De 1942 à 1944, les Allemands fusillèrent neuf personnes au stand de tir à Chizon de Sainte-Pezenne (Deux-Sèvres).

Exhumation de trois des corps le 21 septembre 1944.
Exhumation de trois des corps le 21 septembre 1944.
Archives privées Jean-Marie Pouplain
Honneurs militaires aux dépouilles de René Goguelat, Raymond Kopp et Charles Lainé.
Honneurs militaires aux dépouilles de René Goguelat, Raymond Kopp et Charles Lainé.
Archives privées Jean-Marie Pouplain.
Croquis du lieu d'exécution. La flèche relie la position du témoin au lieu d'exécution le 19 août 1944
Croquis du lieu d’exécution. La flèche relie la position du témoin au lieu d’exécution le 19 août 1944
Crédit : WikiNiort
Fenêtre où se tenait le témoin des exécutions du 19 août 1944
Fenêtre où se tenait le témoin des exécutions du 19 août 1944
Crédit : WikiNiort
Inauguration de la stèle et du pupitre de Chizon, 28 septembre 2019
Inauguration de la stèle et du pupitre de Chizon, 28 septembre 2019
Crédit : Nouvelle République du Centre-Ouest
Marie-Agnès Kopp et Jean Goguelat, Chizon, 28 septembre 2019
Marie-Agnès Kopp et Jean Goguelat, Chizon, 28 septembre 2019
Crédit : Nouvelle République du Centre Ouest
Sainte-Pezenne est une ancienne commune rattachée à Niort le 16 avril 1965 et constituant aujourd’hui le quartier nord de l’agglomération. Le lieu-dit Chizon de Sainte-Pezenne est une vallée sèche à laquelle on accède par un chemin qui s’ouvre sur la droite de la route départementale 743 en se dirigeant vers Parthenay. Au sud, une ferme domine la vallée. Les coordonnées GPS du lieu sont les suivantes : Latitude : 46.3557 | Longitude : -0.4375.
Le stand de tir fut "créé en 1942 dans une petite vallée légèrement boisée. Cet endroit aménagé spécialement en vue des exécutions se compose : d’un stand de tir recouvert et d’une butte de tir au centre de laquelle a été placé un poteau. Plusieurs tonnes de terre ont été apportées en vue de constituer cette butte qui a 4 mètres de hauteur sur 10 mètres de longueur. La distance de tir entre le stand et la butte est de 25 mètres." (rapport du Commissaire principal des Renseignements généraux de Niort en date du 4 novembre 1945 ).
Les Allemands y fusillèrent neuf personnes, cinq après condamnation en 1942 et 1943 et quatre autres exécutées sommairement le 19 août 1944.


Les cinq premiers fusillés furent successivement :
-  Gendrot Henri, Raymond, né le 22 avril 1900 à Vire (Calvados), fusillé le 28 septembre 1942 ; mécanicien, brocanteur ; condamné pour détention d’armes.
-  Girault Louis, Victor, né le 1er juillet 1879 à Saint-Sauveur-de-Givre-en-Mai (Deux-Sèvres), fusillé le 12 décembre 1942 ; propriétaire cultivateur ; condamné pour détention d’armes ; homologué résistant FTPF.
-  Jean Léon, Auguste dit Jean-Jean, né le 29 janvier 1889 à Damvix (Vendée), fusillé le 20 mars 1943 ; journalier, pêcheur ; militant communiste ; résistant FTPF.
- Schutee-Schwarze Julien, fusillé le 7 avril 1943 ; soldat de la Wehrmacht d’origine autrichienne ; condamné pour désertion.
-  Brun Lucien, né 15 mai 1908 à Paris (XVIIe arr.), fusillé le 16 avril 1943 ; ouvrier ; militant communiste d’Aubervilliers (Seine, Seine-Saint-Denis) ; résistant du mouvement Front national pour la liberté et l’indépendance de la France.


Quatre résistants de l’Armée secrète furent exécutés sommairement le 19 août 1944 et enterrés sur place ; trois furent exécutés ensemble, à 21h30 selon les actes de décès des deux premiers :
-  Goguelat René, né le 20 février 1912 à Villeneuve-Saint-Georges (Seine-et-Oise, Val-de-Marne) ; employé de banque ; résistant dans l’Armée secrète (AS).
-  Lainé Charles, Auguste, Frédéric, né le 30 mai 1904 à Paris (XIIe arr.) ; commis principal des services financiers de l’Afrique occidentale française (AOF) ; résistant dans l’Armée secrète (AS).
-  Kopp Raymond [Kopp Marie, Joseph, Raymond] [Pseudonymes : Aubry, puis Parouty], né le 20 juin 1914 à Hoff, (Moselle, alors en territoire allemand ; la commune de Hoff a été rattachée à celle de Sarrebourg en 1953) ; militaire de carrière ; résistant dans l’Armée secrète (AS).
Le quatrième aurait été exécuté seul, malgré que l’acte de décès indique la même heure que pour Goguelat et Lainé ; il s’agit de :
- Gratien Camille, Eugène, Joseph, né le 14 septembre 1904 à Châtellerault (Vienne) ; mécanicien ; résistant FTPF.


Pierre Naudin, présent sur les lieux en août-septembre 1944, a livré son témoignage le 7 septembre 2015. Il est décédé en juillet 2019, âgé de 95 ans.
« En août 1944, la veille de l’exécution de trois résistants, « les Fridolins » (Allemands) se présentent à la ferme de Chizon. Les Allemands demandent aux occupants des lieux de ne pas sortir de leur maison, le lendemain entre 5 et 7 heures. Le lendemain matin les véhicules allemands arrivent dans la vallée de Chizon. Des soldats allemands font alors le guet devant la ferme. M. Simonnet, propriétaire en ce temps de la ferme de Chizon, est intrigué par tous ces mouvements. Il va essayer d’observer le déroulement des macabres opérations. M. Simonnet, pour ne pas être repéré par l’ennemi, se réfugie dans la partie haute d’un bâtiment. D’une petite fenêtre, il observe parfaitement les faits tragiques qui se déroulent. Trois malheureux individus équipés de pelles vont se livrer à une tâche ignoble. Ils doivent creuser leur propre sépulture en ce lieu de la vallée de Chizon."

Le témoignage de Pierre Naudin situe l’exécution des trois hommes dans la matinée, ce qui est contredit, on l’a vu plus haut par les actes de décès de Goguelat et Lainé (l’acte de décès de Raymond Kopp ne précise pas l’heure). M. Pierre Naudin aida les militaires requis pour récupérer les trois corps ensevelis. M. Simonnet désigna exactement l’endroit où devaient se situer les cadavres. L’exhumation permit d’identifier les victimes, malgré qu’un seul des cadavres, celui de René Goguelat, possédait une alliance. Cette alliance était gravée aux initiales des époux Goguelat accompagnés de la date de leur mariage.
Les dépouilles de Kopp, Goguelat et Lainé, exhumées le 21 septembre 1944, furent transférées le 26 septembre 1944 au cimetière de Lussais-Chef-Boutonne (Deux-Sèvres).
Dans le témoignage de Pierre Naudin, il est donc question de trois résistants exécutés et enterrés ensemble après avoir creusé leur tombe. Et après l’exhumation et la mise en bière, les soldats présentent les armes devant trois cercueils (cf. photographie), ceux de Kopp, Goguelat et Lainé. Par conséquent, Camille Gratien aurait été exécuté et enterré seul, nonobstant le fait que son acte de décès indique que l’exécution eut lieu à 21h30... Sa tombe, isolée, semble avoir été découverte postérieurement, et Camille Gratien fut inhumée à Leigné-sur-Usseau dans la Vienne.


Jusqu’en 2019, ce lieu d’exécution est resté un « trou de mémoire » dans le Niortais. Aucune stèle ne commémorait le souvenir de ces victimes de la répression allemande à l’endroit où ils tombèrent sous les balles des pelotons de la Wehrmacht. Il est vrai que seul Gendrot résidait à Niort et qu’il ne fut pas homologué résistant. Localement, aucune association ne perpétua la mémoire de fusillés à Chizon. Et lorsque dans les années 1990 il fut question d’ériger un monument, il semble que le projet fut abandonné au prétexte qu’au même endroit furent exécutés deux collaborateurs condamnés à mort pour trahison par la Cour de justice des Deux-Sèvres. Il s’agit de Raoul Alfred Cunaud fusillé le 28 février 1945 et de Julien Furst exécuté le 14 mars 1945.
Sollicitée par le Conservatoire de la Résistance et de la Déportation des Deux-Sèvres et des régions limitrophes présidé par Madame Françoise Basty, la municipalité élue en 2014 et présidée par M. Jérôme Baloge a décidé de faire ériger une stèle et un pupitre explicatif, avec le concours du Conservatoire et du Conseil départemental présidé par M. Gilbert Favreau. L’inauguration eut lieu samedi 28 septembre 2019 en présence de Jean Goguelat, fils de René Goguelat, de Jean-Marie Girault, petit-fils de Louis Girault et de Marie-Agnès Kopp, petite-fille de Raymond Kopp.
Sources

SOURCES : Arch. Dép. Deux-Sèvres, 158W221 et 158W224. — Arch. Privées Jean-Marie Pouplain. — Michel Chaumet et Jean-Marie Pouplain, La Résistance en Deux-Sèvres, 1940-1944, La Crèche, Geste Éd., 1993. — wiki-Niort. — Actes de décès (Arch. Municipales de Niort).

Dominique Tantin

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