Né le 3 novembre 1903 à Cevico Navero (province de Palencia, Espagne), fusillé le 19 mai 1944 après condamnation d’une cour martiale du régime de Vichy à la maison d’arrêt de Limoges (Haute-Vienne) ; républicain espagnol ; résistant et maquisard FTPF de la Creuse.

Vidal De Juana Badalzo était le fils d’Esteban De Juana Bilbao et de Petra Baldazo Villahor. Il fut officier dans l’armée républicaine espagnole, avec le grade de lieutenant et garde du corps du Président Manuel Azaña, deuxième et dernier président de la République espagnole de 1936 à 1939. Au moment de la défaite, en mars 1939, il dut se réfugier en France et fut interné au camp d’Argelès-sur-Mer (Pyrénées-Orientales).
Dès le mois de mai 1939, il décida de s’engager dans la Légion Etrangère et fut affecté au Maroc, à Casablanca. Rentré sur le territoire métropolitain et démobilisé après la défaite de 1940, il rejoignit son frère Teógenes et fut avec lui affecté au GTE 420 de Clocher, commune de Saint-Sulpice-Le-Guéretois (Creuse). Créés par la loi du 27 septembre 1940, “Loi sur la situation des étrangers en surnombre dans l’économie nationale”, ces “Groupes de travailleurs étrangers” ou GTE devaient rassembler « les étrangers de sexe masculin, âgés de plus de 18 ans et de moins de 55 ans, aussi longtemps que les circonstances l’exigent, dans des groupements d’étrangers, s’ils sont en surnombre dans l’économie nationale et si, ayant cherché refuge en France, ils se trouvent dans l’impossibilité de regagner leur pays d’origine ». La loi prévoyait de mettre les étrangers des GTE à la disposition d’entreprises, l’objectif étant en Creuse de fournir de la main d’œuvre pour les travaux agricoles et forestiers, main d’œuvre d’autant plus attendue que le nombre conséquent des prisonniers de guerre posait problème au fonctionnement des exploitations agricoles. Arrivé au camp en janvier 1941, Vidal De Juana Baldazo fut placé comme ouvrier agricole dans deux exploitations agricoles successives dans le hameau de Nouvelours, commune de Grand Bourg (Creuse).
Le 1er juin 1943, il fut avec un certain nombre d’autres travailleurs du camp de Clocher convoqué pour le service du travail obligatoire (STO). Utilisant les amitiés acquises lors de ses deux années passées dans le secteur de la Souterraine (Creuse), il décida de refuser de partir au STO, déserta du camp de Clocher et rejoignit vers le 1er juillet 1943, le maquis FTPF établi à Montautre, à la limite des communes de Saint-Pierre-de-Fursac (Creuse) et de Fromental (Haute-Vienne). Il y joua un rôle essentiel : officier de l’armée républicaine, ayant l’expérience des combats, il était en capacité d’initier les jeunes maquisards au maniement des armes et des explosifs. Il servit ainsi d’instructeur pour l’entraînement du maquis aux actions de guérilla. Le 19 août 1943, une attaque fut menée par les forces de Vichy (gendarmes et GMR). Vidal De Juana Baldazo servit le seul fusil-mitrailleur et réussit à couvrir le repli de la plus grande partie des résistants. Huit résistants et civils furent malgré tout arrêtés. Le nom de Vidal De Juana Baldazo apparut lors des interrogatoires et il fit l’objet d’un mandat d’arrêt délivré par le juge d’instruction de Limoges (Haute-Vienne) le 23 août 1943. Il fut condamné par contumace à 15 ans de travaux forcés par la Section spéciale de Limoges sous le chef d’accusation « d’association de malfaiteurs, de tentative de meurtre et menées terroristes ».
Intégré dans plusieurs maquis FTP du secteur de la Souterraine il participa à de nombreuses opérations de sabotage, en particulier contre la voie ferrée stratégique Paris – Toulouse. En octobre 1943, le responsable régional FTPF décida de réunir les espagnols engagés dans la clandestinité au sein d’un groupe FTP-MOI (Main d’Œuvre Immigrée), au hameau de Nouvelours, commune de Grand Bourg, à l’endroit où Vidal De Juana Baldazo avait travaillé entre 1941 et 1943 et noué de solides amitiés. Le 20 mars 1944, suite à une dénonciation, une vaste opération policière fut menée dans la commune de Grand Bourg, par la 20ème brigade de police de sûreté du gouvernement de Vichy appuyée par des détachements du 5ème régiment de la Garde et du GMR Berry stationné à la Souterraine. Quatre maquisards espagnols furent arrêtés, dont Vidal De Juana Baldazo, blessé en tentant de s’échapper. Les agriculteurs soupçonnés d’avoir hébergé les maquisards furent également arrêtés et déportés à Buchenwald. Conduit à Limoges, il fut incarcéré et soigné à l’hôpital psychiatrique de Naugeat, puis lorsque l’état de ses blessures le permit, remis aux services de police pour interrogatoire. Malgré les tortures, il ne parla pas n’avouant même pas son véritable nom. C’est donc sous son nom d’emprunt de Miguel Lopez qu’il fut condamné à mort par une cour martiale du régime de Vichy et fusillé à la maison d’arrêt de Limoges le 19 mai 1944.
Après la Libération, son frère Teógenes de Juana Badalzo entreprit de faire rétablir son identité, pour faire obtenir à sa veuve les droits attachés à son engagement et aux conditions de son décès. Donnant suite à sa requête, le Ministère de la Guerre proposa également le transfert du corps de Vidal de Juana Badalzo du cimetière de Limoges au Mémorial et nécropole de Chasseneuil-sur-Bonnieure (Charente) où il repose depuis lors sous sa véritable identité (tombe 451-carré D. Rang 15). Il fut déclaré « Mort pour la France » en mai 1950.
Mais c’est toujours sous le nom de Miguel Lopez qu’il figure sur le mémorial de la résistance creusoise à Guéret ainsi que sur la stèle dressée à Nouvelours, commune de Grand Bourg à la mémoire des quatre républicains espagnols fusillés à Limoges. Les tentatives de la famille de faire inscrire le véritable nom (une mention complémentaire a été ajoutée sur la stèle depuis 2007), continuent à se heurter à la mémoire des résistants et de la population attachée à son nom de clandestinité, comme en témoigne l’article du journal La Montagne relatant en 2015 la commémoration de leur engagement et reprenant encore le nom de Miguel Lopez.
Sources

SOURCES : Dossier DAVCC Caen — Notes Raoul Vaugelade, dossier Vidal, ANACR, la Souterraine — Marc Parrotin, Le temps du maquis, histoire de la Résistance en Creuse, Verso 1984 et Immigrés dans la résistance en Creuse, Verso 1998 — Christophe Moreigne, Réfugiés et travailleurs étrangers dans la Creuse (1940 – 1944), ARSVHRC 2006 et l’internement des travailleurs étrangers in La Creuse pendant la seconde guerre mondiale, 2012 — Eva Léger, L’exil républicain espagnol en Limousin, cartographie des mémoires, des imaginaires et des appartenances, thèse de doctorat Paris Ouest Nanterre, 2014 — Article de presse La Montagne

Michel Thébault

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