Né le 26 avril 1906 à Escart, commune d’Escaló, province de Lérida, Espagne ; mort le 21 février 1998 à Toulouse (Haute-Garonne) ; résistant de Haute-Garonne (agent de la filière SOL du réseau belge "Jean" et agent P1 du réseau français "Françoise". A échappé de peu à son exécution avec quinze autres résistants fusillés à Castelmaurou (Haute-Garonne) le 27 juin 1944.

Jaume Soldevila naquit dans une famille d’agriculteurs et éleveurs propriétaires du Pallars Sobirà, une région de la montagne pyrénéenne, au nord-ouest de la Catalogne. Son père, Pere [Pedro] Soldevila Roca était issu de la "casa Roca" de València d’Àneu, un autre village du Pallars Sobirà. Il s’était marié avec Àgueda Pich Sansa née dans un village voisin, Escart (commune d’Escaló a la "casa Marquetó"). Leur première fille, Montserrat, naquit à València, mais mais Joan, le deuxième de la fratrie, naquit à Escart où ses parents s’étaient installés dans la maison maternelle. Tous les autres enfants naquirent à Escart, notamment, Joan né en 1912 puis Ricardo, né en 1916 qui plus tard furent avec Jaume des agents des réseaux Sol et Françoise. La famille quitta ensuite Escart pour prendre une exploitation agro-pastorale en fermage à Son, une autre commune du haut Pallars Sobirà qui fusionna en 1970 avec celle València d’Àneu. En 1911, Jaume Soldevila effectua son service militaire à la Seu d’Urgell, (province de Lérida).
Generosa Cortina Roig, née le19 avril 1910 à Son, future épouse de Jaume Soldevila, était la sœur de son beau-frère, le mari de sa sœur Montserrat. La famille revint s’installer à Escart en 1935.
En 1925, Generosa quitta le Pallars pour Granges-sur-Lot (Lot-et-Garonne) où sa sœur était déjà établie. Ces déplacements correspondaient à des migrations temporaires ou définitives vers les départements du Sud-Ouest, en premier lieu l’Ariège et, surtout la Haute-Garonne. Toutefois, ces émigrés conservaient des liens étroits, économiques avec le Pallars. Jaume Soldevila rejoignit Generosa Cortina à Granges-sur-Lot en 1931 et l’épousa.
Par la suite, ils s’installèrent à Toulouse où Jaume travailla comme mécanicien.
Ses frères, Isidre, Joan et Ricardo qui étaient restés dans le Pallars où ils s’occupaient à diverses taches d’agriculture et forestage, s’enrôlèrent en 1936 dans les milices formées pour riposter au coup d’État militaire du 18 juillet 1936. Ils intégrèrent l’Armée populaire après la militarisation des milices. Joan termina la guerre civile dans le 13e bataillon de 8e brigade mixte de la 18e division de l’Armée populaire, cantonnée sur le front près de Madrid. Ricardo intégra l’Aviation, participa à des séances d’instruction à Albacete puis obtint une qualification d’observateur. À l’issue de la guerre, ils réussirent à rentrer au Pallars et évitèrent la mobilisation dans l’armée franquiste où ils auraient dû, comme beaucoup de jeunes soldats républicains démobilisés effectuer leur service militaire dans des unités à caractère disciplinaire. Ils en réchappèrent, plongeant dans la marginalité, effectuant des taches agricoles et, surtout, forestières. Parallèlement, ils se livraient à la contrebande avec l’Andorre.
Leur connaissance de la montagne et des cols frontaliers les fit remarquer par les services secrets belges, actifs depuis le consulat du royaume à Barcelone qui représentait le gouvernement en exil à Londres. Ils acceptèrent de travailler pour le réseau de renseignement belge "Jean" qui acheminait de la documentation provenant des territoires occupés par les forces du Reich. Ils formèrent dans le cadre de ce réseau une filière qui fut nommée "SOL" des trois premières lettres du patronyme Soldevila. active entre Toulouse et Barcelone. Pour cette raison, leur frère Jaume, domicilié à Toulouse et sa femme Generosa furent aussi recrutés, cette dernière comme "boîte aux lettres". Dans un premier temps la filière emprunta un itinéraire par le village d’Err, en Cerdagne (Pyrénées-Orientales) où était actif un autre agent. Mais la défection de ce dernier amena les trois frères à emprunter un nouvel itinéraire par le Couserans (Ariège) et le Pallars.
Parallèlement les frères Sodevila furent amenés à intégrer — le 25 juillet 1942, d’après les états de service dans la Résistance établis après la Libération — un autre réseau (Françoise) acheminant des évadés, en l’occurrence des aviateurs alliés abattus depuis le territoire français. "Françoise" avait été créé par Marie-Louise Dissard (1881-1957) domiciliée à Toulouse et agent du réseau belge Pat O’Leary qui venait d’être démantelé (Voir Ponzán Francisco). Jaume amena à bon port, toujours par l’itinéraire du Couserans et du Pallars sept aviateurs étatsuniens, canadiens ou britanniques.
Le mai, Ricardo Soldevila fit franchir la frontière à Charley de Hepcée avant de le confier à un guide français. Il fut arrêté le 13 avril 1944 après que celui-ci l’eut abandonné après lui avoir indiqué son chemin. Son frère Jaume aurait dû venir le chercher à Son, mais son départ fut avancé car la présence du Belge avait été détecté par un franquiste de Son.
Jaume Soldevila fut arrêté par la SIPO-SD le 15 mai 1944 à son domicile toulousain avec sa femme Generosa. Cette arrestation — qui permit le démantèlement du réseau SOL— est à mettre en relation, bien qu’il n’y ait, à ce jour, aucune preuve formelle, avec celle, un mois plus tôt, de Charley de Hepcée. En effet, l’attestation fournie à Soldevila le 2 mai 1950 par Marie-Louise Dissard alias "Françoise" indique que, agent P 1 du réseau qu’elle dirigeait, il fut arrêté à son domicile par la police allemande après qu’un officier belge eut été arrêté à la frontière. Cet officier belge possédait le mot de passe et connaissait son adresse. Toujours, d’après "Françoise", un agent de la police allemande se présenta au domicile toulousain des Soldevila en l’absence de Jaume. La connaissance du mot de passe lui permit d’avoir la confiance de l’épouse de Sodevila. Le policier put alors attendre l’arrivée de ce dernier et l’arrêter. Soldevila fut interrogé et torturé puis fut détenu pendant 25 jours à la prison Saint-Michel de Toulouse d’où il fut extrait le 27 juin 1944 en compagnie de quatre autres détenus, Claude Charvet, Jean-Marie Ducasse et un autre dont il ne connaissait pas le nom. Ils furent livrés par des membres du KDS (Sipo-SD) de Toulouse à des soldats de la division SS Das Reich au café-tabac de Castelmaurou, village situé au nord-est de Toulouse. On leur donna des pics et des pelles et ils furent conduits au bois de la Reulle, entre Castelmaurou et Gragnague. Il reçurent l’ordre de creuser un trou, de fait, leur tombe. Soldevila et son voisin comprirent qu’ils allaient être exécutés avant de constater l’arrivée du peloton d’exécution. Profitant d’un moment d’inattention de ses gardiens, Soldevila jeta sa pelle et s’enfuit dans le bois. Poursuivi, il fut blessé et put se cacher dans un fourré. Mais ses poursuivants, n’ayant pas de chien, ne le trouvèrent pas et renoncèrent. Il gagna une maison où on lui indiqua l’adresse du docteur Barco, un médecin italien qui lui prodigua les soins nécessaires. Il se cacha ensuite jusqu’à la Libération de Toulouse chez un nommé Galache, de Saint-Jean (Haute-Garonne), village situé à trois kilomètres de Castelmaurou.
Le 19 septembre 1944, Jaume Soldevila déposa à la gendarmerie de Verfeil (Haute-Garonne). Il permit ainsi de découvrir le charnier du bois de la Reulle et l’identification rapide de dix des fusillés du 27 juin.
Le 27 juin 1944 furent fusillés au bois de la Reulle quinze compagnons de captivité de Jaume Soldevila, résistants comme lui : Claude Charvet, Robert Toubiana (lieutenant Frantz), Noël Pruneta, Charley de Hepcée, Marcel Mercié, 32 ans ; Jean Pagès, 43 ans ; Roger Cazenave, 29 ans ; Jean-Louis Belvezet, 28 ans ; Jean-Marie Ducasse, 42 ans ; Raoul Sarda, 43 ans ; Joseph Guillaut ; Marcel Joyeux et Pierre Cartelet et deux autres non identifiés à ce jour (2015).
La femme de Jaume, Generosa fut déportée par le "train fantôme", convoi où elle embarqua au Vernet d’Ariège. De Dachau, elle fut déportée à Ravensbrück d’où elle fut libérée le 3 mai 1945 par les troupes soviétiques.
Jaume fut auditionné par tribunal de Foix qui jugeaient les responsables du démantèlement de la filière SOL mais qui ne put élucider le sort de Charley de Hepcée.
Jaume Soldevila reprit à Toulouse son travail de mécanicien. Il fut naturalisé français (décret du 30 juin 1947 signé par Paul Ramadier, président du Conseil). Plus tard, avec sa femme, ils ouvrirent à Toulouse un café restaurant. Generosa mourut le 30 décembre 1982. Son mari décéda le 21 février 1998.
Le 16 octobre 1945, Jaume Soldevila reçut du gouvernement belge un certificat attestant de ses services.Le 6 février 1947, Jaume et Generosa reçurent la Medal of Freedom étatsunienne et, le premier mars 1947, ils furent homologués comme membres des Forces françaises combattantes. Enfin, Generosa fut élevée, le 17 février 1962 au grade de chevalier de la Légion d’honneur.
Ricardo Soldevila vint s’installer en France en 1951. Il travailla comme représentant de commerce et épousa une institutrice. Il mourut en 2003. Joan, se maria à Escart en 1946. Il vécut dans son Pallars natal. Il vivait encore en 2011.
Voir Lieu d’exécution : Castelmaurou (Haute-Garonne), fusillés sommaires du Bois de La Reulle (ou Reule)
Sources

SOURCES : AVCC, Caen, 21 P 676414, dossier de Jacques Soldevila. — Noemí Riudor Garcia, "La família Soldevila d’Escart : Línia SOL de la xarxa belga de Jean" in Josep Calvet Bellera, Annie Rieu-Mias, Noemí Riudor Garcia, La batalla del Pirineu. Xarxes d’informació i d’evasió aliades al Pallars Sobirà, a l’Alt Urgell a a Andorra durant la Segona Guerra Mundial, prologue de Jordi Guixé, Tremp, Editorial Garsineu, 2011, 208 p. (ouvrage traduit en français, La bataille des Pyrénées. Réseaux d’information et d’évasion alliés transpyrénéens 1942-1944, Toulouse, Le Pas d’oiseau, 2013, 200 p.). — La répression de la Résistance par les autorités d’occupation et le régime de Vichy, préface de Pierre Izard, brochure éditée par le Musée départemental de la Résistance et de la déportation de la Haute-Garonne à l’occasion du concours national de la résistance, Toulouse, 2011, 66 p. [p. 21]. — La Dépêche (Toulouse), 1er avril 2012. — Cd-Rom AERI, Haute-Garonne, fiche de Michel Goubet.

André Balent

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