Fusillés sommaires par la Milice, La Bastide (Pyrénées-Orientales), 2 août 1944 : trois Espagnols, victimes civiles et/ou affiliés à l’AGE

La Bastide (Pyrénées-Orientales), dans le cimetière, le carré des fusillés sommaires du 2 août 1944 avec les trois tombes peintes en blanc
La Bastide (Pyrénées-Orientales), dans le cimetière, le carré des fusillés sommaires du 2 août 1944 avec les trois tombes peintes en blanc
Photographie André Balent, 1er mars 2015
La Bastide, vue générale du village
La Bastide, vue générale du village
photographie : André Balent, 21 février 2016
La Bastide, cimetière. Carré des guerrilleros ;
La Bastide, cimetière. Carré des guerrilleros ;
Photographie : André Balent, 26 février 2016
Entre le 1er et le 3 août 1944, les Allemands (l’armée et la douane militarisée) et la Milice attaquèrent les deux maquis (FTPF « Henri-Barbusse") et AGE (Agrupación de guerrilleros españoles) implantés dans le massif du Canigou. Ils détruisirent le village de Valmanya (nom actuel, la commune s’appelait alors Velmanya).
Auparavant, la Milice (deux trentaines des Pyrénées-Orientales et une de l’Aude) acheminée avec des véhicules réquisitionnés (dont des autobus) attaqua par La Bastide et le col Palomera. La colonne de francs gardes était commandée par René Teisseyre, de Perpignan, chef départemental de la Milice des Pyrénées-Orientales secondé par Antoine d’Estève de Bosch (1909-1994), d’Ille-sur-Têt (Pyrénées-Orientales), chef de centaine adjoint de la Franc-garde. Les Miliciens s’étaient regroupés à Vinça en même temps que les soldats allemands (qui attaquèrent Valmanya en remontant la vallée de la Lentilla, par Baillestavy) provenant des garnisons de Perpignan et de Mont-Louis.
Ce fut pendant cette opération que les francs gardes capturèrent près de La Bastide trois ressortissants espagnols, réfugiés de la Retirada et membres de l’AGE (?) : Esteban Alcaina, Josep Ribes Ràfols, Joan Rigat Junca. L’un des trois aurait été réellement un combattant de l’AGE. Les deux autres n’auraient été en fait que des civils de nationalité espagnole. Les trois, cependant, furent revendiqués par l’AGE comme étant membres de leur formation.
Deux d’entre eux, d’après les divers témoignages et dépositions recueillis par la police entre septembre et décembre 1944 auraient été « interrogés » par les miliciens Auguste Vernet et Henri Compagnon (des Pyrénées-Orientales). Les trois furent torturés et mutilés par des francs gardes ayant participé à l’expédition. Les miliciens (des Pyrénées-Orientales) Joseph Vigo (de Pia), Henri Jéru (de Maureillas) et Auguste Vernet (originaire de Catllar) exécutèrent sommairement deux d’entre eux. Mais selon une déposition, les assassins auraient été quatre, les francs gardes Compagnon et Vernet en plus de Jéru et Vigo. Un autre Espagnol a été tué — à 10 heures du matin, selon une déposition — par le franc-garde Riondet, infirmier, d’Amélie-les-Bains. Nous ignorons cependant lesquels parmi les assassins furent, de façon précise, ceux qui fusillèrent Alcaina et ses deux compagnons. Avant leur exécution deux d’entre eux auraient aussi été « accompagnés » par René Teisseyre, chef départemental de la Milice des Pyrénées-Orientales et Hasler, sous-chef de la Sipo-SD. Les trois Espagnols assassinés le furent le soir du 2 août. Ils étaient tous trois immatriculés au consulat d’Espagne (franquiste) de Perpignan ce qui montre bien leur différence de statut avec les maquisards de l’AGE, le plus souvent issus des Groupements de travailleurs étrangers, qu’ils ravitaillaient. Leur exécution sommaire amena le consul d’Espagne à protester avec fermeté auprès du préfet des Pyrénées-Orientales contre les agissements de la Milice.
Les corps des trois fusillés reposent au cimetière de La Bastide. Sur la tombe d’Alcaina, son nom est orthographié de façon erronnée « Alcania ». Au mois d’août, la mémoire des trois fusillés est commémorée en même temps que celle des combats de Valmanya et de la destruction de ce village par les forces allemandes et la Milice (Voir Lieu d’exécution de Valmanya (Velmanya)).
Voir :
ALCAINA GARCIAS Esteban
RIBES RÀFOLS Josep
RIGAT JUNCA Joan
Sources

SOURCES : Arch. dép. Pyrénées-Orientales, 2266 W 67 (RG, dossier Henri Jéru, dépositions diverses auprès de la Police, septembre à décembre 1944) ; 105 W 22 (Cour de Justice de Perpignan, dossier Georges Dagras). — Bulletin d’information de l’Amicale des Anciens guérilleros espagnols en France(FFI), 123, septembre 2011, p. 4. — André Balent,« d’Estève de Bosch Antoine, Jean, Marie », in Gérard Bonet, André Balent, Étienne Frénay, Nicolas Marty, Michelle Ros (dir.), Nouveau dictionnaire de biographies roussillonnaises, 1789-2011, volume I, tome1, Pouvoirs et société, Perpignan, Publications de l’Olivier, 2011, 698 p. [pp. 425-426]. — Ramon Gual & Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, II b, De la Résistance à la Libération, Prades, Terra Nostra, 1998, pp. 602, 611, 918. — Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, I, Chronologie des années noires, Prades, Terra Nostra, 400 p. [pp. 319-320].

André Balent

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