Massacre de 24 personnes dont 15 Juifs commis par la 325e Divison de sécurité de la Wehrmacht appelée aussi Division Brehmer ou Division B, massacre préparé avec la complicité de la milice française de Vichy.

Stèle commémorative du massacre du 30 mars 1944 au lieu-dit la Genèbre, commune de La Bachellerie (Dordogne)
Stèle commémorative du massacre du 30 mars 1944 au lieu-dit la Genèbre, commune de La Bachellerie (Dordogne)
Crédit : MémorialGenWeb
Le département de la Dordogne fut, dès septembre 1939, une terre de refuge pour des milliers de Juifs dont beaucoup étaient majoritairement originaires du Bas-Rhin (notamment de l’agglomération strasbourgeoise) dont la Dordogne était le département de repli et elle était c’était depuis 1943 une terre de maquis.
Le 30 mars 1944, à la Bachellerie, commune d’environ 300 habitants, située à cinq cents mètres de la route nationale n° 89 conduisant de Bordeaux à Lyon, et dans les communes environnantes (Saint-Rabier, Granges d’Ans, Le Lardin Saint-Lazare, Azerat, etc.), une colonne de la Division Brehmer ou division B, 325e division de sécurité de la Wehrmacht, massacrèrent 25 hommes et une femme, dont 15 Juifs exécutés. Ils arrêtèrent 33 femmes et enfants juifs déportés de Drancy à Auschwitz-Birkenau le 13 avril 1944 par le convoi n° 71.
Pour comprendre cet évènement, il faut remonter au 21 mars. Ce jour-là, selon le récit de Bernard Reviriego (cf. sources), « la Milice de Limoges effectue entre 9h45 et 12h30 un coup de main et arrête une dizaine de personnes qu’elle conduit à Limoges. Elles sont relâchées au bout de quelques jours, non sans un avertissement comme quoi les Allemands ne sauraient tarder de revenir. Effectivement, le 30 mars au matin, un détachement de la division Brehmer, composé d’environ 300 à 400 hommes, de camions et de chars légers, se rend à La Bachellerie qu’elle occupe durant quatre jours. Le village est encerclé. Des mitrailleuses et des fusils-mitrailleurs sont installés à chaque issue de la ville. Des soldats sont postés ou cachés à tous les carrefours, dans les fossés. Les opérations sont menées par la Gestapo de Périgueux qui est en possession d’une liste certainement établie avec le concours de Denoix, chef départemental de la Milice dont la femme a été enlevée et exécutée par la Résistance à la mi-mars. »
Un rapport de l’Adjudant Estrade, commandant la brigade de La Bachellerie, en date du 9 novembre 1944 (cf. sources), adressé au Colonel Commandant la 12ème Région Militaire, relate ainsi les atrocités commises par les Allemands dans la circonscription de la brigade. Des passages de ce rapport sont intégrés dans le document des archives du Centre de Documentation Juive Contemporaine (CDJC) référencé dans les sources.
« À l’intérieur de cette ceinture de protection, la Gestapo va pouvoir en tout sécurité, arrêter, piller, incendier, fusiller.
La dévastation est d’ailleurs, plus ou moins grande, selon les équipes qui opèrent. Elles pénètrent aussi dans toutes les maisons fermées dont les occupants sont absents momentanément et prennent surtout la literie, le linge, l’argenterie, les bicyclettes, les postes radio, les conserves alimentaires et boivent le vin.
Un autre groupe de S.S. conduit par un Obersturmführer fait irruption au château de Rastignac vers 9 heures 30. Ils prétendent que " le château est un repaire de deux terroristes" et donnent l’ordre aux propriétaires et au personnel de se rendre dans la cour. Ils y restent plus de deux heures, sans que M. Lauwick soit autorisé à aller chercher un siège pour sa mère âgée de 77 ans.[...] » Le château fut pillé et incendié.
« M. Lauwick poursuit : Lorsque ma mère qui parle allemand a demandé aux officiers qui se trouvaient à La Bachellerie pourquoi on avait mis le feu, aucun n’a pu répondre car les S.S. n’avaient rien trouvé. À aucun moment d’ailleurs on ne m’a fait d’accusation précise : nous étions dénoncés comme terroristes, mais sans preuves.
À la Bachellerie, toutes les personnes arrêtées, y compris les Israélites, sont gardées sous le préau de l’école attenant à la mairie. Parmi elles, se trouve M. Laroche, Moïse, fabricant de galoches qui ne sait pas du tout de quoi on l’accuse. M. Laugénie essaye de montrer aux Allemands que cet homme n’est pas juif, malgré son prénom, qu’il n’est pas communiste et qu’il doit y avoir erreur. Il lui est répondu : "On ne vous demande pas d’explication."
L’adjudant Pailler et le Maréchal des logis-Chef Priouzeau de la brigade de Gendarmerie de La Bachellerie sont également conduits sous le préau de l’école. Ils sont accusés de ne pas avoir sévi assez énergiquement contre le maquis.
M. Michel, Marcel, Sénateur de la Dordogne, ancien Maire de la Bachellerie, démissionné (sic) par le gouvernement de Vichy est conduit également sous le préau. Les Allemands perquisitionnent dans sa maison, mais ne trouvent rien. Ils épargnent celle-ci momentanément. Le surlendemain, à 2 heures environ, la maison est brûlée.
Sous le dit préau se trouvent ainsi réunis, treize hommes, seize femmes ou jeunes filles et douze enfants. La plupart de ceux-ci sont très déprimés car ils ne se font plus d’illusion sur le sort qui les attend.
Vers 15 heures, les femmes et les enfants juifs sont conduits dans un pré. Peu de temps après, ils sont rejoints par M. Michel. Ensuite, l’adjudant Pailler et le Maréchal des Logis/Chef Priouzeau sont provisoirement libérés, ayant comme recommandation de surveiller sévèrement les "terroristes".
Arrestations – Pillages – Incendies
Les Allemands ont des listes qui semblent comprendre :
a) Les communistes ou supposés tels,
b) Les israélites,
c) Les ressortissants anglais,
d) les gens soupçonnés d’aide aux "terroristes".
Ils occupent la mairie, contrôlent leurs listes, font sortir le maire (Président de la Délégation Spéciale) et lui ordonnent de rester à la porte, à leur disposition.
Ils requièrent, pour les aider, M. Laugénie, René, prisonnier de guerre, rapatrié et Gerst, Maurice, israélite, réfugié, qui, l’un et l’autre parlent l’allemand.
Ceux qui, maintenant, essaient de fuir sont repris, notamment les familles Schinkel et Grün.
En tête d’une liste figure le nom de Faucher, Henri, suivi de la mention "chef communiste, fondateur de la cellule."
Sa maison est fermée, les Allemands enfoncent la porte, perquisitionnent et saisissent, prétendent-ils, des documents prouvant une participation à l’action communiste. Ils mettent le feu et disent "C’est la maison de Staline qui brûle."
Au garage Lafarge, situé sur le bord de la route nationale n° 89, ils arrêtent le père et le fils, coupables à leurs yeux, d’avoir réparé les autos des "terroristes"
Au hameau de Muguet, ils fouillent pendant environ une heure la maison de Laroche, Guillaume, retraité de la S.N.C.F. et trouvent, paraît-il, deux revolvers, un drapeau rouge, un ouvrage d’inspiration communiste.
M. Laroche et sa femme sont emmenés en voiture à la mairie, avec MM. Lafarge père et fils (Mme Lafarge n’y sera d’ailleurs pas retenue longtemps).
En passant devant la maison Faucher, incendiée, et en se retournant, Laroche peut voir la sienne qui brûle également.
Chez Lafarge, la maison et la grange seront incendiées dans l’après-midi.
Dans l’après-midi, au bourg, une des premières où se rendent les S.S. est celle de M. Perrot, Georges, cordonnier. Comme ils y trouvent personne, ils se mettent à déménager tout ce qui a quelque valeur : cuir, chaussures en bon état, outils, machine à piquer, vaisselle, linge, poste de radio, accordéon, etc.… et saccagent littéralement l’appartement.
En face se trouve la maison habitée par la famille Schinkel. Le père et la mère sont partis, il y a une heure, emmenant deux de leurs enfants, les trois autres étant absents momentanément. Furieux de trouver la maison vide, les Allemands veulent l’incendier, ils s’en prennent même aux propriétaires et les menacent de leurs mitraillettes.
L’interprète Laugénie réussit à les apaiser en leur disant que les propriétaires de cette maison sont des parents du chef départemental de la milice.
Des S.S. se rendent dans toutes les maisons habitées par les juifs. Ils veulent incendier les maisons, Laugénie parvient à les en empêcher en leur expliquant que les juifs ne sont pas les propriétaires et que les logements qu’ils occupent ont été réquisitionnés pour eux en 1939. Ils conduisent à la mairie, hommes, femmes, enfants, après leur avoir donné quelques minutes pour se préparer. En tout : six hommes, seize femmes ou jeunes filles, douze enfants.
Presque tout est pillé, tout ce qui n’est pas pris est détruit et laissé dans un désordre indescriptible dans les maisons : fourneaux et meubles renversés, vêtements répandus sur les planchers, matelas et couettes éventrés, linos lacérés, bouteilles et vaisselle cassées, linge souillé.
Fusillades
Les 10 hommes qui sont restés sous le préau sont emmenés au-dessus du lieu-dit "La Genèbre", en traversant la localité.
Ce sont : Lafarge, René, 58 ans - son fils Lafarge, Jean, 35 ans, Laroche, Moïse, 40 ans, Laroche, Guillaume, 62 ans, Acsel, Marcus, 48 ans, Apelgot, Mendel, 46 ans, Gold, Rubin, 72 ans, Netter, Charles, 46 ans, Vogelhut, Charles, 15 ans, et son frère Vogelhut, Marcel, 14 ans.
Des maisons du bourg tournées vers l’Ouest, des personnes ont pu voir le lent, très lent cheminement des pauvres condamnés qui avaient à gravir un chemin montant comme un calvaire et qu’accompagnaient seulement deux tueurs de la Gestapo.
Arrivés à la lisière du bois qui se trouve en haut d’un pré, au-dessus de la Genèbre, ils sont disposés sur un rang. Presque aussitôt, on commence à abattre ceux de gauche d’un coup dans le dos, côté du cœur, un flottement se produit sur la droite, immédiatement, le massacre se fait aussi par ce côté.
M. Meckel, propriétaire à la Genèbre, déclare à ce sujet : "Jamais je n’oublierai l’horrible vision de ces hommes tombant en avant, sans un cri, comme au jeu de boules et toute ma vie je verrai ce tragique spectacle dans mes cauchemars."
Le nommé Gerst, Maurice, 25 ans, qui, après avoir servi d’interprète aux Allemands toute la journée, est à son tour fusillé au lieu-dit "Le Moulin de Muguet."
Les israélites Borenststejn Szulin Julien, Grün Naphtalie et Schinkel Nathan qui avaient tenté d’échapper au supplice, sont repris et fusillés : le premier, sur le territoire de la commune de Saint-Rabier, les deux autres, au cimetière d’Azerat. Le bilan de la journée du 30 mars 1944 se chiffre ainsi à 14 personnes de La Bachellerie, fusillées. À ce chiffre doit y être ajoutés trois hommes de la commune d’Azerat, fusillés sur le territoire de la commune de Saint-Rabier, il s’agit de MM. Coulon, maire, Lacoste, secrétaire de mairie et Bonnefond, facteur P.T.T.
Internements
Le soir de cette journée tragique, vers 18 heures, M. Michel et les personnes qui étaient rassemblées dans le pré sont chargés dans des camions où se trouvaient déjà M. Lauwick, sa sœur Mme Fearweather et le fils de celle-ci. Toutes ces personnes sont ensuite emmenées à la caserne Daumesnil à Périgueux.
Là, elles doivent subir de nombreux interrogatoires et un bon nombre d’entre elles s’évanouissent sous les coups portés par les boches.
Trois jours après, la famille Lauwick est relâchée, puis M. Michel revient un mois après, tandis que les personnes de confession juive disparaissent sans qu’il soit possible de retrouver de traces.
31 mars 1944
L’opération de police continue, toujours à La Bachellerie, mais surtout et en même temps aux environs.
À La Bachellerie
M. Bienaise, président de la délégation spéciale de la Commune et le M.D.L./Chef Priouzeau, lequel avait été relâché la veille, sont arrêtés et conduits également à la caserne Daumesnil.
Le premier n’y restera que 15 jours, tandis que le second y reste un mois puis sera transféré en Allemagne, où il est interné au camp de Weimar.
Le MDL/Chef Priouzeau est décédé au camp de Dora (Allemagne) le 17 mars 1945. […]
À Saint-Rabier
Sont fusillés :
1° Duteil, Jules, 39 ans, ouvrier d’usine, père de 5 enfants, à qui les Allemands reprochaient, parait-il, d’être communiste. Avant d’être fusillé, il a été sérieusement maltraité.
2° M. Moumaneix, Marcel, 44 ans, secrétaire de mairie, père de six enfants, à qui les Allemands reprochaient la délivrance de fausses cartes aux personnes susceptibles d’être inquiétées.
3° Mme Elefant, Léa, 39 ans, réfugiée polonaise, de confession israélite, mère d’une fillette de quatre ans, dont le mari a disparu depuis 1940. Il lui était reproché, parait-il, d’utiliser une carte d’identité de française.
Après avoir fusillé les personnes précitées, les maisons qu’elles occupaient sont incendiées. La femme Moumaneix qui n’était accouchée que depuis 3 jours est mise dans l’obligation de se lever et de fuir après avoir été mise au courant de la mort de son mari.
Afin de faire disparaître probablement les traces de leurs orgies, la femme Elefant, après avoir été mitraillée, a été jetée dans le brasier des ruines de la maison qu’elle habitait.
À Granges d’Ans
Les nommés Grunbaum et Cohen, de confession israélite sont arrêtés, conduits à Azerat et fusillés dans le cimetière de cette commune
[le 1er avril 1944]. M. Cohen était amputé du bras droit et de la jambe droite, chevalier de la Légion d’Honneur et pensionné à 100% pour fait de guerre (14/18)
Au Lardin [Saint-Lazare]
M. Haupinot, Georges, 38 ans, hôtelier, est fusillé sur la commune de Condat-sur-Vézère, soit disant pour avoir hébergé des "terroristes". Son hôtel est pillé de fond en comble.
La maison de M. Mouney, dans laquelle avait logé M. Daunois, docteur en médecine et soupçonné d’appartenir à la résistance, est démolie à coups de canon.
Le 1er avril 1944
Les cadavres des personnes qui ont été fusillées dans la région de La Bachellerie, sont inhumés sur place, selon les ordres des Allemands qui s’opposent catégoriquement à l’inhumation au cimetière et suivant les formalités d’usage. […]
 »
Ces massacres, à La Bachellerie et dans les communes environnantes du 30 mars au 2 avril 1944, firent donc au total 24 victimes dont 15 juifs :
Acsel Marcus, Apelgot Mendel, Bonnefont Louis, Borenststejn Szulin Julien, Cohen Joseph, Coulon Émile, Dutheil Jules, Élefant Léa, Gerst Marius, Gold Rubin, Grün Naphtalie, Grunbaum Tobias, Kahn René, Khantine Pierre, Lacoste Constant, Lafarge Louis, René, Lafarge Jean, Laroche Guillaume, Laroche Moïse, Moumaneix Marcel, Netter Charles, Schenkel Nathan, Vogelhut Charles, Vogelhut Marcel*.
Voici les noms des trente-trois juifs déportés emmenés à Périgueux, transférés à Drancy le 4 avril puis déportés à Auschwitz-Birkenau par le convoi 71 le 13 avril 1944. :
28 déportés sans retour
Acsel Salomon René 12 ans,
Acsel Suzanne 35 ans
Apelgot Élisabeth 15 ans
Apelgot Hinda 46 ans
Borensztejn Laja 49 ans
Elefant Betty 6 ans
Gerst Liliane 2 ans
Gerst Régine 29 ans
Gold Mirla 68 ans
Krieger Colette 6 ans
Krieger Rosa 10 ans
Krieger Sara 39 ans
Grun Marie 57 ans
Grun Isidore 14 ans
Lichtensztejn Chana 35 ans ,
Lichtensztejn Maurice 7 ans
Netter Adrienne 35 ans
Netter Monique 8 ans
Netter Yves 12 ans
Schenkel Alfred 7 ans
Schenkel Cécile 14 ans
Schenkel Esther 46 ans
Schenkel Isaac 12 ans
Schenkel Jacques 11 ans
Schenkel Maurice 9 ans
Scher Sala 8 ans
Schupak Ida 42 ans
Schupak Paul 9 ans
Il y eut 5 rescapés :
Apelgot Sonia 20 ans
Borensztejn Golda 28 ans
Borensztejn Jochwet 26 ans
Vogelhut Bella 41 ans
Vogelhut (future épouse Krenik) Sabine 17 ans
Ainsi, à La Bachellerie, convergent répression et pratique génocidaire.
La 325e Division de Sécurité était placée en principe sous le commandement du Generalleutenant Hans Freiherr von Boineburg-Lengsfeld. Mais en mars 1944, ce fut sous le commandement de son adjoint, le généralmajor Walter Brehmer (1894-1967), qu’elle fut engagée pour réduire les forces du maquis de la région Centre-Ouest de la France, particulièrement actives en Périgord et en Limousin, sécuriser la région par une politique de terreur et de représailles contre les maquisards capturés et contre la population civile accusée de les soutenir, notamment les Juifs, ceci en coopération avec la Milice. Ces exécutions sommaires et ces massacres furent monnaie courante au printemps 1944 sur tout le territoire français. Ils témoignèrent d’une brutalisation de la répression souvent décrite comme découlant de l’importation à l’ouest de pratiques banales sur le front de l’Est depuis 1941, et souvent par des unités qui, à l’instar de la 2e Panzer Division SS Das Reich, furent retirées du front russe pour être affectées en France où elle se reconstituaient et se préparaient à affronter les forces alliées à l’approche d’un débarquement dont personne ne doutait qu’il fût imminent. Notons cependant que la 325e Division de Sécurité ne fut pas transférée mais fut constituée en mai 1943 pour assurer la défense du Gross Paris. Certes, il est probable qu’une partie importante de ses effectifs a connu le front russe et ses pratiques expéditives, notamment les Géorgiens du 799e Bataillon, prisonniers soviétiques enrôlés dans la Wehrmacht. Les opérations menées par cette unité de la Wehrmacht étaient placées sous la direction d’éléments SS de la Sipo-SD de Lyon et de Limoges. Du 26 mars au 19 avril 1944, la division Brehmer mit à feu et à sang les départements de la Dordogne, de la Corrèze et de la Haute-Vienne. Les victimes furent des maquisards, mais aussi des habitants tués en représailles, et parmi eux, à l’instar des massacrés de la Bachellerie, les communistes et les juifs étaient les cibles prioritaires, l’incarnation du judéobolchevisme, la figure centrale de l’ennemi dans l’imaginaire nazi. Ces événements illustrent l’augmentation exponentielle de la répression extrajudiciaire en 1944.
Les directives du haut-commandement de la Wehrmacht incitèrent les chefs d’unité à se montrer impitoyables. L’ordonnance Sperrle promulguée le 12 février 1944 prescrivait à la troupe de « répondre immédiatement par le feu quand elle serait attaquée par la résistance française. Selon cette instruction, si l’on atteignait des civils en ripostant par le feu, ce fait serait regrettable, mais serait exclusivement la faute des "terroristes". Si les tirs provenaient d’un bâtiment, les soldats devaient incendier cette maison. […] Dans la situation actuelle, il n’y a pas de raison de sanctionner le chef d’une unité qui imposerait des mesures trop sévères. Au contraire, il faudra punir un chef trop souple, car il met la sécurité de ses hommes en danger. » (Peter Lieb, op.cit.)
L’ordonnance Sperrle fut complétée le 4 mars par un ordre du maréchal Wilhelm Keitel selon lequel les francs-tireurs capturés avec une arme à la main devaient être fusillés et non plus livrés aux tribunaux militaires.
Le général Brehmer suivit la Wehrmacht dans sa retraite et fut le dernier commandant du Gross Berlin en avril 1945. Capturé par les Soviétiques, il ne rentra en Allemagne qu’en 1955. En 1960, des poursuites pour crimes de guerre furent ouvertes à son encontre, mais il décéda à Hambourg le 19 septembre 1967 avant d’avoir pu être jugé.
À La Bachellerie, des noms de lieux (Place du 30 mars, rue des Martyrs) et une stèle élevée à la mémoire des Juifs déportés entretiennent le souvenir des évènements des 30-31 mars 1944.
En 2014, L’écrivain Jean–Marc Parisis publia un récit intitulé Les inoubliables consacré à la remémoration de ces crimes, un voyage dans le temps commencé devant la photographie des cinq enfants Schenkel déportés sans retour avec Esther, leur mère.
Sources

SOURCES : Peter Lieb, Répression et massacres. L’occupant allemand face à la Résistance française, 1943-1944, in Gaël Eismann et Stefan Martens, (dir), Occupation et répression militaire allemande, 1939-1945, la politique de maintien de l’ordre en Europe occupée, Paris, Éditions Autrement-Institut historique allemand, 2007, p. 169-185. — Guy Penaud, Les crimes de la division Brehmer, Périgueux, 2004, Éditions La Lauze, p. 211-217. — Bernard Reviriego, Les Juifs en Dordogne, 1939-1944, Périgueux, Editions FANLAC et Archives départementales de la Dordogne, 2003, p. 229-232 ; 243-245. — Paul Grelière, La commune de La Bachellerie pendant l’Occupation allemande, 1944, récit daté du 29 septembre 1944, Archives du Centre de Documentation juive contemporaine (CDJC), document XI°-35. Ce document est référencé in Bernard Reviriego, op. cit., p. 244, note 471 : relations de 21 pages datée du 29 septembre 1944, non signée, Arch. Dép. de Dordogne, 1573 W 8. — Jean-Marie Pouplain, Les chemins de la honte, itinéraire d’une persécution, Deux-Sèvres 1940-1944, La Crèche, Geste éditions, 2000. — Michel Chaumet, Surveillance et fuite, les Juifs de Niort en 1942, 2015, archives privées D. Tantin. — Jean-Marc Parisis, Les inoubliables, récit, Paris, Flammarion, 2014. — Martial Faucon, Les enfants martyrs de La Bachellerie ou l’un des plus odieux crimes nazis en Périgord, Memoria Edition, 2009.

Internet (pages consultées le 29/10-2015) :
-  judaisme.sdv [on peut y consulter le "Rapport de Gendarmerie de La Bachellerie, du 9 novembre 1944 » qui relate avec précision le massacre du 30 mars 1944.]
-  memorial des juifs déportés
-  La bachellerie Périgord
-  325 division de sécurité
-  Walter Brehmer
-  Le Périgord dans la Sde GM

Dominique Tantin

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