Né le 20 décembre 1896 à Varsovie (Pologne), exécuté sommairement le 9 juin 1944 à Communay (Isère, Rhône depuis 1967), de nationalité polonaise ; tricoteur ; résistant au sein du bataillon Carmagnole des Francs tireurs et partisans de la Main d’œuvre immigrée (FTP-MOI) à Lyon (Rhône).

Chil Rubin et Bayla Zankorn
Chil Rubin et Bayla Zankorn
Chil Rubin et son épouse Bayla posant chez un photographe. Varsovie, 1914.
Source : Mémorial de la Shoah/Coll. MJP, cote MJP1_87.
Chil Rubin et sa famille
Chil Rubin et sa famille
Famille Rubin (Chil et Bayla avec leurs enfants Rose, Madeleine, Jacques et Albert) posant chez un photographe, Varsovie. Pologne, 1925.
Source : Mémorial de la Shoah/Coll. MJP, cote MJP2_16
Chil Rubin était juif polonais. Il était le fils d’Abraham et Chachia (ou Rifka Racha) Goldebart. Il servit dans l’armée polonaise, dans une unité non combattante. Il vécut à Varsovie où il eut quatre enfants avec Bayla Laja Zankorn : Chasia Rywka (dite Rose), le 25 septembre 1919, Malka (dite Madeleine), le 4 mars 1921, et deux jumeaux, Abraham (dit Albert) et Icchok (dit Jacques), le 26 avril 1924. Chil Rubin et Bayla Zankorn se marièrent à Varsovie le 26 mars 1926.
En 1927, Chil Rubin émigra en France et s’installa à Paris. Le 11 avril 1930, Bayla Rubin arriva en France et rejoignit son époux. La famille Rubin vécut 39 rue du Roi de Sicile (IVe arr.) jusqu’en avril 1938, puis 15 rue Ferdinand Duval (IVe arr.). Les Rubin furent artisans tricoteurs.
Au mois de septembre 1941, Jacques et Albert Rubin partirent en zone libre. Ils traversèrent clandestinement la ligne de démarcation aux environs de Port-de- Piles (Vienne) et rejoignirent des amis à Lyon (Rhône). Le 26 septembre 1941, ils se présentèrent au centre d’accueil des réfugiés, rue de la Scaronne (Lyon), et furent remis au service des étrangers de la préfecture du Rhône. Ils furent incorporés dans le 5e Groupement de travailleurs étrangers (GTE).
A la fin de l’année 1941, souhaitant sans doute rejoindre ses fils, Chil Rubin franchit à son tour la ligne de démarcation. Transitant par Limoges (Haute-Vienne), il arriva à Lyon le 31 décembre 1941. Il résida 18 rue Pierre Blanc (Ier arr.).
Chil Rubin entreprit des démarches pour faire libérer Jacques et Albert. Le 4 mai 1942, la Direction de la police du territoire et des étrangers (ministère de l’Intérieur) transmit sa demande au préfet du Rhône : « […] M. Rubin Chil [...] sollicite la libération de ses deux fils Rubin Albert & Jacques, incorporés dans un Groupe de T.E. dépendant du Fort de Chapoly. Ces étrangers seraient détachés dans une entreprise forestière comme bûcherons, mais vu leur jeune âge (18 ans), ce travail serait trop pénible pour eux. [...] Vous voudrez bien me faire connaître si [...] les intéressés peuvent être libérés. » A la demande de la préfecture, le Service social des étrangers sollicita l’avis des chefs de Groupes de travailleurs étrangers (GTE). Loin d’être dociles, les frères Rubin firent l’objet de rapports très négatifs. Le chef du GTE de Ruffieux (Savoie), répondit au sujet de Jacques Rubin : « Avis défavorable. Ce T.E. qui a maintenant 18 ans, est régulièrement incorporé d’après les circulaires en vigueur. Il a purgé une peine disciplinaire à la section spéciale de Chapoly pour paresse au travail. [...] ». Le 5 juin, le commandant du 514e GTE (Savigny, Haute-Savoie) exprima également un avis défavorable « […] Le T.E. Rubin Jacques a été l’objet d’une punition disciplinaire de quinze jours pour le motif suivant : " de mauvaise volonté au travail – mauvais esprit, indiscipliné – se moque du contremaître – lui répond très malhonnêtement – exemple très nuisible pour les autres T.E. - plaintes réitérées de l’employeur. " [...] ». Le chef du 144e GTE (Saint-Rambert, Ain) fit également un rapport à charge : « [...] I°- les frères Rubin étaient employés à l’Entreprise Limousin Descours, 11 cours de Verdun à Lyon. Leur chantier se trouvait à 6 K de la Valbonne au lieu dit Île du Néant. 2°- Prévenu par téléphone par le chef de chantier que ces deux T.E. faisaient preuve de mauvais esprit et manquaient de discipline, j’ordonnais aussitôt une enquête : […] mon adjoint, se rendit à cet effet à l’Île du Néant. 3° Son rapport confirme les déclarations du contremaître. Très mauvais esprit, pas de discipline et malgré la défense formelle du Chef de chantier de quitter le chantier, n’ont pas hésité à se mettre à l’eau pour partir en permission irrégulière. 4°- J’ai transmis ce rapport au chef du 5e Groupement en proposant une punition de 15 jours de séjour à la section de discipline. 5°- Je ne possède aucun renseignements sur la vie antérieure de ces deux T.E., attendu qu’ils appartiennent à mon groupe depuis 2 semaines et demi.. [...] ». Le 24 juin 1942, le préfet du Rhône délégué exprima donc un refus catégorique à la demande de libération des deux frères.
A la fin du mois de juin 1942, Bayla Rubin quitta Paris avec son fils Charles pour rejoindre Chil Rubin, domicilié à Villeurbanne (Rhône). Le 17 juillet 1942, la préfecture de l’Indre envoya un télégramme à la préfecture du Rhône pour savoir si cette « polonaise ayant franchi clandestinement ligne démarcation » était autorisée à rejoindre son mari. Suite à ce message, la police enquêta pour estimer si Chil Rubin était en mesure d’héberger Bayla Rubin. Le policier chargé d’enquête constata dans son rapport du 1er septembre que Chil Rubin, sa femme et trois de ses enfants (Jacques, Albert et Charles) habitaient une chambre garnie, 5 cours du Sud à Villeurbanne. Chil Rubin travaillait aux établissements Laurent, 72 rue Tronchet et gagnait 360 francs par semaine. D’après ce même rapport, Bayla Rubin était arrivée à Lyon le 1er août 1942.
Le 13 septembre 1942, Albert Rubin fut écroué à la Maison d’arrêt de Lyon (prison Saint-Paul) sous l’inculpation d’usage de fausse carte d’identité. Le 5 octobre 1942, déclaré coupable d’usage de fausse pièce d’identité et fausse déclaration par le tribunal correctionnel de Lyon, il fut condamné à la peine d’un mois de prison. Il fut libéré le 13 octobre 1942. Albert Rubin, signalé, le 18 septembre 1942, comme étranger détenu passible d’expulsion, et, le 14 octobre 1942, comme étranger ayant franchi clandestinement la ligne de démarcation, fit à son tour l’objet d’une enquête. La police constata qu’il avait disparu après sa libération de prison, le 13 octobre, et ne put le retrouver.
Le 26 novembre 1942, Darquier de Pellepoix signa un décret permettant la spoliation des biens de Chil Rubin : « Le commissaire général aux questions juives, Vu l’article 1er de la loi du 22 juillet 1941 relative aux entreprises, biens et valeurs appartenant aux juifs, arrête : Article unique. - Les immeubles suivants, appartenant en tout ou en partie ou dirigés en tout ou en partie par des Juifs, sont pourvus des administrateurs provisoires ci-après : […] M. Legrais, 16, rue de Tannebourg, au Perreux, pour les entreprises : […] Rubin (Chil), 15, rue Ferdinand-Duval, à Paris (pour prendre effet à la date du 18 juin 1941). […] »
Le 30 mars 1943, Chil Rubin fit l’objet d’une « Notice individuelle concernant un étranger qui a franchi clandestinement la ligne de démarcation ». Ce document nous apprend, au passage, qu’à cette date, il habitait toujours 5 cours du Sud et travaillait toujours chez Laurent, 72 rue Tronchet. Suite à ce signalement, il fut arrêté le 20 avril 1943 et présenté devant la commission d’incorporation des Travailleurs Étrangers (TE). Considéré comme apte, il fut conduit au fort de Chapoly et incorporé dans le 972e GTE. Le 14 septembre 1943, Rubin Chil s’échappa et fut porté « déserteur ».
A une date inconnue, Chil Rubin s’engagea dans le bataillon Carmagnole des Francs-tireurs et partisans de la Main d’œuvre immigrée (FTP-MOI).
Le 16 janvier 1944, il fut arrêté par les Allemands avec son fils Jacques, « pour complicité avec la Résistance » d’après Albert Rubin. Il furent conduits à la prison de Montluc (Lyon). Jacques fut incarcéré dans la cellule 110. Chil pourrait avoir été détenu dans la « baraque aux Juifs ». En effet, il existe une liste des prisonniers de la baraque sortis le 9 juin parmi lesquels un certain « Rouben ».
Fin février 1944, Bayla Rubin déménagea de son domicile du 5 cours du Sud pour se réfugier chez sa sœur, Madame Rhochberg, 4 place Belfort (Lyon, IVe arr.).
Albert Rubin fut arrêté le 12 mars 1944 à Lyon. Il fut emprisonné à Montluc, transféré le 19 mars au camp de Drancy et déporté à Auschwitz, le 27 mars, par le convoi numéro 70.
A nouveau, le 8 décembre 1943 et le 21 mars 1944, la préfecture de l’Indre attira l’attention de la préfecture du Rhône sur Bayla Rubin : « […] je vous ai adressé une note, concernant la nommée Rubin née Zandibron Bajla, en 1896, israélite de nationalité polonaise, laquelle se serait rendue sans autorisation à Villeurbanne, 5 cours du Sud, où réside son mari. Je vous serais obligé de vouloir bien me faire connaître si ce renseignement est exact et, dans l’affirmative, si le dossier de l’intéressée doit vous être transmis. » Le 19 avril 1944, le préfet ordonna au commissaire central de rechercher Bayla et de la transférer au Petit dépôt. Le 28 avril, le commissaire répondit : « [...] la nommée Rubin née Zandkorn Bajla en 1896 à Varsovie (Pologne), n’a pu être découverte dans l’agglomération lyonnaise. Elle demeurait avec son mari depuis le 1-8-1942 à Villeurbanne, 5 cours du Sud. Tous deux ont quitté cette adresse en août 1943. Le mari : Rubin Chil né le 20-12-1896 à Varsovie appartenait au 972e G.T.E où il est porté déserteur depuis le 14-9-1943. Depuis cette date le nom des sus-nommés ne figurent pas à nos divers sommiers de recherches et aucun renseignement n’a pu être recueilli sur leur adresse actuelle. [...] »
Le 9 juin 1944, Chil Rubin, son fils Jacques et dix-sept autres détenus furent extraits de Montluc. Les Allemands les enchaînèrent deux par deux et les firent monter dans deux camionnettes. Une motocyclette transportant des mitraillettes prit la tête du convoi, suivie de deux voitures noires conduisant des officiers de la Gestapo. Une seconde motocyclette transportant également des mitraillettes se plaça en queue de convoi derrière les camionnettes. Vers 20h30, les prisonniers, ainsi escortés par les Allemands, furent conduits à Communay (Isère, Rhône depuis 1967) via la route nationale 7. Les véhicules stoppèrent au bord du bois de Cornavent sur le côté de la route. Les Allemands bloquèrent la circulation des deux côtés de la nationale et éloignèrent les personnes se trouvant dans les champs alentour. Ils firent descendre huit prisonniers de la première camionnette en deux groupes successifs de quatre hommes. Au fur et à mesure qu’ils sortaient du véhicule, les détenus furent abattus à coups de mitraillettes. Les onze autres prisonniers furent sortis de la deuxième camionnette et furent exécutés de la même manière. Toutes les victimes furent achevées d’un coup de pistolet dans l’oreille. Les Allemands qui massacrèrent ces hommes étaient en civil. Après l’exécution, ils firent demi-tour vers Lyon, abandonnant les corps sur place.
La mairie de Communay fut alertée mais les autorités ne purent relever les corps que le lendemain car, le jour même, il pleuvait à torrent. Ils découvrirent les cadavres à environ dix mètres de la route nationale 7, répartis en trois groupes : deux de quatre hommes et un de onze.
Le corps de Chil Rubin fut décrit ainsi : cheveux châtains grisonnants, nez rectiligne, bouche grande, taille 1m65 environ, veste grise à rayures, pantalon bleu à rayures, ceinture en étoffe, chemise grise, souliers bas noirs avec semelles en caoutchouc, chaussettes marron. Le 10 septembre 1945, il fut reconnu sous le numéro 11 par son fils Albert Rubin, rentré de déportation. Chil Rubin fut également identifié grâce à ses empreintes (il était fiché puisqu’il avait été arrêté en 1943).
Rubin Chil fut homologué FFI et Interné résistant. Il fut reconnu Mort pour la France. Son nom, orthographié Chib Rubin, apparaît sur le monument commémorant le massacre du 9 juin 1944 à Communay. Il est également gravé sur une stèle située dans le cimetière parisien de Bagneux (Hauts-de-Seine) et sur la plaque rendant hommage aux combattants FTP-MOI, qui se trouve place Léon Sublet à Vénissieux (Rhône).
Rose, la seconde fille de Chil Rubin, qui était mariée à Monsieur Choumetzky, fut déportée en Allemagne avec son enfant de 2 ans. Elle ne revint pas de déportation. Survécurent à la guerre, Bayla, le petit Charles, Madeleine, mariée à David Birnbaum, et Albert, qui déporté à Auschwitz, ayant transité par Mauthausen et Bergen-Belsen, fut libéré le 16 avril 1945 et rapatrié en France le 9 juin 1945.
Voir Communay
Sources

SOURCES : Arch. Dép. Rhône, 3808W459, 3460W1, 3460W4, 3460W3, 3335W21, 3335W22, 3335W11, 3335W28, 3335W19 (Fonds Montluc en ligne, fiches et dossiers de Chil – orthographié Chib – Jacques et Albert Rubin), 829W424, 829W436, 829W174, 829W373, 829W335, 3678W17.— SHD, Vincennes, inventaire de la sous-série 16P.— Journal officiel de l’État français, lois et décrets, 19 décembre 1942.— Amicale des anciens Francs-tireurs et partisans de la main d’œuvre immigrée, Région Rhône-Alpes, Carmagnole, Liberté, 1995.— Notes de Dominique Tantin.— Site Internet du Mémorial de la Shoah.— Site Internet de Geneanet.— Mémorial Genweb.

Jean-Sébastien Chorin

Version imprimable