Né le 23 juin 1882 à Saint-Félix-de-Lunel (Aveyron), abattu le 16 août 1944 à Entraygues-sur-Truyère (Aveyron) ; résistant (MUR/AS) d’Entraygues-sur-Truyère.

Stèle érigée sur le lieu de la mort d'Albert Castanié, le 16 août 1944
Stèle érigée sur le lieu de la mort d’Albert Castanié, le 16 août 1944
Photographie André Balent, 14 août 2016
Plaque apposée sur la stèle en l'honneur d'Albert Castanié, sur les lieux mêmes de sa mort en amont d'Entraygues et en aval de Golinhac
Plaque apposée sur la stèle en l’honneur d’Albert Castanié, sur les lieux mêmes de sa mort en amont d’Entraygues et en aval de Golinhac
Photographie : André Balent, 14 août 2016.
Texte gravé : "F.F.I. En souvenir de notre Chef Albert Castanié tombé ici sous les balles allemandes. Ses camarades de combat du groupe de sécurité nationale".
Albert Castanié naquit à Carboniès, une ferme isolée de la commune de Saint-Félix-de-Lunel, à une trentaine de kilomètres de Rodez. C’était le fils de Bazile (sic) Castanié cultivateur à Carboniès et d’Albine Domergue âgés respectivement de quarante-six et trente-quatre ans en 1882.
Après son service militaire, il s’installa à Paris pour vendre du charbon puis ouvrit un café à Montmartre, fréquenté par des artistes. Marié le 25 août 1908 à Paris (9e arrondissement) avec Marie-Adèle Pradalié, originaire d’Entraygues-sur-Truyère, il eut deux enfants à vingt-deux ans de distance. L’aîné rompit les liens avec sa famille et ses racines rouergates ; le second, ouvrier puis contremaître dans l’industrie automobile (Renault), les cultiva.
Albert Castanié acquit une maison à Entraygues où il venait régulièrement passer des vacances (rue Droite ou passage de Vie, selon les sources). Pendant la Seconde Guerre mondiale, il quitta Paris et s’établit définitivement à Entraygues. Il devint un des responsables de la Résistance de ce bourg — à la confluence du Lot et de son affluent, la Truyère — et du canton dont il est le chef-lieu.
Selon diverses sources, il aurait intégré la Résistance en octobre 1942 ou au début de 1943. Il s’imposa rapidement à la tête des résistants d’Entryagues et du canton. Un article de presse (publié selon toute vraisemblance dans un périodique catholique local) adjoint à son dossier de la DAVCC de Caen explique que, en plus de regrouper les résistants d’Entraygues, Castanié a hébergé des réfractaires au STO et assuré leur ravitaillement. Il diffusa également presse et tracts clandestins et participa à des réunions avec ses "chefs". L’un d’entre eux, en particulier, était le colonel Journet alias "Benoît". À l’été de 1944, Castanié était le chef local de l’AS et, semble-t-il, impliqué dans le fonctionnement d’un des nombreux maquis implantés dans l’Aveyron (deux formations de l’AS/CFL ou du MNPGD étaient déployés à proximité d’Entraygues : le maquis « Bayard » depuis le 8 juin et le maquis « Jean-Pierre » (MNPDG).
Le 16 août 1944, une colonne de troupes d’occupation (vingt-quatre véhicules, cent-cinquante hommes) de Rodez quitta la ville, tôt le matin, en se dirigeant vers le nord par Villecomtal et Entraygues afin de gagner le Cantal. Sur la commune de Campuac, au lieu-dit La Garrigue, près du hameau de Nacoulorgues, la route avait été obstruée par des troncs d’arbres et endommagée par l’explosion de mines, ce qui retarda la colonne. Elle fut attaquée un peu plus loin sur le territoire de la commune de Golinhac par un détachement du maquis Fred (Cantal) qui perdit un de ses membres, Jean-Jacques Anquetin. Les Allemands eurent des blessés. Ils pillèrent des fermes avoisinantes, menacèrent de fusiller douze otages, notamment à Nacoulorgues, mais les officiers annulèrent l’ordre. Ayant entendu depuis Entraygues les coups de feu de l’affrontement, Albert Castanié décida d’effectuer une reconnaissance. Il prit, avec trois FFI de la localité (Monminoux, Souquet et Salvy), la direction de Villecomtal dans une automobile. Sur la montée sinueuse, une pluie fine et un épais brouillard empêchaient de voir la colonne allemande qui avançait dans la direction opposée. Ses éléments avancés (une auto-chenillette), tirèrent sur le véhicule de Castanié. Ce dernier, couché derrière son véhicule tirait sur les Allemands. Criblé de balles et touché en plein coeur, il succomba rapidement. Son cadavre fut mutilé puis replacé dans la voiture sur laquelle des Allemands versèrent de l’essence afin de l’incendier. Son corps fut retrouvé deux heures plus tard par sa femme alertée par les survivants de l’embuscade. Il fut ramené à Entraygues. L’acte de décès fut dressé le lendemain par le maire de la commune. Ces tirs atteignirent également un sidecar qui accompagnait l’automobile de Castanié avec deux autres résistants d’Entraygues, Barascud et Cassan. Barascud, alias "Vidal", fut tué d’une balle dans la tête. Le survivant, Cassan, alerta les résistants du bourg qui coupèrent la route en la faisant sauter sur une longueur de trente mètres environ. Salvy et Souquet furent blessés. Ils purent sauter de la voiture et s’échapper. Ils furent rejoints par Monminoux, indemne.
La colonne allemande rebroussa chemin vers Rodez. Elle fut alors attaquée par le maquis FTPF des Bessades du capitaine Joseph Mach qui lui infligea des pertes sévères. Les Allemands réussirent à se dégager en étant obligés d’emprunter un itinéraire détourné par Mouret. Au passage, ils fusillèrent trois civils capturés à la Rouillade (commune de Mouret) : René Delrieu (dix-huit ans), Pierre Vigouroux (cinquante-huit ans), Michel Battedou (soixante-trois ans). Elle fut encore harcelée plus loin, sans trop de dégâts par un groupe d’Espagnols de l’AGE venus de Firmi (bassin houiller de Decazeville). Un monument en granit a été érigé afin de perpétuer la mémoire de leur assassinat à l’entrée nord de Villecomtal. Leurs noms y sont gravés.
Albert Castanié fut inhumé à Entraygues-sur-Truyère dans le caveau familial du cimetière municipal. Il reçut la mention Mort pour la France. Une stèle fut érigée en bordure de la RD 922. Elle porte l’inscription suivante : « À la mémoire de Castanié Albert tombé glorieusement face à l’ennemi pour la défense d’Entraygues, le 16 août 1944 ». La plaque de cette stèle recueille également les noms du Cantalien Anquetin abattu plus haut, à Golinhac, et du motocycliste Vidal tué plus en aval, à proximité de l’agglomération d’Entraygues.


Lieux d’exécution et de massacre le long de la RD 904 entre Rodez et Entraygues-sur-Truyère (Aveyron) lors de la tentative avortée d’une colonne allemande de franchir le Lot à Entraygues, 16 août 1944.
Sources

SOURCES : DACVG, Caen, dossier 21 P 39433 transmis par Delphine Leneveu. — Arch. com. Saint-Félix de Lunel, état civil, acte de naissance d’Albert Castanié. — Entretien avec Raymonde Visseq, petite-nièce d’Albert Castanié (née en 1928 à Carboniès), Bozouls, 15 mars 2016. — Christian Font, Henri Moizet, Construire l’histoire de la Résistance. Aveyron 1944, Rodez & Toulouse, CDDP Rodez, CDHIP Rodez, CRDP Midi-Pyrénées, 1997, 343 p. [p. 120]. — Christian Font, « Juillet-août 1944 en Aveyron, une situation contrastée », in Laurent Roubertier, Sylvain Diet, Christian Font, Henri Moizet (dir.), De la libération de l’Aveyron à la Libération de la France, Actes du colloque de Millau, jeudi 8, vendredi 9 et samedi 10 octobre 1998, Rodez, CDDP, 1998, 155 p., pp. 49-58 [Plus particulièrement, pp. 55-56]. — Christian Font, Henri Moizet, Maquis et combats en Aveyron, Chronologie 1936-1945, Rodez & Toulouse, ONAC Aveyron, ANACR Aveyron, CRDP Midi-Pyrénées, 2e édition, 2001, 412 p. [pp. 357-358]. — Site MemorialGenWeb consulté les 7 et 29 mars 2016.

André Balent

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