Une plaque commémorative a été apposée au 12 rue du Capitaine-Delviche. Elle indique ce qui suit :
« Forces Françaises combattantes
Réseau Action (B.O.A.)
À la mémoire des membres
de la mission Jedburgh « Augustus »
Major John BONSALL (USA)
Capitaine Jean DELVICHE (France)
Sergent radio Roger COTE (USA)
lâchement abattus par l’ennemi
en cet endroit le 30 août 1944
Souvenons nous qu’ils sont morts
pour la libération de la France ».
La mission « Jedburgh » avait pour but de coordonner l’action des maquis et réseaux de la Résistance avec l’action des Alliés. Il s’agissait notamment de retenir le maximum de forces allemandes loin du front.
L’équipe Augustus partit du Royaume-Uni dans la nuit du 14 au 15 août 1944, et fut parachutée dans l’Aisne (région FFI A5). Elle fut la trente-quatrième équipe de ce genre à être envoyée en France, sur un total de cent-une.
Dwight Anderson reconstitua les événements de la façon qui suit. Le commandant de l’équipe Augustus fut le major John H. Bonsall, diplômé de l’université de Princeton de Morristown (New Jersey). Il devint officier d’artillerie en 1941 et officier des opérations spéciales de l’OSS en 1943, s’entraînant dans les zones F et B cette année-là avant d’être envoyé en Angleterre pour devenir un « Jed » (membre des missions Jedburgh).
En Grande-Bretagne, Bonsall, âgé de 25 ans, fit équipe avec le sergent Roger Cote, 21 ans, opérateur-radio de Manchester (New Hampshire), diplômé de la zone C, et le capitaine Jean Delviche de l’armée française.
Le 15 août 1944, ils furent largués derrière les lignes de l’armée allemande en retraite, avec vingt-quatre conteneurs représentant trois tonnes. L’équipe atterrit près de Colonfay (Aisne), près de Guise. Pris en charge par la Résistance locale, les trois hommes furent dirigés vers Le Nouvion-en-Thiérache (Aisne), au poste de commandement du groupe. Dans l’après-midi du 16 août, ils atteignirent une ferme, près de Clary (canton du Câteau-Cambrésis, Nord), apparemment plus sûre. Le lendemain, Roger Cote prévint le quartier général que leur réception s’était bien déroulée. Le 19, il indiqua avoir réussi à prendre contact avec le chef du groupe de résistance (peut-être le responsable départemental FFI). Le lendemain, un message annonça que l’organisation de la Résistance était très avancée, avec 1 100 hommes armés et entraînés, et 4 900 autres non armés.
Le 21 août, l’équipe se déplaça vers le sud, et arriva à Rugny (hameau de la commune d’Arcy-Sainte-Restitue, Aisne), au sud-est de Soissons. Elle envoya d’autres messages relatifs à des cibles à atteindre par l’aviation alliée, surtout d’importantes colonnes allemandes et des trains coincés par des dégâts sur les lignes ferroviaires. Cependant, le 25, la mission indiqua qu’il y avait trop d’ennemis dans la région pour qu’un maquis puisse être constitué, et que les cachettes devenaient de plus en plus difficiles à trouver. Le lendemain, elle annonça avoir repéré des fortifications de campagnes érigées par les Allemands derrière l’Aisne.
Le 28, apprenant que les chars américains se dirigeaient vers Soissons, l’équipe renseigna l’état-major de la 3e division blindée Patton sur les défenses allemandes, notamment celles de Margival (au nord de Soissons).
Le surlendemain, le 30, elle reçut l’ordre suivant : « avons reçu l’ordre du commandement militaire de prendre toutes les mesures possibles pour préserver les ponts de la Somme des démolitions ennemies. Tous les ponts de la région d’Amiens, Moreuil, Boves, Piquigny, Condé, Longpré.Vous devrez essayer de préserver ces ponts pendant environ quatre jours après réception de ce message. C’est une tâche importante. Comptons sur votre entière coopération. Si vous en avez besoin, de l’aide peut être apportée de Typhons volant à basse altitude » (les Hawker Typhoon sont des avions d’attaque). Le même jour, l’équipe traversa les lignes entre Laon et Froidmont, dans un secteur que Jean Delviche connaissait bien.
Selon l’enquête menée par l’OSS, dans la nuit orageuse et pluvieuse, déguisés en civils français et munis de faux papiers d’identité, les trois Jeds empruntèrent une charrette tirée par des chevaux à M. Magnien, un fermier qui abritait des résistants dans sa grange. Ils y cachèrent leurs armes et leur radio sous un chargement de foin. Après une vingtaine de kilomètres environ, tard dans la nuit, alors qu’ils arrivèrent au village de Barenton-sur-Serre, à 5 km de leur destination, la tempête devint si violente et la nuit si sombre que les Jeds ne virent probablement pas les trois chars allemands postés à un point de contrôle, à une intersection, jusqu’à ce qu’ils soient sur eux.
Vers 23 heures, des habitants du village voisin entendirent une douzaine de coups de feu. Une demi-heure plus tard, les chars, éléments de la 9e division SS de Panzer ou de la 116e division de Panzer poursuivirent leur retraite. Le cheval revint avec la charrette à la ferme.
Au matin, M. Magnien et les villageois découvrirent les trois corps à l’intersection, tous avec l’arrière du crâne perforé par des balles. Bonsall et Delviche étaient couchés côte à côte ; Cote, qui chercha peut-être à s’échapper, était couché face contre terre, les bras écartés, à une douzaine de mètres. Les Allemands avaient arrêté le chariot, probablement trouvé les armes et la radio à l’arrière, conclu que les hommes étaient des espions et décidèrent de les exécuter sommairement.
Les villageois enterrèrent les trois soldats dans des tombes non marquées, à côté de l’église locale, et les recouvrir d’un drapeau français ; le maquis était arrivé et organisa une cérémonie militaire.
Plus tard dans la journée, la 3e division blindée américaine balaya la région sur les talons des forces allemandes qui battaient en retraite.
Sources

SOURCES. Sites Internet : Généalogie Aisne ; Mémorial GenWeb ;Find a grave (1 et 2]).

BIBLIOGRAPHIE. S. J. Lewis, Jedburgh Team Operations in Support of the 12th Army Group, August 1944, Combat Studies Institute, U.S. Army Command and General Staff College, Fort Leavenworth, Kansas, 1991. Sur la mission « Augustus », voir p. 26 à 29 (cartes)

Iconographie
ICONOGRAPHIE. Généalogie Aisne

Frédéric Stévenot

Version imprimable