Dans ce bourg de la Haute-Vienne, le 10 juin 1944, 643 habitants, réfugiés et personnes de passage - et non 642 selon le décompte établi en 1944-1945 et retenu jusqu’en 2019 - furent massacrés par un détachement du 1er bataillon du 4e régiment Der Führer de la 2e SS-Panzerdivision Das Reich placé sous les ordres du commandant Adolf Diekmann.

Ruines d'Oradour-sur-Glane
Ruines d’Oradour-sur-Glane
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Ruines de l'église d'Oradour-sur-Glane.
Ruines de l’église d’Oradour-sur-Glane.
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Le Centre de la mémoire d'Oradour-sur-Glane
Le Centre de la mémoire d’Oradour-sur-Glane
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Ce massacre fut décidé afin de dissuader la population du Limousin, par une action de terreur de grande ampleur, de soutenir la Résistance qui avait pris une importance exceptionnelle dans cette région et qui, au lendemain du débarquement, pouvait entraver la concentration des forces allemandes du sud-ouest vers la Normandie, voire, à plus long terme, leur repli vers l’Est. L’historien Jean-Luc Leleu, dans son ouvrage sur la Waffen SS : « Il ne s’agissait plus de représailles, mais de terrorisme » (Waffen-SS, p. 794)
La 2e SS-Panzerdivision Das Reich était commandée par le général Heinz Lammerding, sous l’autorité duquel, la veille, 99 habitants de Tulle avaient été pendus dans les rues de la préfecture de Corrèze. Elle avait combattu en URSS où ce type d’action était monnaie courante. Jean-Luc Leleu qualifie l’action de cette unité du 8 au 11 juin 1944 de « transposition circonstancielle de la guerre menée à l’est. »
Au terme de trois réunions de préparation, dont la dernière le matin même à l’Hôtel de la Gare à Saint-Junien en présence de Joachim Kleist, numéro 2 de la Sipo-SD de Limoges, de son interprète Eugène Patry, de quatre miliciens du 2e Service de la Milice de Limoges, Davoine, Pitrud, Tixier et un adjoint de Jean Filiol (un des fondateurs de la Cagoule, chef du "deuxième service" (renseignement) de la Milice de Limoges) et du commandant SS Adolf Diekmann, la décision fut prise d’anéantir la population d’Oradour. Selon l’historien Jacques Delperrié de Bayac (Histoire de la Milice, op. cit. p. 431), "ce sont les miliciens qui disent aux Allemands que le Sturbannführer Kämpfe [capturé par les FTP le 9 juin dans la soirée entre Bourganeuf et Saint-Léonard-de-Noblat] a été emmené à Oradour-sur-Glane [...] et qu’il va être tué dans la journée". Delperrié de Bayac précise : "Cela est faux : Kämpfe n’a jamais été à Oradour-sur-Glane et il ne sera exécuté que plusieurs semaines après le massacre, en représailles."
L’historien Pascal Plas [France 2, 3 septembre 2013], éclaire aussi le choix d’Oradour en estimant que « pour massacrer une population dans un temps déterminé, il ne faut pas qu’il y ait de résistance. Et justement Oradour-sur-Glane est en dehors des grandes zones de résistance », lesquelles étaient situées beaucoup plus à l’Est et au Sud-Est de la région. Cela ne signifie pas pour autant que la Résistance était absente d’Oradour ni a fortiori, des environs, notamment dans les Monts de Blond. Mais il n’y avait pas, le 10 juin, à Oradour et à proximité, de force en mesure de s’opposer au massacre. C’est à Diekmann qu’incomba la direction des opérations, avec, sous ses ordres, environ 200 soldats de la 3e compagnie du 1er bataillon du 4e régiment Der Führer de la 2e SS-Panzerdivision Das Reich.


En début d’après-midi, deux colonnes motorisées convergèrent vers Oradour. Le bourg fut encerclé, les habitants pris au piège. Sur ordre de Diekmann, le Docteur Desourteaux, président de la délégation spéciale désigné par le régime de Vichy qui faisait office de maire, dut organiser le rassemblement de la population sur le champ de foire, y compris les habitants de passage (nombreux ce samedi en raison d’une distribution de viande et de tabac et de la présence d’habitants de Limoges en visite dans leur famille) et des environs immédiats du bourg. Des soldats ratissèrent les alentours et abattirent des fuyards et des vieillards.
Vers 14h45, devant la population, Diekmann accusa les habitants de cacher des armes et exigea que les responsables se dénoncent. Devant le mutisme des habitants, Diekmann exigea du maire qu’il désigne trente otages. Le maire affirma qu’il n’y avait pas de dépôt d’armes et refusa de choisir des otages. Il se proposa avec ses proches comme otages, en vain.
Vers 15h, les femmes et les enfants furent enfermés dans l’église. Puis les hommes furent répartis dans six granges et garages. Vers 16h, les soldats ouvrirent le feu sur les hommes. Après leur mitraillage, les corps furent recouverts de paille et de fagots puis brûlés. Il y eut 5 rescapés, tous de la grange Laudy.
Vers 16h, les soldats introduisirent un engin explosif dans l’église. Celui-ci dégagea une fumée asphyxiante, puis des SS pénétrèrent dans l’édifice et mitraillèrent femmes et enfants, jetèrent des grenades puis incendièrent l’église. Il y eut une seule rescapée.
Des détachements parcoururent le village et tuèrent sur place ceux qui se cachaient ou dont l’âge ou l’état physique les avaient empêchés de rejoindre le rassemblement. Des cadavres furent retrouvés dans les habitations, brûlés dans un four de boulanger, jetés dans un puits.
Ce massacre causa la mort de 643 victimes dont 246 femmes, 207 enfants et 190 hommes. 117 victimes étaient originaires d’autres régions de France et réfugiés à Oradour-sur-Glane, parmi lesquels 39 Lorrains de la commune de Charly (rebaptisé Charly-Oradour après la guerre), 7 ou 8 Alsaciens de Schiltigheim (commune d’origine de plusieurs Waffen-SS enrôlés de force qui participèrent au massacre...), des Juifs de Bayonne expulsés (famille Pinède)... ; une trentaine de victimes étaient nées à l’étrangers, notamment 19 Espagnols réfugiés de la Guerre civile, 8 Italiens, 3 Juifs polonais. Le bourg fut pillé et les maisons systématiquement incendiées.
Les Allemands quittèrent le bourg entre 21h et 22h30. Les 11 et 12 juin, ils revinrent pour enterrer les cadavres et rendre impossible leur identification. Il n’y eut que 52 victimes identifiées pour lesquels l’on put établir un acte de décès.
La 643e victime - une réfugiée espagnole nommée Ramona Domínguez Gil - n’a été identifiée qu’en 2019 grâce au travaux d’un universitaire espagnol, David Ferrer Revull. À la suite d’un « jugement déclaratif de décès » du tribunal de grande instance de Limoges en décembre 2019, le nom de Ramona Domínguez Gil a été officiellement ajouté à la liste des victimes d’Oradour par Claude Milord, président de l’Association nationale des familles des martyrs d’Oradour.


Ce massacre constitua le plus important et le plus retentissant des crimes de guerre commis par les Allemands en France. Son impact mémoriel fut d’autant plus considérable que parmi les SS d’Oradour, il y avait des Waffen-SS alsaciens dont 14 - treize mobilisés de force dans les SS et un volontaire - (parmi 21 accusés) furent jugés par le Tribunal militaire de Bordeaux à partir du 12 janvier 1953.Les peines de prison pour les Alsaciens « malgré nous » et la condamnation à mort d’un Waffen SS alsacien volontaire provoquèrent un tollé en Alsace. Cette réaction, et plus encore le vote d’une loi d’amnistie le 19 février 1953 par 319 voix contre 221 et 83 abstentions afin d’apaiser la colère des Alsaciens, suscitèrent l’indignation en Limousin et provoquèrent un conflit durable entre l’Association nationale des familles des martyrs d’Oradour-sur-Glane (ANFM) et l’Etat.
Diekmann fut tué en Normandie le 29 juin 1944. Lammerding, qui vécut à Düsseldorf, fut condamné à mort par le Tribunal militaire de Bordeaux le 5 juillet 1951, mais la France ne put obtenir son extradition des Britanniques. Ingénieur du génie civil, il mourut d’un cancer en 1971 à l’âge de 66 ans. En 1983, un tribunal de RDA condamna l’un des participants, le lieutenant SS Heinz Barth, à la prison à perpétuité. Il fut libéré après la réunification, en 1997 et perçut une pension de « victime de guerre » entre 1991 et 2000. Il mourut le 6 août 2007.
Le 4 mars 1945, le général de Gaulle, alors président du GPRF, visitant Oradour, déclara notamment : « Oradour-sur-Glane est le symbole des malheurs de la patrie. Il convient d’en conserver le souvenir, car il ne faut plus jamais qu’un pareil malheur se produise. » Il fut décidé de conserver et d’entretenir les ruines. Le site fut exproprié par l’Etat et le ministre de l’Education nationale délégua un architecte pour en assurer la préservation. En 1946, une loi fit d’Oradour un monument historique et la construction d’un nouveau bourg fut autorisée à proximité des ruines, la première pierre étant posée en 1947 par le président Vincent Auriol.
La construction d’un Centre de la Mémoire à vocation scientifique et pédagogique fut initiée par Jean-Claude Peyronnet, président du Conseil général de la Haute-Vienne en accord avec l’ANFM et la municipalité et approuvée par François Mitterrand. Il ouvrit ses portes le 12 mai 1999 et fut inauguré par Jacques Chirac et Catherine Trautmann, ministre de la Culture, le 16 juillet 1999. "C’est à une équipe dirigée par Yves Devraine (scénographe du Mémorial de Caen), composée notamment des architectes Jean-Louis Marty et Antonio Carrilero que l’on doit l’architecture et la scénographie du Centre de la Mémoire." (site Internet du Centre). Il constitue la porte d’accès aux ruines.
NB : cette monographie constitue l’esquisse de l’étude d’un massacre emblématique de la violence paroxystique contre les civils en France en 1944.


Vers les 643 biographies.
Sources

SOURCES : Guy Pauchou, Sous-préfet de Rochechouart, Dr Pierre Masfrand, Conservateur des ruines d’Oradour-sur-Glane, Oradour-sur-Glane, vision d’épouvante, ouvrage officiel du Comité du Souvenir et de l’Association Nationale des Familles des Martyrs d’Oradour-sur-Glane, Paris, Limoges, Nancy, Lavauzelle, 1966. — Jean-Jacques Fouché, Oradour, Paris, Liana Levi, 2001. Romain Garnier, Oradour-sur-Glane, autopsie d’un massacre, essai historique, Paris, Elytel éditions, 2014. — Sarah Farmer, 10 juin 1944, Oradour, arrêt sur mémoire, Paris, Perrin, 2004. — Douglas W. Hawes, Oradour, Le verdict final, Paris, Seuil, 2009. — Jacques Delperrié de Bayac, Histoire de la Milice, 1918-1945, Paris, Fayard, 1969, nouvelle édition en 1995, pp. 430-432. — Michel Baury avec Marie-Noëlle et René Borie, Oradour-sur-Glane, le récit d’un survivant, Toulouse, Éditions Privat, 2018. — David Ferrer Revull, « Recuerda », Españoles en la masacre de Oradour-sur-Glane, Barcelone, 2019, Famille Téllez-Domènech, 178 p. — Jean-Luc Leleu, La Waffen-SS, Soldats politiques en guerre, Paris, Perrin, 2007, pp. 785-808. — Site Internet du Centre de la Mémoire d’Oradour-sur-Glane. — Sur les associations de victimes, voir l’article de Pascal Plas en ligne Les associations de victimes et d’ayants droit de victimes : le cas d’Oradour-sur-Glane. — Geneanet, Oradour-sur-Glane

Dominique Tantin

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