Né le 16 février 1926 à Brunoy (Essonne), guillotiné le 9 mars 1945 à la prison de Wolfenbuttel (Allemagne) ; musicien ; résistant.

Jean Legrand était venu habiter Calais à l’âge de six ans, son père ayant trouvé un emploi à l’usine de la soie artificielle, emploi qu’il occupa un certain temps avant de s’installer comme artisan modeleur.
Trompettiste au talent prometteur, Jean Legrand fréquenta l’école de musique de Calais, rue Gustave Cuvelier. Il joua également dans l’orchestre du théâtre. Ce jour-là, 3 octobre 1943, ses professeurs Douane et Louvois lui avaient conseillé de ne pas jouer dans cette formation pour économiser ses lèvres (il devait passer l’examen d’entrée au conservatoire de Paris le 12 octobre). Avec deux de ses camarades, Paul Mehuys et Jules Logez, il souhaita cependant assister à ce gala de variétés mais comme spectateur ; malheureusement, on jouait à bureaux fermés. Les trois amis décidèrent alors de prendre un verre chez Léon Masson, à la taverne des « Trois Suisses », boulevard Jacquard. Au cours de la conversation, Jean Legrand sortit de sa poche un magazine d’avant la guerre dans lequel figure la caricature d’un cochon avec la tête d’Hitler. Éclats de rire… À la table voisine, deux militaires allemands se fâchèrent, ils sortirent leurs révolvers. Les trois copains furent arrêtés.
Après avoir été internés à la prison militaire rue du pont Lottin à Calais, les trois amis furent transférés à Arras où un tribunal militaire allemand les condamna à deux ans de travaux forcés. Le 10 décembre 1944, ils furent transférés à la prison de Saint-Gilles à Bruxelles. Ils furent séparés, et en janvier 1944 Jean Legrand fut dirigé vers l’Allemagne à la prison de Wolfenbuttel. Plusieurs fois il s’échappa, à chaque fois il fut repris. Afin de trouver les moyens de s’enfuir, il consentit à travailler pour les Allemands. Il bénéficie d’un régime spécial et d’un meilleur ravitaillement, ce qui lui permit de mieux préparer sa prochaine évasion.
En novembre 1944, lors de sa dernière évasion, il eut pour compagnons un Rémois et un séminariste strasbourgeois. Ils furent repris et condamnés à mort en février 1945 par le tribunal spécial de Braunschivey. L’exécution de Jean Legrand et de ses compagnons eut lieu dans la cour de la prison devant tous les déportés rassemblés. Jean fut guillotiné sur le dos. Il n’a pas voulu avoir les yeux bandés. Un déporté belge a renvoyé à ses parents les quelques mots suivants trouvés dans un livre de prière à moitié calciné ; « J’ai souffert et je meurs pour l’amour du Christ et pour le salut de mon âme. Derniers adieux à mes très chers parents que j’aurais voulu revoir avant de mourir pour les presser une dernière fois sur mon cœur et leur demander pardon. J’ai souffert en silence et je meurs en chrétien. Gloire à Dieu, au plus haut des cieux. Adieu à tous les êtres qui me sont chers ! Adieu à la vie ! Adieu à la France ! Qu’il est doux de souffrir en priant. Pour moi, mourir est une délivrance car vivre ici-bas c’est souffrir. Tandis qu’au ciel, là est le vrai bonheur. »
Son corps fut ramené à Calais en 1949 ; des funérailles officielles lui furent faites le 10 janvier. Paul Mehuys et Jules Logez survécurent à la déportation.
Sources

SOURCES : Robert Chaussois, Calais au pied du mur Mars 1943 à Janvier 1944, SA imprimerie centrale de l’ouest, la Roche sur Yon. — État civil.

René Vandenkoornhuyse

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