Né le 1er février 1888 à Lalizolle (Allier), mort sous la torture le 9 août 1944 à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme, son corps retrouvé à Aulnat) ; instituteur et directeur d’école mis en retraite d’office, employé de mairie ; militant de la SFIO ; Libre-penseur ; membre de la loge maçonnique « Les Enfants de Gergovie » ; Combattant volontaire de la Résistance au sein du Réseau ACTION R6 ; reconnu Juste parmi les Nations.

Michel Matinier est le fils de François, marchand épicier et de Joséphine, née Brun, sans profession, domiciliés à Boënat, commune de Lalizolle (Allier).
Enfant, il avait été remarqué par son instituteur, qui l’encouragea à poursuivre des études. En 1909 il fut exempté de service militaire pour raison physique puis à partir de 1914 fut administratif d’un régiment avant d’être détaché en usines à Commentry puis Montluçon dans l’Allier.
Il devint instituteur en 1911. La première partie de sa carrière se déroula au Montel-de-Gelat en couple avec son épouse, Marie–Louise Richard. Ils s’étaient mariés le 19 août 1911 avec cette directrice d’école, originaire de Lalizolle, normalienne de l’École Normale de Clermont-Ferrand ; une fille Paule naquit. Il devint directeur de l’École et habitait Echandelys (Puy-de-Dôme) en 1920.
Secrétaire de mairie à la disposition de la population, il offrait aussi son temps aux enfants, le jeudi pour pratiquer de nombreuses activités de découvertes et d’expérimentation. Passionné par l’image, il permettait à ses élèves de se familiariser avec les premières représentations cinématographiques.
La seconde partie de sa carrière eut pour cadre l’École normale de Clermont-Ferrand à partir de 1931. Il s’investit complètement dans le développement de la cinémathèque du Massif Central (amorce du futur Centre de Documentation Pédagogique).
Michel Matinier était aussi connu comme militant de la SFIO et une figure de ce Parti au sein de la Fédération, ses interventions dans différents congrès étant écoutés avec autorité selon sa nécrologie parue dans La Montagne.
En septembre 1941, Le Journal Officiel mettait fin aux activités dans l’Éducation Nationale des époux Matinier à compter du 1er janvier 1942 en raison de leur appartenance à la franc-maçonnerie. Il était mis à la retraite.
Membre de la loge maçonnique « Les Enfants de Gergovie », dès la promulgation des lois antimaçonniques, il entra à titre individuel en résistance et noua bientôt des contacts.
Sous le pseudonyme d’Alphonse, Michel Matinier fut chargé d’une mission de renseignements et de repérage des miliciens, francistes et autres agents. Un emploi de couverture lui fut ainsi offert à la Mairie de Clermont-Ferrand. Sous les ordres d’Antoine Courson de Villeneuve alias Pyramide, délégué militaire, il intégra le réseau Action R 6.
Il œuvra dans plusieurs formations de la Résistance avec Nestor Perret, chef de la ville de Clermont-Ferrand. Il sert, combat, développe le réseau Goëlette avec Desortiaux. Son emploi en mairie lui permettait quantité d’actes de résistance au quotidien (presse clandestine, falsification et fabrication de cartes d’identité, aiguillage des réfractaires du STO vers les filières du maquis).
Il participa aussi à la rédaction, l’impression, le transport et la distribution de journaux clandestins. Il fournit des locaux pour l’organisation de réunions des groupes clandestins, mit en sécurité chez lui des armes mais aussi des produits pharmaceutiques. De mars 1942 jusqu’à son arrestation, il agit pour les FFI.
Enfin avec son épouse, ils prenaient en charge Juifs et Résistants bien qu’ils se savaient étroitement surveillés. Malgré le danger, il procura à de nombreux Juifs, grâce à ses fonctions d’employé de mairie, des faux papiers qui leur sauvèrent la vie. Pour d’autres, il les hébergea temporairement, leur trouva des cachettes ou des abris provisoires. Il était toujours prêt à aider toute personne dans la détresse.
Sa fille Paule et son gendre Camille Trébosc, parisiens fortement engagés dans la Résistance au sein du Réseau Libération nationale-PTT, apprirent l’imminence d’une rafle juive en juillet 1942 : ils fournirent de faux papiers à un de leurs amis le docteur Eliaz Fiszman réfugié juif polonais en danger, et Michel Matinier et sa femme Marie-Louise à Clermont-Ferrand l’accueillirent avec sa femme, Sophie, enceinte de neuf mois. La tante du docteur Fiszman et ses deux fils furent aussi hébergés temporairement chez les Matinier.
Au péril de sa vie, et sans relâche, Michel Matinier continua à héberger des juifs, entre autres les époux Sterca et leurs deux filles Rachel et Sarah, réfugiés lituaniens, arrivés en France vers 1930. Après les avoir hébergés quelques jours, trois membres de la famille furent envoyés chez d’autres résistants où ils vécurent en paix jusqu’à la Libération. Rachel qui avait juste 14 ans resta chez les Matinier de juin 1943 à février 1944. Elle fut présentée comme leur fille. M.et Mme Matinier hébergèrent pendant une période André Blumel, dirigeant national de la SFIO, et proche collaborateur de Léon Blum, qu’il envisageait de rejoindre lors de son procès à Riom (Puy de Dôme).
Mais l’étau progressivement se resserra et le 9 août 1944, quelques jours avant la libération de Clermont-Ferrand, Matinier fut arrêté dans son bureau par la Milice, certainement sur dénonciation, livré à la Gestapo, puis conduit à la prison militaire du 92e RI pour interrogatoires. Il fut accusé de faits de résistance. On ignore les circonstances exactes et la date de son décès. Il est vraisemblablement mort sous la tortue. Dans son dossier de demande de la carte de CVR, il est dit qu’il a été interné du 9 au 11 août 1944, ce qui laisserait supposer une exécution à cette date.
Son corps affreusement mutilé fut retrouvé enfoui dans un trou de bombe de l’aérodrome d’Aulnat, après la Libération.
Il avait été arrêté en même temps que le docteur Fiszmann, son protégé qu’il avait réussi à sauver, mais qui connut le même destin que lui.
Ses obsèques ainsi que celles du docteur Fiszmann eurent lieu en même temps le 27 novembre 1944 au milieu d’une immense affluence. Des discours furent faits par la section SFIO de Clermont-Ferrand, par des représentants de la Libre Pensée, de la Loge maçonnique mais aussi du Syndicat National des Instituteurs. Charles de Gaulle signa lui-même l’arrêté de citations de Michel Matinier.
Michel Matinier a été homologué Forces françaises combattantes (FFC), et internés de la résistance (DIR). Il reçut la Croix de Guerre avec Palme, la Médaille de la Résistance et la Légion d’Honneur. Le 21 mars 1955, il reçut à titre posthume la carte de Combattant volontaire de la Résistance (CVR).
Son nom figure sur la stèle placée sur l’aérodrome à Aulnat, parmi les nombreuses victimes de la barbarie nazie. La municipalité de Clermont–Ferrand lui a attribué un nom de rue dans un quartier nord de la ville.
Le 11 janvier 1987, Yad Vashem décerna à Michel Matinier, à son épouse Marie-Louise ainsi qu’à leur fille Paule Matinier-Trébosc le titre de Justes parmi les Nations.
Parmi les personnes qu’ils ont sauvées : André Blumel – Sophie Estin – Marc Fizmann – Elie Fiszmann - Rachel Gold née Sterca – Sarah Taubel née Sterca .
Arrêtée elle aussi, Marie-Louise Matinier fut déportée mais put en revenir.
Leur fille Paule, militante communiste, occupa après-guerre des fonctions à l’Institut National d’Hygiène qui deviendra plus tard l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale). Elle fut aussi quelques mois, membre du cabinet du ministre de la Santé, le communiste François Billoux, au sein du gouvernement Charles de Gaulle.
L’arrêté de citation pour Michel Matinier :
"Par décision n° 787, sur proposition du ministre de la Guerre, le président du gouvernement provisoire de la République, chef des armées, cite, à l’Ordre des armées, à titre posthume Michel Alphonse MATINIER, 2ème classe de la Direction Générale des Études et Recherches, Résistant de la première heure appartenant à l’organisation clandestine de passage en Espagne et au groupement de résistance des instituteurs, agent de confiance de D.M.R. 6 pyramide, arrêté sur dénonciation en août 1944, torturé sans parler et assassiné, ces citations comportent l’attribution de la Croix de Guerre avec palme."
Signé : Charles de Gaulle .
Sources

SOURCES : AVCC Caen, AC 21 P 87845 et AC 21 P 594266. Dossiers Michel Matinier (nc) .— SHD Vincennes, GR 16 P 403960 et SHD/ GR 28 P 11 73. Dossier de Résistant de Michel Matinier (nc) .— Registre des matricules, n°96 (année 1908), Arch. dép. du Puy-de-Dôme. — Les institutrices et les Instituteurs du Puy-de-Dôme en hommage à leurs Collègues “Morts pour la France” : Guerre de 1939-1945, 8 p. — Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 2546 W 7494. Dossier de demande de la carte de Combattant Volontaire de la Résistance pour Michel Matinier .— Site internet : Les enfants de Gergovie . — Comité Français pour Yad Vashem. — Site Internet ajpn.org .— "Un grand résistant originaire de LALIZOLLE : Michel MATINIER" (site Paysdelizolle.fr) .— Nécrologie de Michel Matinier, La Montagne, 27 novembre 1944 .— "Émouvantes obsèques de 3 martyrs de la Résistance", La Montagne, 28 novembre 1944 .— État civil de Clermont-Ferrand.

Huguette Juniet, Eric Panthou

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