Étreux (Aisne), hameau du Gard et La Neuville-lès-Dorengt hameau de La Junière, 2 septembre 1944
Monument d’Étreux
Stèle de la Neuville-lès-Dorengt
Plaque comm. de l’église de La Neuville-ès-Dorengt
Le 2 septembre 1944, trente-six civils habitant Étreux et La Neuville-lès-Dorengt furent massacrés et des maisons incendiées, dans les hameaux du Gard et de La Junière. Ces lieux-dits sont aux confins des deux communes et de celle de Boué, à proximité de l’actuelle usine Nestlé. À l’est de la zone se trouve la partie occidentale de la forêt du Nouvion : la Queue de Boué. Étreux et Boué sont reliés par l’actuelle D.28, qui franchit le canal au Gard, sur l’écluse n° 1. Un peu plus au nord, on trouve le pont de la voie ferrée, et au sud, l’écluse n° 2.
Ce massacre se place après ceux de Tavaux, les 30 et 31 août, et de Plomion, le 31 août 1944.
À Étreux, un « monument en hommage aux victimes du 2 septembre 1944, massacrées par les Allemands en retraite », qui porte la liste suivante :
Une plaque commémorative se trouve dans l’église de La Neuville-lès-Dorengt (Aisne), en hommage aux victimes de la commune, où une stèle est visible au 8, rue Colbert-Quentin. Le texte est assez bref :
« Noms des victimes du massacre
du 2 septembre 1944 résidant au
hameau de La Junière
Dans la même commune, une plaque commémorative se trouve dans l’église :
« À la mémoire des victimes
du 2 septembre 1944
Plusieurs témoignages permettent de reconstituer les faits suivants.
Le vendredi 1er septembre 1944, de nombreux détachements allemands motorisés en retraite venaient d’Étreux, et allaient en direction de Boué. En fin d’après-midi, un groupe de résistants se posta derrière le café Hauet (actuellement café des Sports, au 49 rue de la Gare), à Boué, à proximité de la Queue de Boué et du passage à niveau. Un premier véhicule fut mitraillé mais put continuer sa route, suivi par d’autres. Une voiture fut immobilisée sur la voie : le conducteur avait été grièvement blessé ; deux soldats s’enfuirent vers la forêt. Blessés également, on les retrouva morts quelques jours plus tard. Le chauffeur fut emmené en brouette à l’infirmerie de l’usine Nestlé ; Madame Dagneaux, infirmière, constata sa mort.
Selon un autre témoignage, le groupe de résistants se rendait à leur PC, à la ferme de Blot. À environ cent à cent cinquante mètres de là, les familles Adiasse et Boulanger trayaient leurs vaches quand arrivèrent deux camions allemands, vers 18 h. 30. Voyant l’accrochage inévitable, les FFI tirèrent en s’abritant dans les fossés et derrière les haies. Les fermiers se protégèrent comme ils le purent, car la fusillade s’intensifia ; elle dura plusieurs minutes. Ne pouvant faire demi-tour, les Allemands abandonnèrent leurs véhicules et s’enfuirent vers Étreux. N’ayant plus de réponse à leurs coups de feu, les FFI s’avancèrent vers les véhicules, et constatèrent que les Allemands n’étaient plus là. Ils les cachèrent dans une grange derrière la ferme de M. Lambotte, lequel passa la nuit avec sa famille chez M. Hocquet.
Le lendemain, une importante formation de SS et d’autres soldats arriva à l’entrée du Gard d’Étreux, qu’ils encerclèrent. Un premier groupe arriva par la ligne de chemin de fer, en direction de Boué. Un deuxième groupe continua tout droit vers le pont du canal. Un troisième groupe emprunta le chemin de halage jusqu’à l’écluse n° 2, puis, par des pâtures, ils arrivèrent à La Junière (commune de La Neuville-lès-Dorengt) derrière la maison de René Adiasse, qu’ils investirent. Voyant cela, M. Lambotte s’enfuit de nouveau avec sa famille ; les camions laissés dans sa grange furent alors découverts.
Vers 9 heures du matin, Louis Chrétien était dans l’arrière-cuisine de sa maison avec ses enfants lorsqu’un Allemand cassa les vitres de la fenêtre juste en face pour y jeter deux grenades. Personne ne fut blessé. Mais découvert, Louis Chrétien fut obligé de sortir et fut abattu au bord de la route avec Jules Bocquillon ; ils étaient tous les deux anciens combattants. Les survivants se réfugièrent dans la tranchée au fond de leur jardin. Découverts, ils durent remonter. Les trois frères Chrétien furent emmenés, mais le soldat affecté à leur garde leur fit signe de d’arrêter au portail, et constatant que le reste de la formation n’était plus là, il leur fit comprendre de retourner dans leur tranchée.
Pendant ce temps, la maison de leur voisin, M. Docher, brûlait. Celui-ci put se cacher dans sa cave, Sa femme interrogée prétendit qu’il était prisonnier ; elle fut poussée dans la cave avec ses trois enfants dans la cave avant que le feu soit mis à la maison. Vers 18 heures, Charles Bourgeois vint chez les Chrétien ; il entendit des plaintes provenant du soupirail de la cave de la maison Docher, et les aida à sortir.
Capturés, Edmond Valet, Adrien Lefranc et Émile Simon furent emmenés. Arrivés chez Edmond Langlois, le groupe fut exécuté. Ils arrivèrent au pont du canal. Adonis Bouleau, qui tenait le café qui se trouvait là, en fut sorti et abattu aussitôt. Sous le pont, Gustave Voisin qui s’y était caché, fut découvert : ses mains furent écrasées, avant qu’il soit exécuté. Vers 10 heures, Henri Dupuis et son fils Norbert passèrent sur le pont et furent tués.
Par précaution, Léon Legrand avait fait descendre sa famille à la cave. Au moment où ses deux filles, Mireille et Jacqueline, en remontèrent, la maison fut envahie et saccagée, avant que des grenades incendiaires soient jetées. Découvert, Léon Legrand fut sorti de la maison, massacré à coups de baïonnette avant d’être achevé d’une balle dans la tête. Toujours dans la cave, son fils Henri ne fut pas trouvé.
Denis Jules (père et fils) furent tués dans la salle à manger. Le père tenait sa petite fille dans ses bras ; un Allemand lui prit pour la donner à sa mère. Les deux hommes furent ensuite abattus.
René Mercier, instituteur au Gard, s’était caché dans sa cave. Il en remonta pour éteindre l’incendie provoqué dans sa classe. Découvert, il fut emmené et exécuté d’une balle dans la tête .
Au moment où leur père, Marcel Bouleau, fut abattu, René et Roger prirent la fuite ; le second fut blessé au bras et au genou mais parvint quand même à s’échapper avec son frère.
Rue de La Morteau, Louis Bouleau fut exécuté devant sa famille.
Gilbert Loiseau reçut plus de vingt coups de baïonnette avant de mourir.
Gilbert Chazal, âgé de vingt-deux ans, était dans la cave avec sa femme Simone et ses enfants, quand un Allemand mitrailla le soupirail. Ils remontèrent et furent découverts. Portant son fils dans ses bras, Gilbert Chazal fut sorti et exécuté ; il fut achevé à coups de bottes. Voulant lui porter secours, sa femme fut battue et blessée.
Louis Bobœuf et Henri Fresnois se trouvaient au café Hauet. Sortis pour se rendre compte de ce qui se passait au Gard, ils furent abattus. À quelques centaines de mètres de là, Henri Machu, Aristide et Armand Gravez furent abattus devant leur famille.
Paul Hiet mourut sous les coups de baïonnette.
Gardiens de nuit à l’usine Materne de Boué, Liou Tchen Té et Lin Tsou furent arrêtés alors qu’ils rentraient chez eux, au hameau du Gard. Ils furent abattus sur le chemin et abandonnés près du talus.
La troisième colonne qui s’était engagée par le chemin de halage jusqu’à l’écluse n° 2, traversa le canal et continua par les pâtures en direction de la route de La Neuville. Ils arrivèrent derrière la ferme de René Adiasse et l’investirent. Huit hommes furent capturés. C’est à ce moment que Colbert Quentin, instituteur à La Neuville-lès-Dorengt et agent de liaison du groupe FFI Lamur, arriva en vélo depuis la Neuville ; il fut fait prisonnier à son tour. Battus à coups de crosses et de bottes, les membres du groupe furent alignés dans la cour de la ferme de Lucien Péreau pour être exécutés devant les femmes et les plus jeunes enfants. René Adiasse et Colbert Quentin qui comprenaient l’allemand, essayèrent de parlementer avec le commandant SS.
Au même moment, de nombreux coups de feu et des rafales furent entendus du côté du carrefour des Quatre Chemins, à La Junière. Alertés par les incendies, six résistants FTP étaient venus en reconnaissance et avaient engagé le combat avec les Allemands. Les neuf otages furent poussés sur la route jusqu’au carrefour, sur toute sa largeur de la route. Les voyant, les FTP se replièrent dans la forêt avec leur chef (pseud. : Le Marocain), blessé à la cuisse ; la fusillade s’arrêta.
Les otages furent ensuite conduits dans la cour de la ferme d’André Boulanger, dont les dépendances étaient en flammes. Les Allemands leur ordonnèrent de s’aligner contre un mur et les mirent en joue. Colbert Quentin voulut parlementer une nouvelle fois. Ancien combattant, Émile Moineuse ôta sa casquette pour demander qu’on ne pas tire pas sur eux ; il reçut une rafale qui lui coupa la main droite, et bascula près de Serge Adiasse. Celui-ci fit un écart et se laissa tomber à terre ; il fut blessé dans le dos ; Lucien Péreau tomba sur lui, ce qui le protégea en partie, car il fut de nouveau blessé aux jambes. Simultanément, son père avait crié « Vive la France et sauve qui peut ! », et s’était précipité dans une écurie en flammes et pleine de fumée, suivi par André Boulanger, Joseph Macon et Roger Adiasse. Colbert Quentin, Émile Moineuse, Alfred Moineuse et Lucien Péreau avaient été abattus. Deux grenades furent jetées dans la grange et une autre sur le groupe des exécutés (blessant à nouveau Serge Adiasse), avant les Allemands poursuivent leur chemin. Les quatre rescapés sortirent à plat ventre. Serge Adiasse fut emmené dans la ferme familiale en brouette, et put soigné par une voisine, Mme Demarcq ; Albert Collet, médecin, arriva vers 15 h. À la nuit tombante, Alfred Lévêque, membre de la Croix-Rouge d’Étreux, l’emmena dans une ambulance américaine vers l’hôpital de Guise. Lors du transfert, le véhicule fut arrêté par vingt-huit Allemands en armes. Alfred Lévêque parlait l’allemand : il leur demanda de se rendre, avant de les conduire aux troupes américaines qui se trouvaient à Étreux (5e division blindée et 4e division d’infanterie). Ils acceptèrent ; Alfred Lévêque donna l’ordre à l’ambulance de partir directement à l’hôpital, et conduisit les vingt-huit prisonniers.
Pendant ce temps, Gaston Bleux fut abattu dans le fossé en face de chez lui. André Moro et ses deux fils, Joseph et Jean, furent emmenés puis mitraillés dans le dos. Émile Caudron, âgé de 80 ans, fut conduit au café-tabac tenu par Bernard Poitou, devant lequel les deux hommes furent abattus.
Vers 11 heures, après l’exécution de tous les hommes valides découverts par les Allemands, une trentaine de survivants furent rassemblés dans un champ proche de la route, sous la menace d’une mitrailleuse. Le groupe fut abandonné quand arriva la nouvelle de l’arrivée des Américains à Étreux. Les Allemands s’enfuirent vers Barzy-en-Thiérache, le Pas des Vaches, Prisches. Informés de la libération de Landrecies et d’Avesnes, ils firent demi-tour se dirigèrent vers Fesmy, Rejet-de-Beaulieu, Catillon-sur-Sambre.
Le dimanche matin, 3 septembre, ils furent repérés dans le Bois-L’Évêque (entre Le Câteau et Landrecies) par l’aviation américain, mitraillés ; la plupart des véhicules incendiés. Les survivants se dispersèrent et furent capturés avant d’atteindre la Belgique.
Les membres de la Croix-Rouge d’Étreux rassemblèrent les corps des victimes, aux fins d’identification, dans un atelier de tissage du Gard.
Le 18 novembre 1944, une enquête pour crime de guerre fut confiée à la 21e brigade régionale de police judiciaire de Saint-Quentin (Aisne).
Ce massacre se place après ceux de Tavaux, les 30 et 31 août, et de Plomion, le 31 août 1944.
À Étreux, un « monument en hommage aux victimes du 2 septembre 1944, massacrées par les Allemands en retraite », qui porte la liste suivante :
- BLEUX Camille ;
- BOBOEUF Louis ;
- BOCQUILLON Jules ;
- BOULEAU Adonis ;
- BOULEAU Louis ;
- BOULEAU Marcel ;
- CAUDRON Émile ;
- CHAZAL Gilbert ;
- CHRÉTIEN Louis ;
- DENIS Jules ;
- DENIS Jules ;
- DUPUIS Henri ;
- DUPUIS Norbert ;
- FRENDOS Henri (Henri Frénoi) ;
- GRAVET Aristide ;
- GRAVET Armand ;
- HIET Paul ;
- LANGLOIS Edmond ;
- LEFRANC Adrien ;
- LEGRAND Léon ;
- LIN-TSOU Camille ;
- LIOU Tchen Té ;
- LOISEAU Gilbert ;
- MACHU Henri ;
- MERCIER René ;
- MOINEUSE Alfred ;
- MOINEUSE Émile ;
- MORO André ;
- MORO Jean ;
- MORO Joseph ;
- PÉREAUX Lucien ;
- POITOU Bernard ;
- QUENTIN Colbert ;
- SIMON Émile ;
- VALET Edmond ;
- VOISIN Gustave.
Une plaque commémorative se trouve dans l’église de La Neuville-lès-Dorengt (Aisne), en hommage aux victimes de la commune, où une stèle est visible au 8, rue Colbert-Quentin. Le texte est assez bref :
« Noms des victimes du massacre
du 2 septembre 1944 résidant au
hameau de La Junière
- BLEUX Camille 28 ans ;
- MOINEUSE Alfred 58 ans ;
- MOINEUSE Émile 64 ans ;
- MORO André 47 ans ;
- MORO Jean 17 ans ;
- MORO Joseph 20 ans ;
- PÉREAUX Lucien 58 ans ;
- POITOU Bernard 64 ans ;
- QUENTIN Colbert 22 ans ».
Dans la même commune, une plaque commémorative se trouve dans l’église :
« À la mémoire des victimes
du 2 septembre 1944
- DEGON Hector Mai 40
- LAMANT Jean Juillet 44
- MOINEUSE Alfred ;
- MOINEUSE Émile ;
- MORO André ;
- MORO Jean ;
- MORO Joseph ;
- PÉREAUX Lucien ;
- POITOU Bernard ;
- QUENTIN Colbert
- VOISIN Gustave.
Plusieurs témoignages permettent de reconstituer les faits suivants.
Le vendredi 1er septembre 1944, de nombreux détachements allemands motorisés en retraite venaient d’Étreux, et allaient en direction de Boué. En fin d’après-midi, un groupe de résistants se posta derrière le café Hauet (actuellement café des Sports, au 49 rue de la Gare), à Boué, à proximité de la Queue de Boué et du passage à niveau. Un premier véhicule fut mitraillé mais put continuer sa route, suivi par d’autres. Une voiture fut immobilisée sur la voie : le conducteur avait été grièvement blessé ; deux soldats s’enfuirent vers la forêt. Blessés également, on les retrouva morts quelques jours plus tard. Le chauffeur fut emmené en brouette à l’infirmerie de l’usine Nestlé ; Madame Dagneaux, infirmière, constata sa mort.
Selon un autre témoignage, le groupe de résistants se rendait à leur PC, à la ferme de Blot. À environ cent à cent cinquante mètres de là, les familles Adiasse et Boulanger trayaient leurs vaches quand arrivèrent deux camions allemands, vers 18 h. 30. Voyant l’accrochage inévitable, les FFI tirèrent en s’abritant dans les fossés et derrière les haies. Les fermiers se protégèrent comme ils le purent, car la fusillade s’intensifia ; elle dura plusieurs minutes. Ne pouvant faire demi-tour, les Allemands abandonnèrent leurs véhicules et s’enfuirent vers Étreux. N’ayant plus de réponse à leurs coups de feu, les FFI s’avancèrent vers les véhicules, et constatèrent que les Allemands n’étaient plus là. Ils les cachèrent dans une grange derrière la ferme de M. Lambotte, lequel passa la nuit avec sa famille chez M. Hocquet.
Le lendemain, une importante formation de SS et d’autres soldats arriva à l’entrée du Gard d’Étreux, qu’ils encerclèrent. Un premier groupe arriva par la ligne de chemin de fer, en direction de Boué. Un deuxième groupe continua tout droit vers le pont du canal. Un troisième groupe emprunta le chemin de halage jusqu’à l’écluse n° 2, puis, par des pâtures, ils arrivèrent à La Junière (commune de La Neuville-lès-Dorengt) derrière la maison de René Adiasse, qu’ils investirent. Voyant cela, M. Lambotte s’enfuit de nouveau avec sa famille ; les camions laissés dans sa grange furent alors découverts.
Vers 9 heures du matin, Louis Chrétien était dans l’arrière-cuisine de sa maison avec ses enfants lorsqu’un Allemand cassa les vitres de la fenêtre juste en face pour y jeter deux grenades. Personne ne fut blessé. Mais découvert, Louis Chrétien fut obligé de sortir et fut abattu au bord de la route avec Jules Bocquillon ; ils étaient tous les deux anciens combattants. Les survivants se réfugièrent dans la tranchée au fond de leur jardin. Découverts, ils durent remonter. Les trois frères Chrétien furent emmenés, mais le soldat affecté à leur garde leur fit signe de d’arrêter au portail, et constatant que le reste de la formation n’était plus là, il leur fit comprendre de retourner dans leur tranchée.
Pendant ce temps, la maison de leur voisin, M. Docher, brûlait. Celui-ci put se cacher dans sa cave, Sa femme interrogée prétendit qu’il était prisonnier ; elle fut poussée dans la cave avec ses trois enfants dans la cave avant que le feu soit mis à la maison. Vers 18 heures, Charles Bourgeois vint chez les Chrétien ; il entendit des plaintes provenant du soupirail de la cave de la maison Docher, et les aida à sortir.
Capturés, Edmond Valet, Adrien Lefranc et Émile Simon furent emmenés. Arrivés chez Edmond Langlois, le groupe fut exécuté. Ils arrivèrent au pont du canal. Adonis Bouleau, qui tenait le café qui se trouvait là, en fut sorti et abattu aussitôt. Sous le pont, Gustave Voisin qui s’y était caché, fut découvert : ses mains furent écrasées, avant qu’il soit exécuté. Vers 10 heures, Henri Dupuis et son fils Norbert passèrent sur le pont et furent tués.
Par précaution, Léon Legrand avait fait descendre sa famille à la cave. Au moment où ses deux filles, Mireille et Jacqueline, en remontèrent, la maison fut envahie et saccagée, avant que des grenades incendiaires soient jetées. Découvert, Léon Legrand fut sorti de la maison, massacré à coups de baïonnette avant d’être achevé d’une balle dans la tête. Toujours dans la cave, son fils Henri ne fut pas trouvé.
Denis Jules (père et fils) furent tués dans la salle à manger. Le père tenait sa petite fille dans ses bras ; un Allemand lui prit pour la donner à sa mère. Les deux hommes furent ensuite abattus.
René Mercier, instituteur au Gard, s’était caché dans sa cave. Il en remonta pour éteindre l’incendie provoqué dans sa classe. Découvert, il fut emmené et exécuté d’une balle dans la tête .
Au moment où leur père, Marcel Bouleau, fut abattu, René et Roger prirent la fuite ; le second fut blessé au bras et au genou mais parvint quand même à s’échapper avec son frère.
Rue de La Morteau, Louis Bouleau fut exécuté devant sa famille.
Gilbert Loiseau reçut plus de vingt coups de baïonnette avant de mourir.
Gilbert Chazal, âgé de vingt-deux ans, était dans la cave avec sa femme Simone et ses enfants, quand un Allemand mitrailla le soupirail. Ils remontèrent et furent découverts. Portant son fils dans ses bras, Gilbert Chazal fut sorti et exécuté ; il fut achevé à coups de bottes. Voulant lui porter secours, sa femme fut battue et blessée.
Louis Bobœuf et Henri Fresnois se trouvaient au café Hauet. Sortis pour se rendre compte de ce qui se passait au Gard, ils furent abattus. À quelques centaines de mètres de là, Henri Machu, Aristide et Armand Gravez furent abattus devant leur famille.
Paul Hiet mourut sous les coups de baïonnette.
Gardiens de nuit à l’usine Materne de Boué, Liou Tchen Té et Lin Tsou furent arrêtés alors qu’ils rentraient chez eux, au hameau du Gard. Ils furent abattus sur le chemin et abandonnés près du talus.
La troisième colonne qui s’était engagée par le chemin de halage jusqu’à l’écluse n° 2, traversa le canal et continua par les pâtures en direction de la route de La Neuville. Ils arrivèrent derrière la ferme de René Adiasse et l’investirent. Huit hommes furent capturés. C’est à ce moment que Colbert Quentin, instituteur à La Neuville-lès-Dorengt et agent de liaison du groupe FFI Lamur, arriva en vélo depuis la Neuville ; il fut fait prisonnier à son tour. Battus à coups de crosses et de bottes, les membres du groupe furent alignés dans la cour de la ferme de Lucien Péreau pour être exécutés devant les femmes et les plus jeunes enfants. René Adiasse et Colbert Quentin qui comprenaient l’allemand, essayèrent de parlementer avec le commandant SS.
Au même moment, de nombreux coups de feu et des rafales furent entendus du côté du carrefour des Quatre Chemins, à La Junière. Alertés par les incendies, six résistants FTP étaient venus en reconnaissance et avaient engagé le combat avec les Allemands. Les neuf otages furent poussés sur la route jusqu’au carrefour, sur toute sa largeur de la route. Les voyant, les FTP se replièrent dans la forêt avec leur chef (pseud. : Le Marocain), blessé à la cuisse ; la fusillade s’arrêta.
Les otages furent ensuite conduits dans la cour de la ferme d’André Boulanger, dont les dépendances étaient en flammes. Les Allemands leur ordonnèrent de s’aligner contre un mur et les mirent en joue. Colbert Quentin voulut parlementer une nouvelle fois. Ancien combattant, Émile Moineuse ôta sa casquette pour demander qu’on ne pas tire pas sur eux ; il reçut une rafale qui lui coupa la main droite, et bascula près de Serge Adiasse. Celui-ci fit un écart et se laissa tomber à terre ; il fut blessé dans le dos ; Lucien Péreau tomba sur lui, ce qui le protégea en partie, car il fut de nouveau blessé aux jambes. Simultanément, son père avait crié « Vive la France et sauve qui peut ! », et s’était précipité dans une écurie en flammes et pleine de fumée, suivi par André Boulanger, Joseph Macon et Roger Adiasse. Colbert Quentin, Émile Moineuse, Alfred Moineuse et Lucien Péreau avaient été abattus. Deux grenades furent jetées dans la grange et une autre sur le groupe des exécutés (blessant à nouveau Serge Adiasse), avant les Allemands poursuivent leur chemin. Les quatre rescapés sortirent à plat ventre. Serge Adiasse fut emmené dans la ferme familiale en brouette, et put soigné par une voisine, Mme Demarcq ; Albert Collet, médecin, arriva vers 15 h. À la nuit tombante, Alfred Lévêque, membre de la Croix-Rouge d’Étreux, l’emmena dans une ambulance américaine vers l’hôpital de Guise. Lors du transfert, le véhicule fut arrêté par vingt-huit Allemands en armes. Alfred Lévêque parlait l’allemand : il leur demanda de se rendre, avant de les conduire aux troupes américaines qui se trouvaient à Étreux (5e division blindée et 4e division d’infanterie). Ils acceptèrent ; Alfred Lévêque donna l’ordre à l’ambulance de partir directement à l’hôpital, et conduisit les vingt-huit prisonniers.
Pendant ce temps, Gaston Bleux fut abattu dans le fossé en face de chez lui. André Moro et ses deux fils, Joseph et Jean, furent emmenés puis mitraillés dans le dos. Émile Caudron, âgé de 80 ans, fut conduit au café-tabac tenu par Bernard Poitou, devant lequel les deux hommes furent abattus.
Vers 11 heures, après l’exécution de tous les hommes valides découverts par les Allemands, une trentaine de survivants furent rassemblés dans un champ proche de la route, sous la menace d’une mitrailleuse. Le groupe fut abandonné quand arriva la nouvelle de l’arrivée des Américains à Étreux. Les Allemands s’enfuirent vers Barzy-en-Thiérache, le Pas des Vaches, Prisches. Informés de la libération de Landrecies et d’Avesnes, ils firent demi-tour se dirigèrent vers Fesmy, Rejet-de-Beaulieu, Catillon-sur-Sambre.
Le dimanche matin, 3 septembre, ils furent repérés dans le Bois-L’Évêque (entre Le Câteau et Landrecies) par l’aviation américain, mitraillés ; la plupart des véhicules incendiés. Les survivants se dispersèrent et furent capturés avant d’atteindre la Belgique.
Les membres de la Croix-Rouge d’Étreux rassemblèrent les corps des victimes, aux fins d’identification, dans un atelier de tissage du Gard.
Le 18 novembre 1944, une enquête pour crime de guerre fut confiée à la 21e brigade régionale de police judiciaire de Saint-Quentin (Aisne).
Sources
SOURCES. Arch. dép. Aisne, dossier 15205/4018 : crimes de guerre commis dans le département de l’Aisne, 1944-1949.. — Annick Morel, 2 septembre 1944. Les Martyrs du Gard d’Étreux, éd. Office d’édition et de diffusion du livre d’histoire, coll. « Des Faits et des hommes », 1994, 100 p. — Sites Internet : Mémorial GenWeb1 ; 2 ; Généalogie Aisne ; Témoignage d’Albert Méresse ; Picardie 1939-1945. — Éléments communiqués par Mireille Legrand, présidente de l’ADIF 02 (témoignage de Serge Adiasse ; relation de B. Cnockaert).
Iconographie
ICONOGRAPHIE. Memorial GenWeb ; Généalogie Aisne
Frédéric Stévenot