STOLL Pierre [« SARDA », pseudonyme de résistance]
Né le 27 mai 1922 à Perpignan (Pyrénées-Orientales) ; fusillé le 11 juillet 1944 à Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault) par les GRM ; employé de la SNCF ; résistant (FTPF) des Pyrénées-Orientales.
Stèle de Pierre Stoll, monument commémoratif des fusillés de la Madeleine, au bord de la route de Montpellier à Sète. Le nom a été écrit de façon erronée : "Stroll"
Photographie : André Balent, 13 février 2016
Stoll faisait partie des FTPF depuis novembre 1943. En effet, avec un autre jeune que Georges Sentis (op. cit.) a présenté comme étant issu des Chantiers de jeunesse Joseph Sauri, alias « Soulier », Pierre Stoll alias « Sarda » avait intégré le groupe n° 4 du détachement « Valmy », de la compagnie n° 411 des FTPF opérant dans le secteur de Perpignan et Rivesaltes (Pyrénées-Orientales). Gabriel Hispa plus âgé et le plus expérimenté car il avait participé à la guerre civile espagnole dans les rangs des Brigades internationales était chef de groupe. Comme Hispa, Stoll avait appartenu au réseau AJ-AJ (spécialisé dans le renseignement et le contre espionnage en contact avec le BCRA de Barcelone), avec le docteur Henri Durrieu de Madron qui intégra, lui aussi, les FTPF.
En mai 1944, il manqua de peu d’être arrêté par les Allemands à Estagel (Pyrénées-Orientales). Ces derniers, informés par Jean Martinez, un transfuge du maquis FTPF Henri-Barbusse de Pleus, commune de Cassagnes, (Voir Massé François) surprirent des FTPF. Avec Étienne Bourrel (de Rasiguères, Pyrénées-Orientales), Émile Andrillo d’Estagel, Stoll fit le coup de feu afin de protéger la fuite du groupe par les toits. Le 5 mai, les Allemands opérèrent malgré tout des arrestations à Estagel et à Rasiguères.
Le 24 mai 1944, vers 17 h 45 mn, Joseph Sauri, Roger Menuisier et Pierre Stoll attaquèrent un employé qui transportait de l’argent de la Trésorerie générale (au centre de Perpignan) à la Banque de France. Deux policiers en civil, Albert Forgas et Roger Fabre, qui assuraient la protection de Germain Madern convoyeur de la Trésorerie, tirèrent. le second blessa Roger Stoll qui s’enfuyait, affolé, dans la direction opposée à celle de l’itinéraire de repli convenu afin de gagner le lieu où devait être garée la voiture pilotée par Auriol et s’affaissa. Alertés par les coups de feu, plusieurs Allemands sortirent du Soldatenheim situé à proximité et participèrent à l’arrestation de Pierre Stoll. Immédiatement "interrogé", avec la brutalité que l’on imagine, Stoll parla et livra le lieu de rendez-vous et le signalement de ses compagnons. Dinnat, le responsable technique des FTPF catalans qui avait observé la scène avec Hispa afin de superviser l’action et d’assurer sa protection éventuelle, réussit à échapper à l’arrestation, de même qu’Espana, connu de Stoll et dénoncé par lui. Paul Dinnat a révélé la "trahison" de Stoll à l’issue de la cérémonie commémorative des victimes de la Madeleine de 2009 en présence de plusieurs témoins dont Mme Danièle Arnaud, de l’ANACR de l’Hérault. Un rapport du commissaire principal des Renseignements généraux (RG) de Perpignan (25 mai 1944) destiné au directeur des RG à Vichy avait signalé que, à l’issue de son interrogatoire, Stoll "avait rapidement" indiqué le nom des trois co-auteurs de l’attaque et précisé que la camionnette était la propriété de l’Hôpital de Perpignan. Après leur arrestation, Auriol et Sauri révélèrent aux agents de la Sipo-SD la localisation approximative du dépôt d’explosifs et de matériels de reproduction graphique des FTPF perpignanais. .
En effet, Joseph Sauri, Gabriel Hispa et Roger Menuisier se retrouvèrent près du monument aux morts, toujours à proximité de la Trésorerie. Puis, tous deux s’engouffrèrent dans la voiture du centre hospitalier pilotée par Pierre Auriol, FTPF, agent hospitalier à Perpignan mais finirent par être retrouvés et furent internés à la citadelle de Perpignan entre les mains de la SIPO-SD. Pour sa part, Stoll, blessé, fut hospitalisé à l’hôpital Saint-Jean de Perpignan afin de recevoir, sous surveillance les soins que justifiait son état. Il subit ensuite le sort de ses camarades. Transférés à Montpellier (Hérault), ils furent mis à la disposition de la police française. La cour martiale qui le jugea, lui et ses quatre compagnons à Montpellier le 11 juillet 1944, siégea à l’Intendance de police de la ville. Ses trois membres siégèrent dans le bureau d’Hornus, l’intendant. Comme ses camarades, Stoll fut condamné à mort. Sa conduite face au peloton de GMR fut exemplaire.
Son corps, ainsi que ceux des quatre autres FTP perpignanais exécutés à la butte du champ de tir de Villeneuve-lès-Maguelone en même temps que lui furent inhumés à Perpignan le 27 septembre. L’enterrement – y compris l’absoute en la cathédrale Saint-Jean Baptiste à laquelle eurent droit ces communistes ou sympathisants – de ces cinq victimes donna lieu à une imposante cérémonie à laquelle participèrent le préfet Jean Latscha, Félix Mercader maire de Perpignan et Louis Chargès responsable des anciens combattants.
L’acte de décès fut enregistré à l’état civil de Montpellier (Hérault) et non à celui de Villeneuve-lès-Maguelone. Parmi les actes de décès des seize fusillés de la Madeleine consignés dans les registres de l’état civil de Montpellier, celui de Stoll est le seul qui ne porte pas la mention "mort pour la France".
Un monument édifié près du terrain militaire de la Madeleine, à Villeneuve-lès-Maguelone, route de Sète, perpétue la mémoire des fusillés pendant l’occupation allemande. Les noms des cinq FTPF de Perpignan y figurent. Sur la stèle son nom est orthographié "Stroll". Une autre stèle a été érigée à 300 m de là, sur la butte de tir de la Madeleine ; on y remarque la même orthographe erronée de son patronyme. La mémoire de Pierre Stoll et de ses quatre camarades FTPF est honorée dans l’odonymie perpignanaise par la "rue des fusillés de juillet 1944" dans le quartier de Mailloles.
Voir : Lieu d’exécution de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault)
SOURCES : Arch. dép. Pyrénées-Orientales, 2283 W 66, rapport du commissaire principal des RG de Perpignan au directeur des Renseignements généraux à Vichy, 25 mai 1944 (des copies ont été envoyées au préfet régional de Montpellier et au cabinet du préfet des Pyrénées-Orientales). — Arch. com. Perpignan, acte de naissance de Pierre Stoll. — Arch. com. Montpellier, acte de décès de Pierre Stoll. — Archives privées André Balent : Paul Dinnat, ancien FTPF montpelliérain, responsable technique du triangle de direction des FTPF des Pyrénées-Orientales, militant communiste, Je veux témoigner, récit de ses activités de prisonnier, d’évadé et de résistant pendant la guerre 1939-1945, transcription d’un enregistrement (2003-2004), tapuscrit, 31 p. [p. 25] — Le Républicain, quotidien, Perpignan, 27 septembre 1944, 28 septembre 1944, 27 octobre 1944, 28 octobre 1944. — Danièle Arnaud (retranscrit par), témoignage de Paul Dinnat in Notre Résistance Hérault, bulletin départemental de l’ANACR, septembre 2010. — Jacques-Augustin Bailly, La Libération confisquée. Le Languedoc 1944-1945, Paris, Albin Michel, 1993, p. 43. — Ramon Gual & Jean Larrieu, « Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane », II a, « Els alemanys…fa pas massa temps », Terra Nostra, 91-92, Prades, 1996, p. 200. — Ramon Gual & Jean Larrieu, « Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane », II b, « De la Résistance à la Libération », Prades, Terra Nostra, 93-96, 1998, pp. 925, 941-944. — Georges Sentis, Les communistes et la Résistance dans les Pyrénées-Orientales II, Le difficile combat vers la Libération nationale. Novembre 1942 – août 1944, Lille, Marxisme / Régions, 1985, p. 88-89 ; Les communistes et la résistance dans les Pyrénées-Orientales. Biographies, Lille, Marxisme / Régions, 1994, p. 99. — Courriel de Danièle Arnaud, 5 mai 2017. — Notes de Danièle Arnaud et Barbara Bonazzi.
André Balent