafle, purent prévenir à son travail Charles Oberlin et lui remettre un révolver avant de prendre la fuite vers la Moselle. 75 policiers et gendarmes, ainsi que « 180 hommes de troupe, obligeamment mis à notre disposition » ratissèrent le secteur, en vain. A Loisy, le 16 janvier vers 10 heures, ils eurent un accrochage avec deux gendarmes de Pont-à-Mousson, au cours duquel Édouard Marchewska fut grièvement blessé à l’abdomen.
Laurent parvint à s’enfuir et réussit à passer en zone sud. Il fut arrêté le 27 avril 1943 à Saint-Angel dans l’Allier, par les gendarmes de Montluçon. Écroué à la maison d’arrêt de Montluçon le 28, il fut transféré à la prison Charles III à Nancy le 12 mai 1943, puis au QA le 21 mai. Condamné à mort le 4 juin par le tribunal militaire de la Feldkommandantur 591 pour « activité en faveur de l’ennemi et port d’armes illicite », il fut fusillé à La Malpierre à Champigneulles, « le 12 juin 1943 à 18h 01 ».
Sources

SOURCES : Arch. Dép. Meurthe-et-Moselle : WM 314 : Rapport du commissaire Charles courrier, chef du SRPJ à Nancy, du 30 janvier 1943 ; 6 M 33-14 : Recensement de 1931 et 1936, commune de Champigneulles ; 927 W 1 : Rapport du commissaire divisionnaire chef des services des Renseignements Généraux au procureur à Nancy daté du 21 janvier 1943 et WM 328 : « Activité communiste, juillet-décembre 1942 », notamment le rapport du 18 novembre 1942 du commissaire Charles Courrier sur le démantèlement du groupe Pattiniez (16 pages) ; WM 314 : Procès verbal de l’interrogatoire de Boleslaw Nadany par le commissaire Gustave Lienemann de la XVème brigade mobile de police judiciaire, du 8 janvier 194 et rapport du commissaire divisionnaire Charles Courrier, chef du SRPJ à Nancy, du 14 janvier 1943. 927 W 1 : Rapport du capitaine Gabelle, commandant la section de gendarmerie de Nancy, du 8 janvier 1943. ; WM 321 : Rapports de l’adjudant chef de la section de gendarmerie de Frouard Alphonse Walter des 8 et 9 janvier 1943 et rapport du capitaine Gabelle, commandant la section de gendarmerie de Nancy du 8 janvier 1943 ; WM 321 : Rapports de l’adjudant chef de la section de gendarmerie de Frouard Alphonse Walter des 8 et 9 janvier 1943 et rapport du capitaine Gabelle, commandant la section de gendarmerie de Nancy du 8 janvier 1943 ; WM 314 : Note téléphonique du lieutenant-colonel Boutillon, commandant la XXème légion de gendarmerie de Meurthe-et-Moselle datée du 16 janvier 1943 au préfet régional – les deux gendarmes Senis et Gisquet ont été légèrement blessés par balles, tirées par Laurent Oberlin - ; rapport du préfet régional du 17 janvier 1943 à la Direction Générale de la Police Nationale à Paris ; 1739 W 12 : Dossier du SRPJ à Nancy concernant Édouard Marchewska, alias Jean ; 1860 W 34 : Registre d’écrou de Charles III, période du 14 mars au 7 septembre 1943 ; 927 W 1 : Note du commissaire Charles Courrier au préfet régional du (illisible) mai 1943. WM 331 : Note du chef des RG du 29 avril 1943 ; 1860 W 34, registre d’écrou de Charles III, période du 14 mars 1943 ; 927 W 1 : Dossier Oberlin Laurent. Favre Claude, La Malpierre Des héros inconnus, Lycée Cyfflé à Nancy, 2012, pages 34 et 60-61 ; Archives personnelles communiquées par Madame Bif-Dussart Nadine que je remercie vivement. — Arch. Mun. Champigneulles, acte de naissance n° 000071/1903 et acte de décès n° 000055/1943. — L’Écho de Nancy, 15 juin 1943. — Notice par Dominique Tantin dans le site Maitron des fusillés (AVCC, Caen (Notes Thomas Pouty). –Claude Favre, La Malpierre. Des héros anonymes, AFMD de Meurthe-et-Moselle, juin 2012), notice remplacée par celle-ci.

Jean-Claude Magrinelli

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