Né le 12 avril 1865 à Les Vans (Ardèche) ; exécuté sommairement le 1er septembre 1944 au camp de Natzweiler-Struthof, à Natzwiller (Bas-Rhin) ; armateur ; maire de La Rochelle ; résistant réseau SR Alliance.

Léonce Vieljeux
Léonce Vieljeux
Crédit : wikicommons
Léonce Vieljeux était le fils d’Auguste Barthélemy, conducteur des Ponts et Chaussées, âgé de 33 ans et descendant d’une vieille famille huguenote cévenole, et de Françoise Pauline Céline Irène Rosa Saujon, sans profession, âgée de 24 ans. Après des études secondaires au lycée de Tournon (Ardèche), il prépara et intégra en 1886 l’Ecole militaire spéciale de Saint-Cyr. A sa sortie de l’école en 1888, il fut affecté comme officier au 123ème régiment d’infanterie à La Rochelle (Charente-Maritime). En 1891, il épousa Hélène Delmas fille de l’armateur rochelais Franck Delmas. Ils eurent trois enfants, Pierre, Christian et Madeleine. Dès 1895 il quitta l’armée pour entrer à la compagnie d’armement « Delmas Frères » dont il prit la présidence et qui devint alors la Compagnie Delmas-Vieljeux. Devenu un notable rochelais, il entra dès 1912 au conseil municipal, représentant influent des milieux coloniaux.
Rappelé dans l’armée dès le début du conflit, en août 1914, à l’âge de 49 ans, il fut affecté comme officier d’Etat-Major à la 92ème division d’infanterie territoriale avec le grade de capitaine. En juillet 1915, promu chef de bataillon, il fut affecté au 28ème Régiment d’infanterie. Blessé en Argonne, il rejoignit à nouveau le front en 1916, devenu commandant, au 111ème Régiment d’infanterie. En février 1918, il fut nommé lieutenant-colonel. Cité à plusieurs reprises à l’ordre de la brigade, de la division et de l’armée, il fut fait chevalier de la Légion d’Honneur puis officier en 1920.
Il reprit après la guerre son activité de chef d’entreprise, créant en 1920 la Société française du Cameroun à Douala, la Compagnie coloniale de la Côte d’Ivoire à Abidjan, développant des plantations de café et de cacao ainsi que des chantiers forestiers qui alimenteront le port de La Rochelle. Dans cette ville, en 1922, la Compagnie Delmas-Vieljeux créa des chantiers navals dans l’avant-port de La Pallice. En 1930 devenu vice-président du Comité national des armateurs de France, âgé de 65 ans, il fut élu maire de La Rochelle à la tête d’une liste républicaine d’Union et de Défense des intérêts rochelais. Il fut réélu en 1935.
Opposé aux accords de Munich en septembre 1938, il déclara alors dans un discours : « Le peuple de France n’a pas voulu voir qu’au-delà du Rhin et au-delà des Alpes on s’armait fiévreusement… Ces chemins nous ont conduits, il y a un mois, à Munich pour signer une des pages les plus tristes de notre Histoire. Si nous ne les abandonnons pas courageusement, ils conduiront demain nos fils dans les cimetières comme celui que nous inaugurons et ils mèneront aussi au suicide de la France »
A l’arrivée des allemands le 23 juin 1940, il s’opposa à l’officier qui voulait faire hisser le drapeau sur l’hôtel de ville en faisant la réponse suivante : « Colonel dans l’armée française, maire d’une grande ville, mon honneur d’officier et ma dignité m’interdisent de discuter avec un officier subalterne, même s’il appartient à une armée victorieuse. Je n’exécuterai des ordres que s’ils émanent d’un officier allemand ayant un grade au moins égal au mien ». Le drapeau à croix gammée fut hissé le soir même mais Léonce Vieljeux s’opposa dès lors comme il le put aux exigences de l’occupant.
Le 20 septembre 1940, il refusa après le bombardement de Mers-el-Kebir, de faire apposer sur les murs de La Rochelle une affiche anti-anglaise arguant « qu’une telle obligation n’est pas prévue dans les clauses de l’armistice ». Il fut destitué de ses fonctions le 27 septembre 1940 par le préfet à la demande des autorités allemandes. La poursuite de ses actes de résistance le fit expulser de La Rochelle et du département en juin 1941, assigné à résidence chez sa fille, près de Jarnac (Charente). Revenu en novembre, la mesure d’expulsion étant levée, il s’occupa officiellement du Secours National et de la Solidarité rochelaise. Dans le même temps il s’engagea clandestinement dans la Résistance au sein du réseau SR Alliance. Il entraîna avec lui ses proches (ses neveux Jean Chapron et Franck Delmas, son petit-fils le pasteur protestant Yann Roullet), de nombreux membres du personnel de son entreprise (dont Joseph Camaret, et Franck Gardes) ainsi que des membres de la communauté protestante picto-charentaise dont il était membre, communauté restée largement fidèle à la République (Etienne Girard). Le réseau était sous la responsabilité de Christian De la Motte Rouge agent principal du secteur de La Rochelle, région Sud-Ouest « Hangar », et il avait principalement pour objectif la surveillance de la côte atlantique et en particulier la surveillance du trafic de l’importante base de sous-marins de La Rochelle.
Il fut arrêté par la Gestapo le 14 mars 1944 avec ses neveux Frank Delmas et Jacques Chapron ainsi que Joseph Camaret, ingénieur en chef des chantiers Delmas-Vieljeux, et emprisonné à La Rochelle à l’hôpital psychiatrique de Lafond (transformé par les Allemands en prison). Il fut transféré le 23 mars à la prison de la Pierre Levée à Poitiers (Vienne). Selon un témoignage recueilli en 1994 (Guy Rousseau. journal Sud-Ouest. 15 avril 1994) : « Sur le trottoir du quai Valin j’ai croisé Léonce Vieljeux, menotté et encadré par deux feldgendarmes. J’ai compris que les Allemands l’emmenaient à la gare …je suis remonté en courant vers la gare et je suis allé voir le chef de gare…Tous les cheminots sont venus sur le quai. Et nous avons fait une haie d’honneur à notre maire ». Il fut ensuite transféré puis à Fresnes (Seine, aujourd’hui Val-de-Marne) et déporté sous la classification "NN" ("Nacht und Nebel"-"Nuit et Brouillard") à destination du camp de Schirmeck (Bas-Rhin), où il arriva par le convoi du 29 avril 1944 et fut interné au block 10 avec tous les hommes du réseau, les femmes étant emprisonnées au garage.
Devant l’avance alliée, les 106 membres du réseau Alliance détenus à Schirmeck, dont Léonce Vieljeux furent, sur ordre du Haut commandement de la Wehrmacht (OKW) à Berlin, transférés en camionnette par fournées de 12 vers le camp de concentration du Struthof, où ils furent dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944, abattus d’une balle dans la nuque à la chambre d’exécution puis incinérés directement dans le four crématoire du camp, situé dans le même bâtiment.
Il fut déclaré "Mort en déportation" par arrêté du 28 janvier 2002 et "Mort pour la France".
Son nom figure sur les monuments aux morts de La Rochelle et des [Les] Vans (Ardèche), sur la plaque commémorative "Aux écrivains morts pour la France", au Panthéon, à Paris et sur la plaque commémorative du réseau S.R. Alliance au camp de concentration du Struthof, à Natzwiller (Bas-Rhin). Le 23 juillet 1948 fut apposée en présence du général De Gaulle, sur l’hôtel de ville de La Rochelle une stèle en l’honneur et à la mémoire de Léonce Vieljeux.
Un collège des Vans (Ardèche) et un lycée ainsi qu’une rue de La Rochelle portent également son nom.
Sources

SOURCES : Marie-Madeleine Fourcade "L’Arche de ¨Noé" Fayard 1968 — Livret Léonce Vieljeux. Mairie de La Rochelle. 2014La Rochelle 1939 -1945 ouvrage collectif sous la direction d’Annick Notter, accompagnant l’exposition du musée des Beaux-Arts de La Rochelle de mai à novembre 2015, Geste Ed. 2015 — Wikipédia : Biographie Léonce Vieljeux , "Réseau Alliance" et "camp de concentration de Natzweiler-Struthof". — MémorialGenWeb. — "Geneanet". — État civil.

Jean-Louis Ponnavoy, Michel Thébault

Version imprimable