Le 27 juin 1944 l’encerclement et l’attaque par les forces d’occupation d’un maquis situé au sud de Poitiers (Vienne), sur les communes de Saint-Sauvant et Celle-Lévescault entraîna la mort de 31 maquisards tués au combat ou exécutés sommairement.

Plaque commémorative de Vaugeton
Plaque commémorative de Vaugeton
Carlos Fernandez op.cit.
Dans les derniers mois de l’année 1943, des groupes de résistants liés aux FTPF se mirent peu à peu en place dans le secteur de Rouillé (Vienne) et les villages alentours (Saint-Sauvant, Sanxay …). Un comité de la Résistance également lié aux FTP se créa clandestinement à Rouillé autour d’André Cheminée, Georges Debiais, Camille Lombard et Marcel Papineau. Ces groupes menaient la nuit des actions de sabotage et de harcèlement des troupes allemandes sur les routes et voies ferrées.
Dans la nuit du 10 au 11 juin 1944, les maquis FTPF de la région obtinrent l’ouverture après l’avoir encerclé, du camp d’internement de Rouillé (Vienne) faisant s’évader 47 internés politiques et "indésirables étrangers". Ce camp ouvert en septembre 1941, sous la dénomination de « centre de séjour surveillé » regroupait avant sa libération 379 internés, dont des « politiques », communistes, républicains espagnols et des « indésirables » étrangers, arméniens, russes, italiens… des droits communs complétant les effectifs. Après la libération du camp, un groupe d’internés d’origine étrangère pour la plupart (dont une vingtaine de républicains espagnols) décida de rejoindre les rangs de la Résistance. Ils formèrent avec des maquisards français, réfractaires du STO ou évadés de l’Hôtel-Dieu de Poitiers un maquis FTP sous les ordres de Marcel Papineau, alias « capitaine Bernard ». Le maquis s’établit d’abord dans le bois des Cartes sur la commune de Rouillé, puis après un accrochage sérieux le 14 juin sur la place de Rouillé avec les troupes allemandes circulant sur la route nationale Poitiers – Niort, dans la forêt de Saint-Sauvant. Le maquis s’établit près d’une ferme abandonnée au lieu-dit La Branlerie, qui servit de quartier général et de lieu de détention pour les soldats allemands faits prisonniers lors des accrochages sur les axes routiers du secteur. De nouveaux effectifs renforcèrent le groupe (étudiants poitevins, gendarme Paul Fergeault …). Marcel Papineau tenta de l’organiser militairement confiant les étrangers à un réfugié espagnol, Urbistondo et les français au gendarme Fergeault promu lieutenant. Le manque d’armes et de munitions devait être comblé par un parachutage espéré fin juin dans le secteur.
Les forces d’occupation inquiètes de la libération du camp de Rouillé et du passage au maquis d’éléments considérés comme dangereux, et surtout de la capture de soldats allemands et de la menace que faisait courir le maquis à la sécurité de la circulation sur des axes stratégiques pour l’armée allemande (RN 10 et 11 vers Angoulême et Niort, et vers le sud-ouest) lancèrent une vaste opération de renseignements. L’intervention des services de renseignements allemands, appuyés par les inspecteurs de la SAP de Poitiers, des indicateurs et collaborateurs locaux et l’utilisation d’avions d’observation permit de localiser le maquis. Malgré les multiples informations annonçant une action prochaine, les dirigeants locaux de la Résistance tardèrent, dans l’espoir d’un parachutage d’armes imminent, à ordonner le départ et la dispersion du maquis.
Le 27 juin 1944 une forte colonne motorisée estimée à 2 000 hommes, guidés par les miliciens et le SD. et composée d’éléments du 80e corps d’armée de la Wehrmacht du général Von Gallenkampf et de la « section rapide 608 » chargée du maintien de la sécurité des communications et de l’encadrement des colonnes de représailles contre les maquis, encercla la forêt de Saint-Sauvant, investissant les villages voisins, procédant à des perquisitions et arrestations (plusieurs personnes furent déportées) La bataille commencée à 7 heures du matin fut terminée à 9 heures et le ratissage de la forêt se poursuivit jusqu’à 16h 30. La ferme de la Branlerie fut incendiée et les prisonniers allemands libérés. Cinq maquisards furent tués dans le combat ou lors du ratissage de la forêt qui s’en suivit. 25 maquisards à court de munitions furent capturés en tentant de fuir ou durent se rendre. Les corps des 5 maquisards tués furent transportés au PC des forces allemandes au carrefour de Vaugeton ainsi que les 25 maquisards prisonniers. Conformément aux ordres constants du commandement allemand concernant les « francs-tireurs », le statut de prisonniers de guerre ne leur fut pas reconnu ; après avoir été frappés et maltraités, ils furent exécutés sommairement en fin d’après-midi, vers 18 h 30.
A l’issue des opérations militaires, l’officier allemand commandant les troupes convoqua le maire de Celle-Lévescault pour lui ordonner d’enterrer les morts. Le maire fit alors appel aux maires des communes voisines de Lusignan et Saint Sauvant pour se répartir les 30 corps (le cimetière de Celle-Lévescault en accueillit treize, celui de Lusignan huit et celui de Saint Sauvant neuf).
En 1946, un monument avec une stèle (financé sur fonds publics avec l’aide du Souvenir français) fut dressé à Vaugeton « à la mémoire des glorieux soldats sans uniforme tombés à cet endroit le 27 juin 1944 pour la Paix et la Liberté. Massacrés par les nazis, ils sont morts pour la France et la Liberté ». Sur cette plaque sont inscrits 31 noms :
Kléber Bernajous, Marcel Bessac, Lucien Botton, Rufino De La Fuente, Guido Faelli, Paul Fergeault, Jacques Fontanot, Manuel Freire, Louis Gomez, Gilbert Hanot, Juan Hernandez, Jean Hoët, Henri Krug, René Margueritat, Louis Marty, Santiago Marruedo Fraile, Raphaël Massa, Victor Nemery, Serge Noyer, Marcel Papineau, Honorio Perez, Jean Porge, Jean Queralt, Yves Rinault, Riccardo Rojas, Vincent Rosell, Ugo Rossi, Angel Sanchez, Antoine Serra, Paul Thomoux, Vahridj Vadjaraganian.
Cependant cette liste comprend une erreur. Le nom de Santiago Marruedo-Fraile avait été gravé sur la stèle, or il ne fut pas tué à Vaugeton. Les recherches de Carlos Fernandez et Tiphaine Catalan ont permis d’établir qu’il combattit ensuite dans un maquis de la Vienne et que, naturalisé français en 1948, il vivait à Nantes entre 1955 et 1976. Santiago Marruedo-Fraile a été homologué Interné résistant et FFI. Santiago serait revenu en région parisienne après la libération, et à Vaugeton parmi les fusillés se serait peut-être trouvé Francisco Marruedo. L’acte de décès n° 41 enregistré dans le registre de décès de Saint-Sauvant, le 30 juin 1944, a vu le nom de Marruedo Jacques barré et remplacé par la mention Inconnu. Les recherches se poursuivent pour identifier cet Inconnu.
Par ailleurs la liste comprend le nom de Marcel Papineau, absent du maquis au moment de l’attaque et qui semble avoir voulu le rejoindre. Des témoignages postérieurs affirmèrent qu’il était mort au combat en voulant porter secours à ses hommes. Son dossier militaire indique quant à lui : « fait prisonnier le 27 juin 1944 et fusillé ». Son corps fut retrouvé le lendemain 28 juin près de la ferme du Chêne sur la commune de Lusignan à la limite des communes de Rouillé et Saint Sauvant à l’écart du lieu du combat. il fut inhumé à Lusignan avec huit victimes du massacre.
En 1947, une croix calvaire, payée et bénie par l’Église, fut élevée de l’autre côté de la route. En 2011, des stèles ont été mises en place dans les trois cimetières qui ont accueilli les victimes. Tous les ans une cérémonie est organisée en leur mémoire.
Sources

SOURCES : Témoignage André LombardTémoignage Camille Lombard — Véronique Rochais-Cheminée le camp de Rouillé dans la mémoire trouble des camps poitevins 1940 - 1948 Revue d’Histoire du Centre-Ouest Tome XII, 1er semestre 2013 — site internet VRID (Vienne Résistance Internement Déportation) — Mémorial genweb — Liste des exécutés établie par Guy Dribault, président de l’Association pour la mémoire de la Résistance, de l’Internement et de la Déportation en pays Mélusin. — Carlos Fernandez, De la Guerre d’Espagne...à la Résistance, Nantes, Comité départemental du souvenir des fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure, 2010.

Michel Thébault

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