Né le 18 janvier 1895 à Épernay (Marne), exécuté sommairement le 15 juin 1944 à Lyon (Rhône) ; employé de banque ; résistant du BCRA de la France libre, capitaine des Forces françaises combattantes.

René Israël
René Israël
Au moment de la naissance de René Israël, son père, Lucien Isaac Israël, était âgé de vingt-sept ans et était négociant. Sa mère, Élisa Berr, était alors sans profession ; née le 9 février 1874 à Paris (XXe arr.), elle était âgée de vingt-et-un ans. Le couple demeurait à Épernay, au 12 rue Flodoard.
René Israël était issu d’une famille lorraine attachée à la France. Après 1870, ses parents, vivant en Lorraine annexée, décidèrent de conserver leur nationalité française. Sa mère lui donna naissance à Épernay pour que son enfant « soit aussi français ».
Bien que mineur, René Israël réussit à s’engager dans l’armée le 22 septembre 1914. Incorporé comme simple soldat, il fut blessé en juillet 1915 au Bois d’Ailly (Meuse) puis cité à l’ordre de la brigade en octobre 1917. Après l’armistice du 11 novembre 1918, il fut versé dans le corps des interprètes de langue allemande, poursuivit sa formation militaire dans le renseignement et devint en 1938 interprète-capitaine. Il se maria le 23 octobre 1930 à Sarrebourg (Moselle) avec Thérèse Frenkel.
Rappelé en 1939 à l’état-major du 14e corps d’armée des Alpes, après l’armistice, il fut affecté au 2e Bureau de l’armée d’armistice et s’installa à Lyon (Rhône) où sa mère le rejoignit. Il ne perdit pas la nationalité française (selon le dossier de constitution civile). Il appartint au réseau d’évasion des prisonniers dirigé par le général de Linares, qui réalisa des centaines de faux-papiers et d’évasions dont celle du général Henri Giraud et de son guide, Roger Guerlach.
Suite à l’invasion par l’armée allemande de la « zone libre », René Israël rejoignit Londres pour intégrer le Bureau central de renseignement et d’action (BCRA) de la France libre sous le nom de code « Frédérique ». Il effectua des missions à Alger puis en métropole, parachuté comme chargé de mission de première classe.
Dénoncé par un membre de son réseau, la police allemande et des miliciens l’arrêtèrent le 18 décembre 1943, dans le restaurant du Cours Vitton à Lyon, où il avait l’habitude de prendre ses repas. Il tenta de fuir mais un milicien le blessa grièvement. Interné à la prison de Montluc à Lyon, il fut transféré à l’hôpital de la Croix-Rousse administré par les Allemands, où il participa à une évasion organisée par Georges Lyvet avec l’aide d’une infirmière missionnée par une religieuse résistante lorraine, sœur Hélène. Mais très affaibli, sa tentative échoua ; cinq résistants réussirent dans la nuit du 13 au 14 juin. En représailles, le lendemain René Israël, Georges Lyvet, Noël Jumeau et un inconnu furent exécutés. Sa mort fut déclarée le 15 juin.
Le commissaire de police de Lyon témoigna : « Le 15 juin 1944, j’ai été requis par les autorités allemandes occupant l’hôpital militaire de la Croix Rousse aux fins d’enlèvement de quatre cadavres de Français. Aucune identité ne m’a été fournie. Ces corps ont été transportés à l’institut médico-légal sous le numéro 297, 298, 299, 300. ».
René Israël fut inhumé anonymement avec ses camarades au cimetière lyonnais de la Guillotière. Son corps fut ultérieurement transféré dans le cimetière d’Hayange (Moselle).
Sa mère Élisa fut arrêtée par la Gestapo et la Milice quelques heures avant son fils René, puis internée également à la prison de Montluc. Le 15 janvier 1944, elle fut déportée en tant que juive et exterminée à son arrivée au camp d’Auschwitz-Birkenau, le jour de ses 70 ans. Son acte de naissance (Arch. mun. Paris, 1874, V4E5250, f° 10) indique qu’elle est morte à Auschwitz le 8 février 1944.
L’arrêté du secrétaire d’État aux anciens combattants et victimes de guerre en date du 6 février 1992 (JO du 27 mars 1992, p. 4272) autorisa l’apposition de la mention « Mort en déportation » sur les actes de décès d’Israel, née Berr (Élisa) le 7 février 1874 à Paris XX arr. (Seine), décédée le 8 février 1944 à Auschwitz (Pologne).
Le 16 décembre 1948, René Israël a été réinhumé dans le caveau familial auprès de son père dans l’ancien cimetière israélite de Hayange en Moselle.
Il a été reconnu « Mort pour la France », et homologué comme interné résistant et membre des FFC (GR 16 P 302328).
Son attitude lui valut une citation à titre posthume, avec attribution de la Croix de guerre : « officier de réserve, rendu à la vie civile en 1940 à Lyon ; dès cette époque, a mis sa parfaite connaissance de la langue allemande à la disposition d’une organisation clandestine d’évasion de prisonniers, dont il est rapidement devenu la cheville ouvrière ; a, de ce fait, participé à l’évasion de plus de huit cents prisonniers de guerre, dont trente-cinq officiers.
Lors de l’occupation de la zone Sud, il consacre toute son activité à la Résistance. Il part pour Londres, puis pour l’Afrique du Nord.
Chargé de missions pour le compte du gouvernement des Forces françaises libres, est volontaire pour revenir en France et s’y faire parachuter en 1943.
Il travaille alors pour les services spéciaux et les organisations de renseignement.
Le 18 décembre 1943, il est arrêté par la Gestapo, sur ordre de Klaus Barbie, au restaurant « Ross », cours Vuitton à Lyon ; il tente de s’enfuir, mais la Gestapo fait feu sur lui et lui brise les jambes.
Il est alors conduit à l’hôpital de la Croix-Rousse, où il est opéré sans anesthésie, puis transféré au fort de Montluc.
À l’hôpital de la Croix-Rousse, il est confronté avec sa mère, Madame Israël. La Gestapo tente de faire parler sa mère en braquant un révolver sur sa tempe. Ni Madame Israël ni son fils ne parlent.
La Capitaine Israël est à nouveau conduit, en juin 1944, à l’hôpital de la Croix-Rousse, torturé pendant des jours, puis assassiné sur son lit d’hôpital le 15 juin 1944 par Klaus Barbie et ses agents ».
René Israël obtint la Légion d’honneur à titre posthume, par décret du 7 novembre 1958 (JO du 3 décembre suivant), remise à sa veuve le 16 décembre de la même année
En juin 2015, la municipalité Front national d’Hayange a donné le nom de René Israël au passage de Diekirch, après que cette localité luxembourgeoise ait décidé de suspendre ses relations officielles avec la ville, comme l’avait fait Arlon (Belgique). D’après Le Républicain lorrain, ce changement d’appellation aurait fait suite à une demande de la famille, en particulier de son neveu, Daniel Costa. De fait, celui-ci participa à l’inauguration. L’article indique par ailleurs : « La requête de la famille de René Israël ne relève pas du hasard. Sa tombe avait été retrouvée lors d’un travail de recensement des 126 stèles de l’ancien cimetière juif de Hayange par Louis Drockenmuller et Jean-Thomas Casarrotto, des historiens bénévoles. Les choses n’ont pas traîné. Et après avoir rendu hommage à son oncle, Daniel Costa s’est félicité de la réactivité de la Ville.
Si les nouvelles plaques tirent un trait sur un jumelage révolu, elles n’affranchiront pas la population hayangeoise du devoir de mémoire. Celui scellant dans les murs de la ville le parcours d’« un magnifique patriote », chargé de mission de 1re classe par le gouvernement des forces françaises libres de Londres, nommé dans l’Ordre de la Légion d’Honneur au grade de Chevalier et décoré de la Croix de Guerre avec palmes.
René Israël, héros de la résistance, a permis l’évasion d’Allemagne de 800 prisonniers, dont celle du général Giraud, entre 1940 et 1942. En 1943, il appartient au bureau central de renseignement et d’action du gouvernement de la France Libre de Londres. Il a été dénoncé puis arrêté et torturé par la Gestapo en 1943. René Israël a été assassiné par les nazis sur son lit d’hôpital de la Croix-Rousse à Lyon, en 1944, puis enterré le 16 décembre 1948 aux côtés de son père à Hayange ».
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Son nom est gravé sur une plaque commémorative apposée à l’entrée de l’hôpital de la Croix-Rousse où une cérémonie annuelle est organisée par l’ANACR, le 15 juin pour saluer la mémoire des exécutés du « 15 juin » : Georges Lyvet, René Israël, Noël Jumeau et un inconnu.


Le 21 février 1985, la sœur de René Israël, Simone Israël, veuve Costa, née le 1er août 1907 à Hayange (Moselle), se constitua partie civile avec dépôt de plainte contre Klaus Barbie, déjà inculpé pour crimes contre l’humanité et complicité. Ses intérêts furent défendue par Me Vuillard (avocat postulant), avocat à Lyon, et Me de Beaurepaire (avocat plaidant), avocate à Paris. Le document indique ce qui suit :
« Je porte plainte contre Klaus Barbie à deux titres :
1. En qualité de sœur de René Israël, arrêté et assassiné à l’hôpital de la Croix-Rousse, à Lyon.
Mon frère faisait de la résistance, il a effectué à ce titre plusieurs missions, notamment la préparation du général Giraud. Il s’était rendu à ce titre en Angleterre, en Tunisie, en Algérie. Il a été arrêté le 18 décembre 1943 dans un restaurant du Cours Vitton, à Lyon, dont le propriétaire s’appelait M. Ross. Mon frère a été dénoncé par un ami du nom de Rieffel, et il a été capturé par des agents de la Gestapo. Alors qu’il tentait de s’enfuir, il a été blessé ux jambes. J’ignore qui a procédé à son arrestation. Il est possible qu’il ait été blessé par un milicien, mais il a ensuite été conduit en voiture par des agents de la Gestapo qui attendaient à l’extérieur du restaurant, jusqu’à l’hôpital de la Croix-Rousse où il a été plâtré. C’est d’ailleurs dans cet hôpital qu’il a été confronté avec ma mère, âgée de 70 ans, mais qu’il n’a pas parlé. Il a ensuite été transféré au fort de Montluc, puis reconduit à l’hôpital de la Croix-Rousse au mois de juin 1944.
Mon frère a été abattu avec trois autres personnes le 15 juin 1944, alors qu’il était toujours plâtré, et parce qu’il était « de race juive ». C’est du moins ce que j’ai appris en lisant le rapport de l’inspecteur de police Chardon dont une photocopie est jointe à la plainte, comme le montre la transcription ci-dessous.
Je considère que Klaus Barbie était le chef de la police allemande, et qu’il est donc responsable à ce titre de l’assassinat de mon frère. Et qu’il s’agit là d’un crime contre l’humanité.
2. En qualité de fille de Madame Élisa Berr, veuve Israël. Ma mère avait été arrêtée le 18 décembre 1943, à son domicile à Lyon par des personnes dont j’ignore l’identité mais je suppose qu’elles travaillaient pour la police allemande.
Quelques jours plus tard, des personnes parlant allemand sont revenues chez elle pour emporter les biens qu’elle possédait.
On a demandé à ma mère si elle connaissait l’adresse de mon frère, mais heureusement, elle ne la connaissait pas. Elle a malgré tout été emmenée et conduite à la prison de Montluc.
Elle a été confrontée avec mon frère à l’hôpital de la Croix-Rousse courant décembre 1943. Les agents de la Gestapo avaient essayé de la faire parler en braquant un révolver sur sa tempe, et en lui promettant la vie sauve. Elle ignorait d’ailleurs tout de ses activités de son fils et n’a pas parlé. Elle a ensuite été transférée au camp de Drancy, où elle est restée quelques jours. Elle a ensuite été déportée le 3 février 1944 à Auschwitz. Arrivée le 7 février 1944, elle n’est jamais revenue. Il m’a été rapporté par un témoin, Mme Goetschel, qu’elle avait été gazée immédiatement à l’arrivée.
Je considère qu’il s’agit là également d’un crime contre l’humanité dont Barbie porte l’entière responsabilité en qualité de chef de la Gestapo. [...] ».
Le dossier comprend également une photocopie du rapport de l’inspecteur de police judiciaire Chardon, destiné au commissaire chef de la 3e section de la brigade de police judiciaire de Lyon, écrit dans le cadre des recherches sur les crimes de guerre (sans date). À propos des quatre exécutions, il indique que son enquête lui permet d’affirmer ce qui suit :
« Ces quatre meurtres ont été commis [à l’hôpital de la Croix-Rousse), alors qu’aucun personnel français n’était présent, cet hôpital étant uniquement réservé et administré par les troupes d’occupation.
Au cours de l’enquête effectuée par les services de police français (commissaire Noël), le personnel allemand a fait connaître aux enquêteurs que c’était à la suite d’une tentative d’évasion des détenus que ceux-ci avaient été tués.
Aucune information sérieuse n’a pu être recueillie permettant de réfuter ces allégations, mais ces quatre victimes, notoirement l’une d’elles, le nommé Israël, étant de race juive, il est à présumer qu’elles ont été exécutées non pas pour les motifs invoqués par les autorités allemandes, mais sur sur des ordres formels des services de la répression anti-juive, lesquels appartenaient à la sous-section V » (note : cette section fut dirigée et commandée par Klaus Barbie).
Sources

SOURCES : Comité ANACR du Rhône. SHD, dossiers adm. des résistants. — État civil en ligne, Hayange, 2E258/116, vue 8. — Dossier de constitution de partie civile contre K. Barbie. — Le Républicain lorrain, art. du 22 juin 2015. — Sites Internet : base Léonore ; arrêté du 6 fév. 1992 concernant Élisa Israël ; fiche biographique, institut Yad Vashem de René Israël et de Élisa Israël.

Iconographie
ICONOGRAPHIE. Memorial GenWeb

Annie Pennetier, Frédéric Stévenot

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