Né le 3 août 1905 à Felbosonga en Transylvanie (alors en Hongrie), fusillé le 21 février 1944 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; ouvrier menuisier ; communiste ; volontaire en Espagne républicaine ; résistant FTP-MOI ; un des condamnés dit du procès de l’Affiche rouge.

Joseph Boczor.
Joseph Boczor.
Francisc Wolf naquit en Transylvanie en 1905, dans un pays hongrois qui devait devenir roumain en 1919. Il avait en 1943 la nationalité hongroise. Issu d’une famille juive aisée, il s’engagea dès le lycée dans le mouvement révolutionnaire et devint membre des Jeunesses communistes. Il se rendit alors à Prague pour suivre des études d’ingénieur chimiste à l’Institut polytechnique, tout en militant. Volontaire pour combattre en Espagne, il traversa la Tchécoslovaquie, l’Autriche et la Suisse à pied pour rejoindre les rangs des Brigades internationales mais, après la défaite, il fut interné en France dans le camp d’Argelès puis celui de Gurs. Au sein du camp, Boczov était responsable du groupe roumain ; comme la plupart des Roumains brigadistes, il fut déchu de sa nationalité mais lorsque les nazis décidèrent de déporter ces « apatrides », il organisa en avril 1941 l’évasion de tout le groupe qui sauta du train les emmenant vers l’Allemagne.
Arrivé à Paris, il s’engagea dans l’Organisation spéciale-Main-d’œuvre immigrée (OS-MOI) constituée en avril-mai 1941 avec les ex-volontaires d’Espagne. Il prit à cette occasion le pseudonyme de Joseph Boczor, nom d’un camarade de lycée (changé en Boczov par une erreur de transcription). Il remplaça à la tête de l’organisation l’Espagnol Conrado Miret-Musté (dont il avait été l’adjoint à la tête de l’OS-MOI), après l’arrestation de ce dernier, fin 1941.
Lors de la constitution des FTP début 1942, le Parti communiste décida de fusionner les groupes de jeunes combattants MOI pour donner naissance aux FTP-MOI. Boczor, qui craignait, notamment pour des raisons de sécurité, de mêler les combattants chevronnés, habitués à la clandestinité aux groupes de jeunes moins aguerris, refusa cette réorganisation et ne fut pas désigné par le parti pour y procéder. Il refusa de participer au triangle de direction des FTP-MOI parisiens comme le lui proposait Boris Holban, responsable militaire de la nouvelle structure mais il fonda et dirigea le détachement des dérailleurs. Remarquable technicien, l’ingénieur chimiste Boczor allait devenir le chef du 4e détachement qui se spécialisa dans les déraillements des trains qui transportaient des SS et des soldats la Wehrmacht.
Joseph Boczor habita au 117 rue de Pelleport à Paris (XXe arr.), en mai 1942, il se rendit compte qu’il était surveillé, il déménagea au 41 de la même rue. Dans une chambre contigüe habitait son amie Charlotte Scordas, pseudonyme de Chari Gruia adjointe du service technique des FTP-MOI qui avait loué sa chambre au nom de « Duval ». Au mois de novembre 1942, elle fut arrêtée. Joseph Boczor quitta sa chambre pour le 9 rue Caillaux (XIIIe arr.), puis en décembre 1942 ou janvier 1943, il loua un logement au 1 rue de Lanneau (Ve arr.) où il installa un atelier et un dépôt d’engins explosifs. Selon ses déclarations il essaya lui-même des engins sur les voies de chemin de fer de Dreux et d’Evreux sans succès. Tirant les leçons de ses échecs, décision fut prise par le triangle de direction des FTP-MOI de provoquer des déraillements de trains par déboulonnage des rails avec des clefs tirefonds
Des inspecteurs de la BS2 prirent en filature des combattants FTP-MOI et des militants de la MOI, trois d’entre eux filèrent Joseph Boczor de septembre au 2 novembre 1943. Les premiers temps, les policiers surnommèrent le militant rencontré puis l’identifièrent. Joseph Boczor rencontré le 20 septembre 1943 à 15 heures avenue de la porte d’Ivry devint « Ivry », il rencontra « Laporte » Émeric Glasz, ils se quittèrent vers 15 heures 35 avenue d’Italie. Le
22 septembre 1943 à 8 heures 45 les deux hommes se rencontraient à nouveau quai Conti (VIe arr.).
Le 23 septembre 1943 à 16 heures 30 rencontre avec « Chaumont » Moska Fingercweig rue des Bernardins, à 17 heures rencontre avec « « Mouffetard » Thomas Elek et « Beauvais » Wolf Wajbrot square Paul-Painlevé (Ve arr.), puis se rend au 1 rue de Lanneau (Ve arr.). Le lendemain, il rencontrait 9 heures 20 au métro Bourg la Reine rencontre « Bourg » Missak Manouchian.
Le 27 septembre à 11 heures porte de Vincennes rencontre avec « Chaumont, Legris, Laporte » Moska Fingercweig, Lejb Goldberg et Émeric Glasz. Le même jour à 17 heures les policiers notaient sa rencontre gare de l’Est avec « Chaumont » Moska Fingercweig.
Le 30 septembre à 10 heures 35 à l’angle du boulevard Voltaire et de la rue du Chemin Vert (XIe arr.) il parlait avec Georges Friedman, « Voltaire » pour les policiers. Le même jour à 17 heures devant le 15 rue Lagrange il était en conversation avec « Chaumont » Moska Fingercweig, puis à 18 heures 40 porte de Vincennes avec « Chaumont » Moska Fingercweig et « Legris » Lejb Goldberg. À 18 heures devant le 45 avenue Courteline, il parlait avec Jacov Stambul baptisé « Courteline » par les policiers. Puis il se rendit au 26 rue de l’Ermitage et au 15 rue Turbigo à 19 heures 20, il n’en sortit que le lendemain matin.
Le 10 octobre à 17 heures 20, rue Clovis (Ve arr.) il parlait avec « Mouffetard » Thomas Elek [24792]. Le 11 octobre 1943 tous les rendez-vous se déroulèrent dans le Ve arrondissement : à 17 heures 45, rue des Bernardins il rencontrait « Pailleron » et « Legris » Lejb Goldberg et Martiniuk en fait Jonas Geduldig Un peu plus tard il avait un rendez-vous au quai de la Tournelle avec « Chaumont » et « Laporte » Moska Fingercweig et Émeric Glasz, et à 18 heures 15 nouveau contact avec « Laporte » Émeric Glasz.
Le 15 octobre rendez-vous à 7 heures 45, boulevard Raspail avec « Courteline » Jacov Stambul. Ce jour-là les policiers remarquèrent Joseph Dawidowicz dont ils avaient perdu la trace. Le 18 octobre 1943 à 9 heures boulevard Saint-Jacques il discuta avec « Laporte » Émeric Glasz. Le 20 octobre à 15 heures 15, il conversait quai de la Tournelle avec « Chaumont » et « Legris » Moska Fingerweig et Martiniuk [Jonas Geduldig]. Le même jour à 18 h 10 sur le quai du métro Réaumur Sébastopol il discutait avec « Courteline » Jacov Stambul. Enfin à 18 h 50 au café Dupont Arts et Métiers avec « Laporte » Émeric Glasz Glasz, puis Joseph Boczor se rendit 85 rue Turbigo.
Le 21 octobre à 8 heures conversation à l’angle du boulevard Masséna et de la rue de Patay (XIIIe arr.) avec EF jusqu’à 8 heures 25 à la porte d’Italie. A 9 heures 20 il entrait dans le cimetière d’Ivry où il rencontra « Beauvais » Wolf Wajbrot. À 11 heures 20 il prenait le train gare de l’Est destination de Troyes (Aube). Le 27 octobre à 14 heures 30 place de la mairie de Montreuil-sous-Bois il rencontra « Bourg » Missak Manouchian. Le 28 octobre 1943 à 10 heures il eut un rendez-vous 10 rue Barbès à Montrouge (Seine, Hauts-de-Seine). Le 2 novembre à 17 h 30 rue du Vert-Bois il rencontrait « Chaumont » Fingercweig, puis à 19 heures 10 rue des Petits Champs « Voltaire » Georges Friedman.
Les policiers de la BS2 dressèrent le signalement suivant de Joseph Boczor «  38 ans, 1,70 m, cheveux châtain clair, coiffé raie à gauche, front haut, tempes dégagées, nez busqué, deux rides prononcées allant des narines aux coins de la bouche, corpulence mince, complet bleu marine, souliers noirs ».
En mai 1942, Joseph Boczor s’était rendit compte qu’il était filé, il déménagea au 41 de la même rue. Dans une chambre contigüe habitait son amie Charlotte Scordas, pseudonyme de Chari Gruia adjointe du service technique des FTP-MOI qui avait loué sa chambre au nom de « Duval »Au mois de novembre 1942 elle fut arrêtée, puis déportée. Joseph Boczor quitta sa chambre pour le 9 rue Caillaux (XIIIe arr.), puis en décembre 1942 ou janvier 1943, il loua un logement au 1 rue de Lanneau (Ve) où il installa un atelier et un dépôt d’engins explosifs. Selon ses déclarations il essaya lui-même des engins sur les voies de chemin de fer de Dreux et d’Evreux sans succès. Tirant les leçons de ses échecs, décision fut prise par le triangle de direction des FTP-MOI de provoquer des déraillements de trains par déboulonnage des rails avec des clefs tirefonds.
Le 26 octobre des inspecteurs de la BS2 arrêtèrent Joseph Dawidowicz, responsable politique du 2e détachement. Les perquisitions de ses domiciles clandestins permettaient de découvrir des listes d’effectifs, des comptes rendus d’activité de la M.O.I, un état numérique dactylographié des divers détachements, etc. Le 17 novembre 1943 soixante-sept membres des FTP-MOI et de la M.O.I., étaient interpellés
Joseph Boczor fut arrêté le 17 novembre 1943 vers 8 heures 30 alors qu’il sortait de son domicile du 9 rue Caillaux à Paris (XIIIe arr.). Amené au service et fouillé lors de son arrestation, Joseph Boczor était porteur d’une fausse carte d’identité au nom de Bocnar ; un faux certificat de démobilisation, un faux certificat de travail et une autorisation d’emménager au 18 avenue de la porte Brunet (XIXe arr.) en même nom. Une somme de 1500 francs, deux feuilles dactylographiées intitulées « Les déraillements » etc. Une visite domiciliaire se déroula au 27 rue Nationale (XIIIe arr.), les policiers saisissaient : une boussole, des cartes et des horaires de la SNCF, des pièces d’état civil d’étrangers, un passeport au nom de Glasz, un passeport tchécoslovaque au nom de Fischer, une attestation de présence au corps au nom de Varga, une carte d’immatriculation aux Assurances sociales au nom de Hirsch, deux cartes textiles au nom de Varga Elisabeth, un engagement de location au nom de Goubet, deux quittances de loyer, l’une au nom de Deutsch, l’autre au nom de Varga, un extrait de casier judiciaire au nom de Deutsch Elisabeth, deux déclarations de bicyclettes au nom de Bungher et de Glas. Etc.
Tabassé à plusieurs reprises à coups de nerf de bœuf, il déclara qu’il avait quitté la Hongrie en 1938, il ne fit pas part aux policiers de son engagement dans les Brigades internationales en Espagne. Il serait resté de 1940 à 1941 en Suisse Il aurait passé clandestinement la frontière en 1941 et entra en France avec un nommé « Alic ». Par son intermédiaire il serait entré en contact avec un responsable de l’Organisation spéciale dont le but était de lutter contre les Allemands « Je savais que cet homme était un communiste ». Il connaissait le maniement des explosifs apprit déclara-t-il « en Hongrie », plus probablement lors de sa participation à la guerre d’Espagne au sein des Brigades internationales. Il fut chargé de fabriquer des bombes, il loua une chambre au nom de François Torok au 117 de la rue Pelleport (XXe arr.).
Matricule 10003 du 4e détachement, celui des dérailleurs, outre son rôle d’organisateur, il dirigea des actions. Dans la nuit du 10 au 11 juillet 1943 Joseph Boczor participa au déraillement d’un train de permissionnaires allemands sur la ligne Paris Cherbourg avec Gino (matricule 10213) et Roger (10512). Le 28 juillet 1943 au déraillement d’un train sur la ligne Paris Château-Thierry avec « Tommy » matricule 10306, Thomas Elek et Jean-Claude (10199). Dans la nuit du 3 au 4 août 1943 il dirigeait l’équipe qui procéda au déboulonnage de traverses sur la ligne Paris Reims à la Ferté-Milon avec Ricardo (10211), Casso (10282), 10199 J. Claude (10199), Assau (10350) et « Tommy » Thomas Elek (10306).
Le 19 novembre 1943 les policiers saisissaient au 1 bis rue de Lanneau : 33 boîtes de 100 détonateurs Bickford n°7 et1 boîte entamée contenant 35 détonateurs. 1 boîte cylindrique en fer blanc, peinte en noir, contenant 5 étuis de sûreté pour détonateurs en bakélite à fonds transparents, dont 4 sont garnis de détonateurs et un vide. 3 pétards prismatiques allemands de 100 g de tolite.. 1 cartouche de 100 g de dynamite anglaise. 2 cartouches de 200 g d’explosif plastique anglais. 10 cartouches cylindriques allemandes de 100 g d’explosif (tolite). 1 engin incendiaire anglais plat, en celluloïd à retardement. 2 ampoules incendiaires oblongues, d’origine anglaise. 2 crayons allumeurs à retardement de 12 heures d’origine anglaise. 1 boîte cylindrique en fer blanc, peinte en gris, contenant un rouleau de mèche lente et quelques allumeurs pour celle-ci. 1 allumeur à traction. 7 allumeurs à traction, d’origine allemande. Etc. Il utilisait deux pseudonymes Pierre et Leblond, au cours d’un interrogatoire les policiers lui demandèrent s’il connaissait Henri Douillot, il affirma ne pas le connaître, mais il reconnut avoir eu un rendez-vous avec Roger Gouffault, il précisa sobrement « Nous avons échangé des idées sur la confection du matériel ».
Joseph Boczor était l’un des vingt-quatre accusés qui comparaissaient le 18 février 1944 devant le tribunal du Gross Paris qui siégeait rue Boissy-d’Anglas, la presse aux ordres des Allemands dont Le Matin s’en fit l’écho : « Le tribunal militaire allemand juge 24 terroristes ayant commis 37 attentats et 14 déraillements. Un Arménien, Missak Manouchian dirigeait cette tourbe internationale qui assassinait et détruisait pour 2.300 francs par mois ».
Joseph Boczor fut passé par les armes le 21 février 1944 à 15 heures 40 au Mont-Valérien avec les vingt-deux autres condamnés à mort. Son inhumation eut lieu dans le carré des corps restitués aux familles dans le cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne).
Le nom de Joseph Boczor figure sur les plaques commémoratives dédiées au groupe Manouchian au 19 Rue au Maire à Paris (IIIe arr.), à Marseille, près de la gare d’Evry Petit Bourg (Essonne) où furent arrêtés Missak Manouchian et Joseph Epstein (colonel Gilles) et au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis).
Il apparaît sous le nom de Feri Boczov dans le film de Robert Guédiguian, L’armée du crime (2009).
Brigadistes fusillés pendant l’Occupation
http://chs.huma-num.fr/exhibits/sho...
Sources

SOURCES : Arch. PPo. GB 137 BS2, PCF carton 15 rapports hebdomadaire des Renseignements généraux sur l’activité communiste du 29 novembre 1943. – Le Matin, 29 septembre 1943, 19 et 20 février 1944, 21 février 1944, 22 février 1944. – Annette Wieviorka, Ils étaient juifs, résistants, communistes, Éd. Denoël, 1986. – Boris Holban, Testament, Calmann-Lévy, 1989. – Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l’étranger, les immigrés de la M.O.I. dans la Résistance, Fayard, 1994. – Pages de gloire des vingt-trois, Paris, 1951. – David Diamant, Héros juifs de la Résistance française, Renouveau, 1962.

Iconographie
.PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 173 cliché du 18 novembre 1943.

Daniel Grason, Alexis Spire

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