PELLETIER François [Pseudonymes dans la Résistance : Ruben, PERRON François]
Né le 24 décembre 1920 à Milly-sur-Thérain (Oise), fusillé le 12 août 1944 à Signes (Var) ; agriculteur ; lieutenant des Services spéciaux, chargé des liaisons maritimes clandestines entre la Corse et la presqu’île de Saint-Tropez (Var).
François Pelletier
Source : JM Guillon
Source : Jean-Pierre Ravery
La Garde-Freinet (Var), stèle du col de Vinon à la mémoire de François Pelletier et Jean-Maurice Muthular d’Errecalde
Mobilisé à la mi-novembre 1942, après le débarquement allié en Algérie, il fut versé dans l’aviation en décembre, à Blida, puis s’engagea en février 1943 dans les parachutistes. Il fit un stage à Fès (Maroc) entre février et juin 1943, puis devint instructeur au camp de Staouéli, près d’Alger, de juin à août. En septembre 1943, il passa dans les services spéciaux, et suivit au camp d’El Biar à direction britannique l’entraînement de ceux qui devaient être largués en métropole afin de préparer le débarquement en Méditerranée. Il se lia d’amitié avec celui qui le fera arrêter par la police nazie à Saint-Tropez (Var), Maurice Deydier Seignon de Possel (Noël). Après un faux départ à la mi-décembre 1943, il passa un mois en Corse. Il fut parachuté dans le Vaucluse, à La Motte-d’Aigues, dans la nuit du 7 au 8 mars 1944. Hébergé d’abord dans la famille d’Imgard Reybaud, qui sera plus tard exécutée par des agents de la Gestapo, il fut installé dans le Var, d’abord à Draguignan et Saint-Raphaël, puis à Cogolin, et enfin à Saint-Tropez, par l’Organisation de Résistance de l’Armée (ORA). Assisté du radio Jean Paoli (Paul Camous), il était responsable des liaisons maritimes clandestines par vedettes rapides entre la presqu’île de Saint-Tropez et la Corse. Il assura deux liaisons de ce type. La première, dite opération « Coniston », eut lieu à la calanque du Brouis, commune de Ramatuelle (Var), pour assurer la réception de la mission météo « Armand » (Marcel Chaumien, chef de mission)-Jean (Jean Soupiron, opérateur radio) dans la nuit du 28 au 29 avril 1944. Il en profita pour faire partir un courrier où il disait ses difficultés financières, précisant ne pas vouloir faire comme « Noël »(Seignon de Possel), chargé d’une mission identique à la sienne à La Ciotat, qu’il avait revu et qui était, d’après lui, sans argent et qui vivait grâce à l’argent de sa femme. Les difficultés d’accès au point de liaison choisi, la perte d’un aviron conduisirent Pelletier à changer de lieu et reporter les liaisons à la calanque du Virol (pseudonyme Carical), qu’il démina lui-même. C’est là qu’eut lieu dans la nuit du 24 au 25 mai, après divers échecs, l’embarquement du chef régional de la Section atterrissages et parachutages (SAP), Camille Rayon Archiduc, du chef de la mission « Hercule » et de son radio « Henri » (André Laffarge) et le débarquement du Dr Henri Rosencher (Raoul), membre de la mission interalliée, qui avait été son instructeur à Staouéli. Avant de partir, la mission « Hercule » avait laissé l’argent qui lui restait à François Pelletier qui n’en avait plus. Par ailleurs, il réceptionna aussi à Saint-Tropez des agents débarqués sur la côte par l`Office of Strategic Services (OSS) pour le réseau Azur.
François Pelletier était allé au début mai à Paris et avait pu voir sa famille, rassemblée dans une cérémonie à la mémoire de son frère, Michel Pelletier, son cadet de deux ans, membre du groupe Vengeance à Paris et fusillé au Mont-Valérien le 15 mars précédent.
Désireux d’agir, François Pelletier avait noué des relations avec la Résistance de la région de Saint-Tropez dont l’orientation majoritaire était Front national-Francs-tireurs et partisans (FTP). Il fut intégré de fait, après la mobilisation du 6 juin, dans la Brigade des Maures, groupement commun aux FTP et à l’Armée secrète (AS) du secteur dirigé par Jean Despas et le peintre d’origine serbe, Marco Célébonovitch. Il lui apporta une aide substantielle en lui faisant obtenir un parachutage d’armes le 13 juillet 1944 aux Rabassières (Cogolin, Var), après une première tentative manquée le 1er juillet, et en instruisant le maquis installé près du hameau de La Mourre (La Garde-Freinet, Var). François Pelletier s’interrogeait sur la situation confuse et très menaçante qui s’était établie pour la Résistance régionale depuis la mobilisation de juin. Il évoquait dans une lettre du 30 juin les « négligences de ceux dont on est le moins le droit d’en attendre », et, dans un message du 20 juillet, il notait des difficultés avec certains. Seignon de Possel (Noël), qui s’était mis au service de la section IV de la Sipo-SD de Marseille dès son arrivée en France, était venu à plusieurs reprises à Saint-Tropez retrouver son camarade. Il avait donné son signalement à Ernst Dunker (Delage), l’homme-clé de la section IV, en indiquant notamment comme signe distinctif qu’il lui manquait l’index. Il lui avait fourni également des précisions sur son domicile et celui de son radio. Revenu à Saint-Tropez le 23 juillet, il fit arrêter le lendemain, d’abord le major américain Jean-Maurice Muthular D’Errecalde (Lucas), que François Pelletier devait faire embarquer le soir-même, puis, vers 13 heures, celui-ci et Jean Paoli, villa « Jeannette ». Les trois hommes furent conduits à Marseille, au 425 rue Paradis, siège de la Sipo-SD, où ils furent interrogés et torturés. François Pelletier fut particulièrement maltraité. Sa déposition subsiste dans le dossier d’Ernst Dunker (Delage) de la cour de justice des Bouches-du-Rhône. Maurice Seignon de Possel demanda que François Pelletier et d’Errecalde (Lucas) soient exécutés le plus vite possible afin qu’ils ne puissent le dénoncer. François Pelletier porte le no 32 du rapport « Antoine », signé par Dunker (Delage), qui clôt le bilan de cette vague d’arrestations. Emprisonné à la prison des Baumettes à Marseille, François Pelletier aurait pu faire sortir un mot pour Nicole Célébonovitch afin d’alerter ses camarades. Il a été fusillé avec huit résistants, dont Muthular d’Errecalde*, après un jugement sommaire sur place, le 12 août, au fond du vallon isolé, dans les bois de Signes où, le 18 juillet, dans les mêmes conditions, vingt-neuf autres résistants avaient été exécutés. Leurs corps ont été exhumés le 17 septembre 1944. Un monument funéraire a été inauguré le 18 juillet 1946 dans ce lieu, connu désormais comme le « Vallon des fusillés » et devenu nécropole nationale en 1996. Il existe une avenue François-Pelletier à Saint-Tropez et une rue à son nom à Cogolin et à La Garde-Freinet. Une stèle à sa mémoire et à celle de Jean-Maurice Muthular D’Errecalde fut inaugurée au col de Vignon (hameau La Mourre, La Garde-Freinet) le 2 mars 1969. Il fut décoré de la Croix de guerre avec étoile de bronze à titre posthume.
Dans la dernière lettre écrite à ses parents, François Pelletier avait écrit : « J’aurais pu agir autrement, peut-être plus prudemment, mais ce n’était pas ``ma voie’’ et je n’aurais pas été heureux. » Il fut déclaré « Mort pour la France ».
SOURCES : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, 500 U 285 (dossier Dunker).– Jean Soupiron, Vingt ans en 1939. Souvenirs, tém. inédit, dactylog., sd – Madeleine Baudoin, Témoins de la Résistance en R2, thèse d’histoire, Université de Provence (Aix-Marseille I), 1977. – Jean-Marie Guillon, La Résistance dans le Var, thèse d’histoire, Université de Provence (Aix-Marseille I), 1989 et Résistance Var no 66, juin 2008. – Antoine Pelletier, Autrement qu’ainsi, Paris, Éd. Quintette, 1991. – Henri Rosencher, Le sel, la cendre, la flamme, rééd. Paris, Kiron-Éd. du Félin, 2000. – Renseignements Catherine Chaumien et Guillaume Vieira. – Site de l’Association des anciens des services spéciaux de la Défense nationale. – Témoignages.
Jean-Marie Guillon