Né le 7 janvier 1918 à Vienne (Autriche), massacré le 17 août 1944 à Bron (Rhône) ; de nationalité autrichienne ; ingénieur ; victime civile.

Alfred Nadler était juif autrichien. Il était le fils de Gedali (dit Gustave) Nadler et d’Ida Reiss. Il avait une sœur, Mathilde Nadler, née à Vienne (Autriche) en 1916 et mariée en 1937 avec Fritz Freund. Son père, Gedali Nadler, fit partie, en Autriche, des milices organisées avant 1938, pour lutter contre les organisations paramilitaires nationales-socialistes. En 1938, Alfred Nadler habitait vraisemblablement avec ses parents, sa sœur et son beau-frère au 23 Pater-Abel-platz à Vienne (XXe arr.).
Après l’Anschluss, le 12 mars 1938, les Nadler se sentirent menacés en tant que juifs et à cause de l’engagement de Gedali Nadler. Ils décidèrent donc de s’exiler. Alfred Nadler arriva en France le 10 juin 1938. Ses parents, son oncle, Oscar Reiss, et ses cousins Reiss, franchirent la frontière française en août 1938. Mathilde Nadler et son époux Fritz Freund rejoignirent la France le 24 septembre. Les parents d’Alfred Nadler, sa sœur et son beau-frère résidèrent tout d’abord à Paris. Le 14 octobre 1938, Gedali et Ida Nadler partirent à Lyon. Mathilde et Fritz Freund les rejoignirent le 8 janvier 1939. Alfred Nadler s’installa également à Lyon. Sa famille logea au 60 et 62 rue Saint-Jean (Lyon, Ve arr.). Alfred Nadler était ingénieur mais sans doute n’exerça-t-il pas plus son métier que son père, agriculteur, et son beau-frère, interprète. Vraisemblablement, tout comme eux, il survécut en 1939 grâce à l’aide du comité juif d’assistance aux réfugiés situé 12 rue Sainte-Catherine (Lyon, Ier arr.). A Lyon, la vie des Nadler et des Freund fut rythmée par l’obligation très régulière de demander des prorogations de permis de séjour. En avril 1939, Alfred Nadler logeait au centre d’hébergement des réfugiés autrichiens, 8 rue de la Solidarité à Bron (Rhône). Ses parents habitèrent au 23 rue du Bœuf (Ve arr.) à partir de juillet 1939.
Après le déclenchement de la guerre, Alfred et Gedali Nadler furent considérés comme ressortissants d’un pays ennemi et internés du 6 septembre au 5 décembre 1939. Début septembre, ils partirent du centre d’hébergement des Autrichiens situé à Bron, empruntant des couvertures et sacs de toile, et se rendirent au stade municipal de Lyon, lieu de rassemblement des ex-autrichiens. Alfred Nadler fut ensuite transféré au camp de Chambaran (Isère) puis à celui d’Arandon (Isère) où il fut emprisonné avec son beau-frère. Gedali Nadler fut interné au camp de Loriol (Drôme). Le 5 décembre 1939, Alfred Nadler s’engagea dans la Légion étrangère pour la durée de la guerre. Son père, son oncle, Oscar Reiss, et son beau-frère, Fritz Freund, firent de même. Démobilisés, ils revinrent à Lyon.
Alfred Nadler logea peut-être avec sa mère et sa sœur au 62 rue Saint-Jean à la fin de l’année 1940. En 1941, il demeura vraisemblablement au 23 rue du Bœuf avec sa famille. Impossible de savoir si Alfred Nadler put trouver un emploi après sa démobilisation ou s’il survécut grâce à l’aide du comité juif d’assistance aux réfugiés. Son père travailla comme terrassier et son beau-frère comme manœuvre. Le 25 septembre 1941, Alfred Nadler s’installa vraisemblablement avec sa famille au 23 grande rue de la Guillotière (Lyon, VIIe arr.). En 1942, il travailla comme mécanicien « au salaire mensuel de 1.500 frs ». Le 29 mai 1942, son beau-frère, Fritz Freund fut écroué à la prison Saint-Paul (Lyon, IIe arr.) sous l’inculpation de tentative d’escroquerie. Il fut libéré le 10 juin 1942. En août 1942, les Nadler et Freund partirent du domicile familial. Ils s’éparpillèrent et se cachèrent. Mathilde et Fritz Freund vécurent clandestinement dans différentes communes du Rhône. D’après une note datée de la fin de l’année 1942, Gedali Nadler n’habita plus au 23 grande rue de la Guillotière « de peur d’être pris et envoyé en Allemagne » « à la suite de la relève et d’y être traité comme déserteur ». Gedali Nadler se réfugia chez son ancien patron, 4 rue Pomme de Pin (Lyon). Le 4 février 1943, le commissaire central écrivit qu’Ida Nadler avait quitté son appartement « pour une destination inconnue sans faire viser sa carte d’identité au départ ». Les Freund furent recherchés vainement par la police en 1942 et 1943, les autorités françaises souhaitant les interner au camp de Gurs (Basses-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques) « conformément aux instructions prévues pour le regroupement des israélites établis en France depuis le Ier janvier 1936 ». Le 29 octobre 1942, le chef de la 1re Division de la Préfecture du Rhône se posa également la question de savoir si Ida Nadler avait « fait l’objet des mesures prévues pour les israélites entrés en France depuis le 1er janvier 1936 ». En 1942 et 1943, les Nadler furent également confrontés à d’autres difficultés et violences. D’après une note de l’intendant de police, datée du 1er octobre 1942 et portant sur la « réquisition d’appartements occupés par des israélites », Gedali (demeurant rue Pomme de Pin) et Alfred Nadler firent deux requêtes par lesquelles ils sollicitèrent la levée de la réquisition dont leur appartement faisait l’objet. L’intendant de police conclut ainsi sa note : « j’émets en ce qui me concerne un avis favorable à la prise en considération de ces demandes si les intéressés ne sont pas juifs ». Le 17 septembre 1943, le beau-frère d’Alfred Nadler, Fritz Freund, fut arrêté à Lyon, interné à la prison de Montluc (Lyon), et déporté en octobre 1943. Sa sœur, Mathilde Nadler, fut arrêtée le 2 novembre 1943, incarcérée à Montluc, puis libérée le 3 novembre 1943.
Alfred Nadler eut deux filles avec Yvonne Viallet. L’aînée naquit en janvier 1944 et la cadette en novembre 1944. En 1944, Alfred Nadler demeurait 6 rue des Chevaucheurs à Lyon (Ve arr.).
Le 11 août 1944, alors qu’il se trouvait au magasin « au 10.000 blouses », 19 rue Puits Gaillot à Lyon (Ier arr.), Alfred Nadler fut arrêté par la police allemande sous la fausse identité d’Alfred Martin. Identifié comme juif, il fut incarcéré à Montluc, dans la « baraque aux Juifs ».
Le 14 août 1944, eurent lieu des bombardements sur la base aérienne de Bron (Rhône). Devant l’ampleur des dégâts, les Allemands décidèrent de faire travailler sur le camp d’aviation des détenus juifs de la prison de Montluc.
Le 17 août, à 9 heures du matin, 50 prisonniers furent extraits « sans bagage » de la « baraque aux Juifs ». Le gardien Wittmayer fit l’appel et, à la dernière minute, les Allemands remplacèrent deux catholiques par des Juifs. Ils furent embarqués sur trois camions gardés par des soldats allemands armés de mitraillettes, puis amenés sur le champ d’aviation de Bron. A Bron, les prisonniers furent répartis par groupes de trois et contraints de rechercher, d’extraire et de désamorcer des bombes non éclatées. Vers midi, ils furent dirigés près d’un hangar pour déjeuner. L’un des détenus, Jacques Silbermann, profita de cette occasion pour s’évader. Après des menaces de représailles et de vaines recherches, les soldats allemands conduisirent les 49 détenus sur le chantier pour reprendre le travail. A 18h30, alors que les prisonniers remontaient sur un camion pour regagner Montluc, un major allemand donna l’ordre de les amener sur un autre chantier. Les 49 détenus furent conduits près de trois trous d’obus au-dessus desquels ils furent exécutés par balles. Leurs corps furent ensuite recouverts de terre et de gravats.
Le lendemain, 18 août, 23 détenus juifs de Montluc, dont au moins 20 de la « baraque aux Juifs », furent également conduits sur le terrain d’aviation de Bron. Ils subirent le même sort que les prisonniers de la veille. Ils furent exécutés au-dessus d’un trou d’obus après avoir recherché, extrait et désamorcé des bombes non éclatées toute la journée.
Le 19 août, le chef de la « baraque aux Juifs », Wladimir Korvin-Piotrowsky, dû remettre « en tas » les bagages des 70 prisonniers aux autorités allemandes.
En septembre 1944, cinq charniers furent découverts sur le terrain d’aviation de Bron. Le corps d’Alfred Nadler fut retrouvé dans le charnier D, situé entre les hangars 75 et 80 et contenant 22 cadavres. D’après le rapport du médecin légiste, il avait reçu une balle dans la tête, au niveau des cervicales. Grâce au témoignage du seul rescapé de l’exécution du 17 août, Jacques Silbermann, nous pouvons déduire que la fosse D contenait 21 victimes du 17 août et 1 victime du 18 août (Charles Schwartz). Alfred Nadler fit donc vraisemblablement partie du groupe des 49 exécutés du 17 août 1944.
Le corps d’Alfred Nadler, décrit comme suit : 1m77, cheveux châtains moyens, fut d’abord enregistré sous le numéro 76 puis identifié le 28 septembre par Gedali Nadler. Son acte de décès fut dressé le 9 octobre 1944 à Bron. Alfred Nadler fut inhumé au cimetière de Lyon - La Mouche (VIIe arr.).
Le titre d’interné politique lui fut accordé le 8 avril 1954. La carte correspondante fut attribuée à Yvonne Viallet, épouse Charton, tutrice des enfants mineurs d’Alfred Nadler, demeurant 67 quai Clemenceau à Caluire-et-Cuire (Rhône).
Voir Bron (17-21 août 1944)
Sources

SOURCES : DAVCC, Caen, dossier d’Alfred Nadler.— Arch. Dép Rhône, 3335W22, 3335W11, 3460W1, 3494W199, 3808W866, 31J66, 3335W23, 3335W14, 3335W26, 3335W15, 829W170, 4M654.— Bulletin de l’Association des Rescapés de Montluc, N°18, mai 1946.— Bulletin de l’Association des Rescapés de Montluc, N°23, octobre 1946.— Pierre Mazel, Mémorial de l’oppression, fasc. 1, Région Rhône-Alpes, 1945.— Site Internet de Yad Vashem.— Mémoire des Hommes.

Jean-Sébastien Chorin

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