Né le 4 octobre 1908 à Castelnaudary (Aude) ; mort exécuté sommaire le 6 août 1944 à Millau (Aveyron) ; ouvrier du bâtiment (plâtrier) ; militant communiste et syndicaliste (CGT) de l’Aude ; militant communiste clandestin de l’Aude, de l’Hérault puis de l’Aveyron ; résistant (FTPF) de l’Aude puis de l’Aveyron.

Marceau Perrutel
Marceau Perrutel
Archives départementales de l’Aude
Marceau Perrutel était natif de Castelnaudary, mais sa famille était domiciliée à Carcassonne. Fils de Jean Perrutel, cultivateur âgé de trente-quatre ans en 1908, et de Mathilde, Hortense Graves, sans profession, âgée de vingt-quatre ans en 1908. À cette date, se parents étaient domiciliés rue de la Balle à Castelnaudary. Il se maria le 11 février 1928 à Carcassonne avec Filiberta, Rose Gil. Celle-ci était domiciliée en 1944-1946 au 103 faubourg Figueroles, à Montpellier (Hérault).
Marceau Perrutel se confond peut-être avec Perrutel M., ouvrier du bâtiment syndiqué à la CGT et responsable, en 1938, de la section communiste de Cerdagne (Pyrénées-Orientales), à Font-Romeu, dans le département voisin. En 1939, il était un militant communiste et syndicaliste de Carcassonne.
À partir de 1940, il milita dans le parti communiste clandestin de l’Aude. Il fut ensuite envoyé en 1941 par le PC à Montpellier où il s’occupa d’une imprimerie clandestine. De retour à Carcassonne, il fut chargé des FTPF « légaux » et s’occupa de sabotages. Menacé il se réfugia dans les Pyrénées-Orientales où, selon certaines sources, il aurait rejoint un maquis de ce département (mais il n’apparaît jamais dans les noms de maquisards FTPF des Pyrénées-Orientales) et fut affecté dans l’Aveyron, à la fin de 1943 en qualité de commissaire aux opérations régional des FTPF (région Tarn-Aveyron) affecté à un secteur. Sa femme demeurée à Montpellier était devenue un agent (courrier) de liaison interrégional. Il intégra le maquis d’Ols (4201e compagnie des FTPF), à l’ouest du département mis en place par Georges Delcamp, François Vittori, alias commandant Marc, chef du maquis d’Ols (Aveyron), François Marty.
Chef de camp, Perrutel mena des opérations spectaculaires comme, le 26 mars où, à la tête d‘un groupe de cinq hommes, il fit dévaler, à reculons depuis le col de la Garde (ligne de Béziers, Hérault à Neussargues, Cantal, au nord de Séverac), un train qui dans sa course détruisit des aiguillages en gare de Séverac-le-Château (Aveyron) et provoqua deux jours d’interruption du trafic. Après une tentative de la 4201e compagnie des FTPF qui échoua le 26 février 1944, treize internés politiques enfermés à la prison de Villefranche-de-Rouergue (Aveyron) — parmi eux, Louis Odru de Nice, et Gustave Fournier cheminot de Montpellier qu’il avait bien connu pendant son séjour clandestin au chef-lieu de l’Hérault — furent libérés les 6 et 7 juin 1944, après une intervention du maquis auprès de la direction. Les prisonniers intégrèrent le maquis FTPF le 10 juin, le jour où Perrutel, chef de camp, le quitta après un « échec » et pour se « revaloriser comme chef de groupe » [selon Bouladou, op. cit, p. 373] — pour aller rejoindre le maquis de Coudols (4205e compagnie des FTPF), dans le sud Aveyron. Ce maquis — qui prit le nom d’Alfred Merle* (1884-1944, fondateur de Combat à Millau, arrêté le 6 février 1944 à Millau et mort sous la torture de la Sipo à Rodez le 11 février — avait été fondé au début d’avril 1944 par des communistes de Millau et d’autres localités du sud Aveyron ou venant du maquis d’Ols. Ses effectifs doublèrent entre avril et juin 1944, passant de trente à soixante, parmi lesquels des étrangers : Polonais (venus du bassin houiller de Carmaux, Tarn) , Russes et Allemands. Son PC était implanté dans une bergerie de Coudols, au sud du haut plateau du Lévézou, entre Millau et Rodez, limité au nord par la vallée de l’Aveyron et au sud par celle du Tarn
Marceau Perrutel devint bientôt l’un des cadres du maquis Alfred-Merle de Coudols. Le 26 juin, il participa à la tentative d’enlèvement du maire, réputé « collaborateur », de Saint-Léons-en-Lévézou qu’il devait, avec son groupe, ramener au maquis. Mais le maire, sa femme et sa fille armés de revolvers se défendirent. Un maquisard du groupe de Perrutel fut légèrement blessé au front. Le 29 juin, Perrutel dirigea l’embuscade de Viarouge, sur la RN 111 (aujourd’hui RD 911) reliant Rodez à Millau, à quatre kilomètres de ce village et à huit de Pont-de-Salars, en plein cœur du Lévézou. Une ligne téléphonique avait été précédemment coupé par les maquisards qui attendaient l’arrivée d’un détachement allemand dépêché pour la réparer. L’objectif était de s’emparer d’armes. Les deux groupes commandés par Perrutel comprenaient vingt-et-un hommes. Le détachement allemand protégeant les réparateurs de la ligne était estimé à dix-neuf hommes. Le combat dura une demi heure. Un adjudant allemand fut tué ainsi qu’un maquisard, le Polonais Marius âgé de dix-huit ans. Trois autres maquisards furent blessés dont le Polonais Jean Kot alias « Katamount » gravement atteint à un œil qui fut soigné par le docteur Amans maire de Pont-de-Salars puis opéré par le docteur Caussat à Saint-Affrique (Aveyron). L’arrivée d’un deuxième camion de soldats allemands provoqua le décrochage du groupe de Perrutel et l’empêcha de récupérer les armes. Les Allemands se vengèrent en prenant en otage les habitants des villages de Pont-de-Salars et de Prades-Salars. Le chef de la Sipo de Rodez, Böttger et le colonel Von Bassompierre exigèrent la dénonciation des maquisards de Perrutel et la livraison de Juifs supposés résider dans ces villages. Les maires des deux communes, le docteur Amans et Séguret s’offrirent en otages. Finalement les Allemands qui ne trouvèrent personne prirent cinq otages qui furent pour quatre d’entre eux envoyés en Allemagne au STO. Le cinquième fut déporté. Ce combat fit, vingt ans plus tard (1964) l’objet d’une polémique dans la presse. Raymond Fournier alias « Charles », chef des FTPF de l’Aveyron (coupures reproduites in Bouladou, op. cit., 2006, pp. 368-369) dut faire une mise au point afin de défendre les FTPF accusés d’avoir failli provoquer la destruction de deux villages et de leur population.
Le 26 juillet 1944, Perrutel et deux autres maquisards, Henri Froment de Millau et René Verdier d’Onet-le-Château (Aveyron), tentaient de provoquer la désertion d’un groupe d’Arméniens (Ost Legion) de la garnison allemande de Millau. Dénoncés par un maquisard transfuge (« Marcel » ou « Ramon », matricule 41900 des FTPF), puis reconnus par lui, ils furent arrêtés par la Sipo-SD de Millau, sur les rives du Tarn, à Millau-Plage, alors qu’ils s’apprêtaient à prendre en charge les déserteurs arméniens. Le 27 juillet, conduits par le traître Marcel, les Allemands attaquèrent un groupe du maquis Alfred-Merle cantonné à la bergerie de l’Ourtiguet près de Viala-du-Tarn (Aveyron). Six des dix maquisards furent exécutés par les Allemands, les quatre autres ayant réussi à s’enfuir.
Perrutel, Verdier et Froment enfermés dans les caves de l’hôtel de la Compagnie du Midi, près de la gare SNCF, furent interrogés par la Sipo et sauvagement torturés. Ils furent exécutés le 6 août 1944, près du ruisseau de la Borie Blanque, au lieu-dit les Canabières, en haut de la côte du Crès (sur le territoire de la commune de Millau, au nord de la ville). Les corps mutilés, les mains liées dans le dos, furent retrouvés le 8 août par D. Cacho, berger de la métairie de la Borie Blanque. Le registre de l’état civil de Perrutel signale que le décès constaté le 8 août 1944 parait remonter au 6. L’identité présumée du défunt, un « jeune homme de 20 ans (sic) environ vêtu d’un complet bleu marine à rayures contenait une lettre écrite au crayon destinée au père de la victime et signé PERRUTEL Marceau matricule FFI 41 102 ». Dans cette lettre publiée sur un site carcassonnais en janvier 2017, Perrutel ne revendique jamais son affiliation au PC et son engagement dans les FTPF et met en avant son appartenance aux FFI. Il pensait que sa femme était morte alors qu’elle survécut aux épreuves de la clandestinité et de l’occupation allemande. Enfin, il faisait état à une manifestation en sa faveur dont il a eu connaissance ;.
Le 10 août, plusieurs milliers de Millavois bravèrent la présence allemande lors des obsèques de leur concitoyen Henri Froment, compagnon de Perrutel.
Marceau Perrutel fut inhumé à Carcassonne au cimetière Saint-Michel (carré 22, tombe 68). Son nom figure sur le monument commémoratif du haut du Crès, aux côtés de ceux de Froment* et de Verdier. La stèle porte l’inscription suivante : « Pour que vive la France, ici sont tombés lâchement torturés et assassinés par les Allemands les FTPF Marceau Perrutel Henri Froment André [pour René] Verdier Français souvenez-vous ». Son nom figure aussi sur le monument mémorial de Sainte-Radegonde (Aveyron) (Voir Sainte-Radegonde, Champ de tir (17 août 1944)) et sur le monument aux morts de Montpellier (Hérault). Il existe une rue Marceau-Perrutel à Carcassonne et une place Marceau-Perrutel à Castelnaudary.
Voir Millau, La Borie Blanque, 6 août 1944 (ou 5 août selon certaines sources)
Dernière lettre de Marceau Perrutel à son père (Carcassonne) transmise par l’intermédiaire du commissaire de Millau (publiée le 10 janvier 2017 sur le sitehttp://musiqueetpatrimoine.blogs.lindependant.com/archive/2014/08/14/la-rue-marceau-perrutel-1908-1944-196549.html ).
 
Monsieur le commissaire de Millau,
Je vous fais parvenir cette lettre, d’abord pour vous dire que la plupart des pièces qui ont été produites dans mon affaire sont fausses. J’ai un nom et un matricule des F.F.I. Monsieur le commissaire, je vous saurais gré de bien vouloir faire parvenir cette lettre à mon père 7, enclos St-Louis. Route de Montréal à Carcassonne.
Bien cher père et toute la famille,
Je vais mourir. C’est pour la France, mais je t’assure que je ne compte pas mourir dans des circonstances aussi odieuses. Ici, on m’accuse de tout, de l’armée de Staline, alors que je n’ai jamais servi que dans les Forces Françaises de l’Intérieur. Ceci leur permet de me tuer comme un chenapan, sans patrie ni drapeau. Sans doute, je vais mourir écharpé, mais qu’à cela ne tienne, ma conscience est propre. Ici on me reproche les sabotages ; à mon avis, il vaut bien mieux cela que l’aviation qui détruit tout et manque souvent le but.
Pour ma part, de toutes les actions auxquelles j’ai participé, aucune vie humaine n’est à regretter, et cela me réconforte. Eux, font comme s’ils ne faisaient pas de victimes. Voilà huit jours que j’attends la mort ; enfin elle vient, je l’en remercie, mais c’est sous la forme du martyre. Rose est certainement morte aussi.
La foule a manifesté pour moi, c’est tout ce qui me réconforte car elle ne croit pas aux mensonges et me prend pour un de ses fils. Cher père, tu ne peux comprendre combien de loin j’ai pensé à toi. Encore, lorsque la foule manifestait, je pensais à toi, je te voyais traîner dans la foule. C’est avec cette pensée que je vais mourir. Ici, on refuse à me prendre pour un soldat des F.F.I. Pourtant c’est bien avec honneur que j’ai servi pour la France ; car les sabotages que l’on nous reproche nous ont été enseignés par des officiers parachutés d’Algérie. Ceci c’est pour te mettre au courant de ce faisait ton fils. Je termine en t’embrassant bien fort ainsi que toute la famille. N’oublie pas d’aller apporter la nouvelle aux parents de Rose.
Pour la France - Pour le drapeau - Adieu mon père.
Marceau Perrutel

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Sources

SOURCES : AVCC, Caen, dossier 21 P 267871. — Julien Allaux, La 2e Guerre mondiale dans l’Aude, Épinal, Éditions du Sapin, 1986, 254 p. [p. 151]. — Gérard Bouladou, Les maquis du Massif Central méridional 1943-1944. Ardèche, Aude, Aveyron, Gard, Hérault, Lozère, Tarn, Nîmes, Lacour Rediviva, 2006, 617 p. [pp. 371-376, pp. 377-378, p. 418, p. 420]. — Christian Font, Henri Moizet, Maquis et combats en Aveyron. Opinion publique et Résistance. Chronologie 1936-1945, Rodez & Toulouse, ONAC Aveyron, ANACR Aveyron, CRDP Midi-Pyrénées, 2e édition, 2001, 412 p. [pp. 223-224 ; 276 ; 277-278 ; 311-312 ; 323-324]. — Christian Font, Henri Moizet, Construire l’histoire de la Résistance. Aveyron 1944, Rodez & Toulouse, CDDP Rodez, CDHIP Rodez, CRDP Midi-Pyrénées, 1997, 343 p. [pp. 153-155 ; p. 183 ; pp. 184-185 (lettre de Marceau Perrutel à sa famille), p. 349]. — Raymond Fournier, La fin du Geste (roman sur la résistance rouergate), Rodez, Éditions Jeanne Saintier, 1947 ; La ronde de la mort, Rodez, Subervie, s.d. [1950], 64 p. [pp. 2-3] ; Terre de combat. Récits sur la résistance, Ille-sur-Têt, Maury imprimeur, 1973, 344 p. — Site Aveyron résistance consulté le 7 août 2016 [Le site attribue à Perrutel le prénom de « Marcel »]. — MemorialGenWeb consulté le 26 février 2016 et le 27 août 2016. — Site musiqueetpatrimoine.blogs.lindependant (Carcassonne), consulté le 15 janvier 2017. — État civil de Castelnaudary, acte de naissance de Marceau Perrutel et mention marginale.

André Balent

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