Né le 10 décembre 1915 à Vienne (Autriche), exécuté sommairement le 17 août 1944 à Bron (Rhône) ; de nationalité autrichienne ; commerçant ; résistant de l’Armée secrète (AS).

Robert Bruckner était le fils d’Adolphe Bruckner et d’Hélène Robin (ou Rubin). En 1925, il émigra d’Autriche et s’installa en France. Il vécut à Mulhouse (Haut-Rhin). En 1939, il fit des démarches pour se faire naturaliser français.
Engagé volontaire pour la durée de la guerre le 6 septembre 1939 à Belfort, il fut affecté au 12e régiment étranger d’infanterie (Légion étrangère). Il participa à la bataille de l’Aisne. Fait prisonnier le 18 juin 1940 à Gien (Loiret), il s’évada le 20 juin à Montargis (Loiret). Il fut décoré de la croix de guerre avec étoile de bronze. Il fut démobilisé provisoirement le 10 août 1940 et définitivement le 10 mars 1941 à Paris. Il demeura au 52 boulevard de Clichy (Paris, XVIIIe arr.). Robert Bruckner travailla en qualité de représentant pour le compte de l’Horlogerie Parisienne située 11 bis rue de Maubeuge à Paris (IXe arr.). En janvier 1942, il vint à Lyon (Rhône) dans le cadre de son travail, « muni d’un sauf conduit régulier ». Il résida à l’Hôtel des Archers, 15 rue des Archers (IIe arr.).
Courant avril 1942, Robert Bruckner fut contrôlé par la police française. Trouvé en possession d’une carte d’identité de Français portant la mention « né à Vienne (Isère) », il fut arrêté et écroué le 15 avril à la Maison d’arrêt de Lyon. Il fut libéré le 18 mai 1942. Le 28 mai 1942, il comparut devant le tribunal correctionnel de Lyon « sous la prévention de défaut de carte d’identité d’étranger ». Il fut condamné à un mois de prison avec sursis. En juin 1942, il résidait à l’Hôtel Colette, 14 place Gailleton (Lyon, IIe arr.). D’après un rapport de police, fin juin 1942, il était « en instance d’obtenir un contrat de travail au titre de représentant de commerce pour le Rhône ».
Le 10 décembre 1942, Robert Bruckner se maria avec Renée Dominique Félicie Pilaz. Leur fille naquit en 1943 à Lyon (IVe arr.). En 1944, les époux Bruckner demeuraient et exploitaient un commerce de chemiserie au 83 rue Pierre Corneille (Lyon, IIIe arr.). D’après Claude et Edith Pilaz, leur fille, Renée Pilaz, était agent de liaison de l’Armée secrète (A.S.), le magasin du 83 rue Pierre Corneille était une « boîte aux lettres » et Robert Bruckner était également résistant.
Le 4 août 1944, Robert et Renée Bruckner furent arrêtés au 83 rue Pierre Corneille soit par des hommes de la Gestapo et du Parti populaire français (PPF) soit par des miliciens. D’après Claude Pilaz, les époux Bruckner avaient été dénoncés comme résistants. Robert et Renée Bruckner furent conduits à la prison de Montluc (Lyon). Robert Bruckner fut incarcéré dans la « baraque aux Juifs » et Renée Bruckner fut emprisonnée dans le « magasin ».
Le 14 août 1944, eurent lieu des bombardements sur la base aérienne de Bron (Rhône). Devant l’ampleur des dégâts, les Allemands décidèrent de faire travailler sur le camp d’aviation des détenus juifs de la prison de Montluc.
Le 17 août, à 9 heures du matin, 50 prisonniers furent extraits « sans bagage » de la « baraque aux Juifs ». Le gardien Wittmayer fit l’appel et, à la dernière minute, les Allemands remplacèrent deux catholiques par des Juifs. Ils furent embarqués sur trois camions gardés par des soldats allemands armés de mitraillettes, puis amenés sur le champ d’aviation de Bron. A Bron, les prisonniers furent répartis par groupes de trois et contraints de rechercher, d’extraire et de désamorcer des bombes non éclatées. Vers midi, ils furent dirigés près d’un hangar pour déjeuner. L’un des détenus, Jacques Silbermann, profita de cette occasion pour s’évader. Après des menaces de représailles et de vaines recherches, les soldats allemands conduisirent les 49 détenus sur le chantier pour reprendre le travail. A 18h30, alors que les prisonniers remontaient sur un camion pour regagner Montluc, un major allemand donna l’ordre de les amener sur un autre chantier. Les 49 détenus furent conduits près de trois trous d’obus au dessus desquels ils furent exécutés par balles. Leurs corps furent ensuite recouverts de terre et de gravats.
Le lendemain, 18 août, 23 détenus juifs de Montluc, dont au moins 20 de la « baraque aux Juifs », furent également conduits sur le terrain d’aviation de Bron. Ils subirent le même sort que les prisonniers de la veille. Ils furent exécutés au-dessus d’un trou d’obus après avoir recherché, extrait et désamorcé des bombes non éclatées toute la journée.
Le 19 août, le chef de la « baraque aux Juifs », Wladimir Korvin-Piotrowsky, dû remettre « en tas » les bagages des 70 prisonniers aux autorités allemandes.
En septembre 1944, cinq charniers furent découverts sur le terrain d’aviation de Bron. Le corps de Robert Bruckner fut retrouvé dans le charnier E, situé entre les charniers C et D et contenant 26 cadavres. D’après le rapport du médecin légiste, il avait été tué d’une balle dans la tête. Grâce au témoignage du seul rescapé de l’exécution du 17 août, Jacques Silbermann, nous pouvons déduire que Robert Bruckner faisait vraisemblablement partie du groupe des 49 exécutés du 17 août 1944.
Son corps fut décrit comme suit : 1m75, cheveux châtains moyens. On trouva sur lui une alliance en or avec l’inscription « Renée et Robert, 10 décembre 1942 ». Son cadavre fut d’abord enregistré sous le numéro 91 puis identifié le 19 octobre 1944 par sa belle-mère qui reçut l’alliance.
Robert Bruckner obtint le titre d’interné résistant en 1957. La mention Mort pour la France fut transcrite en marge de son acte de décès en 1958.
Sa femme, Renée Pilaz, fut exécutée le 20 août 1944 au fort de Côte-Lorette à Saint-Genis-Laval (Rhône).
Voir Bron (17-21 août 1944)
Sources

SOURCES : DAVCC, Caen, dossiers de Robert et Renée Bruckner.— Arch. Dép. Rhône, 3335W22, 3335W13, 3460W1, 3460W2, 829W167, 3808W866, 31J66.— Pierre Mazel, Mémorial de l’oppression, fasc. 1, Région Rhône-Alpes, 1945.— Bulletin de l’Association des Rescapés de Montluc, N°18, mai 1946.— Bulletin de l’Association des Rescapés de Montluc, N°23, octobre 1946.— Site Internet de Yad Vashem.— Mémoire des Hommes.

Jean-Sébastien Chorin

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