Né le 23 septembre 1912 à Smyrne (Turquie), fusillé comme otage le 2 octobre 1943 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; syndicaliste et communiste ; secrétaire du syndicat des produits chimiques de la région parisienne CGTU, puis CGT avant la Seconde Guerre mondiale et, en 1938-1939, un des secrétaires des syndicats ouvriers de la région parisienne ; résistant.

Jean Carasso . Appelé Joseph par la police le 31 août 1939.
Jean Carasso . Appelé Joseph par la police le 31 août 1939.
Graffiti de la Chapelle des Fusillés au Mont-Valérien.
C. Bourdon
Dans le quotidien communiste Rouge-Midi du 3 octobre 1945, un article rappelle la mort de Jean Carasso fusillé deux ans plus tôt, le 2 octobre 1943 au Mont-Valérien. Jean Carasso, d’origine grecque, était le fils de Samy Carasso, « notre ami », peut-on lire dans cet article, et de Victoria Alorante. Il était l’aîné de huit garçons. Samy Carasso, journalier, était né à Rhodes en 1889. Il appartenait au groupe d’émigrés juifs antifascistes du Dodécanèse réfugiés en France. Célibataire, employé de bureau, résidant à Levallois-Perret (Seine, Hauts-de-Seine), Jean Carasso travailla aux établissements Briguet de 1929 à 1932, puis aux Établissements Touriel de 1932 à 1938.
En 1938-1939, Jean Carasso secrétaire de l’Union sportive ouvrière de la Marne, fut secrétaire des syndicats de la Chimie de la région parisienne et secrétaire de l’Union des syndicats de la Seine, responsable du mouvement des chômeurs. Il écrivait dans le journal communiste La Voix de l’Est. Il était également secrétaire du syndicat des produits chimiques d’Argenteuil (Seine-et-Oise, Val-d’Oise) et fut un de ceux qui prirent la parole à la réunion des ouvriers des usines Goodrich et des usines voisines au gymnase municipal de la ville le 4 janvier 1938. Il se chargea de remercier les ouvriers et les commerçants qui, par leurs dons en faveur des grévistes, avaient permis de rassembler 100 000 francs dans les collectes. Il habitait alors Levallois-Perret (Seine, Hauts-de-Seine).
Au début d’avril 1938, Jean Carasso vint à Marseille (Bouches-du-Rhône), délégué par le syndicat national, pour soutenir une grève des ouvriers des produits chimiques dans les Bouches-du-Rhône qui affecta 8 000 travailleurs pendant plus d’un mois.
Les informations divergent sur ses activités en 1939-1940. Alors qu’il fut arrêté à Colombes (Seine, Hauts-de-Seine) le 31 août 1939 pour distribution de tracts, une autre source affirme que « mobilisé (il) refusa de se prononcer contre le Pacte germano-soviétique, s’engagea dès juillet 1940 dans l’action clandestine dans la région marseillaise ». Ce qui est sûr, c’est qu’il fut mobilisé et qu’il se conduisit bien puisqu’il fut décoré de la Croix de guerre avec citation. Il fut démobilisé le 2 août 1940. De son côté, Roger Bourderon cite deux rapports internes du Parti communiste qui font mention de Carasso. Un rapport du 18 octobre 1940 sur les cadres de la région parisienne et la nécessité de « vérification » à propos de certains d’entre eux, mentionne « Carasso de Champigny ». Le second rapport, celui du 26 février 1941, dénonçant les « éléments néfastes ayant réussi entre juin 1940 et octobre 1940 à accéder à des postes responsables dans les régions de Paris », cite parmi eux « Carasso, turc, suspect, éliminé en 1938 de la défense, responsable d’un secteur (Arrêté xxxxxx [mot rayé]. Depuis a renié le parti) ».
Selon la presse syndicale à la Libération, il fut organisateur du travail syndical clandestin dans la région parisienne avec Poulmarch, puis dans le Sud-Est. Là aussi, ce qui est sûr, c’est qu’il regagna Marseille le 5 août et qu’il entra en relations avec Raymond Barbé*, alias Pierre Laffaurie, secrétaire régional du parti communiste clandestin. La police spéciale, particulièrement bien informée par un indicateur proche de la direction régionale précisa le 19 septembre qu’il venait de Toulouse où il avait vu divers membres du comité central. Il fut arrêté dans la grande rafle des militants qui eut lieu au moment de l’arrestation de Laffaurie, le 19 octobre 1940. Il semble qu’il ait été arrêté le 5 novembre. Écroué au fort Saint-Nicolas à Marseille, déféré devant le tribunal militaire de la XVe Région, il fut remis en liberté provisoire. Son activité étant soupçonnée, un arrêté d’internement fut pris à son encontre le 27 novembre 1940. Conduit au camp de Chibron (commune de Signes, Var), il s’en évada le 22 novembre 1940. Il fut condamné par contumace par le tribunal militaire en mai 1941 à dix ans de travaux forcés. Il avait repris contact avec le parti clandestin et pris le pseudonyme de Raymond. Il vécut à Lyon sous le nom de Roussel. Il fut arrêté à nouveau à Paris en 1942, et emprisonné au Cherche-Midi, puis à Romainville avant d’être fusillé au Mont-Valérien en octobre 1943. Il était alors domicilié à Saint-Mandé (Seine, Val-de-Marne).
- Son père, Samuel, qui, en 1935, était le rédacteur de La Défense, organe du SRI, avait été arrêté à Paris début 1940 et condamné à dix mois de prison. Il était passé en zone non occupée à sa sortie de prison et avait rejoint Marseille avec une fausse identité.
- Son frère Roger, élève au lycée Saint-Charles, membre de la JC, fut tué à l’âge de dix-sept ans, le 22 août 1944, pendant les combats de la Libération de Marseille, près de la place Castellane, en attaquant un char d’assaut allemand avec un revolver.
- Un autre de ses frères, René, 20 ans, envoyé en Silésie pour le Service du travail obligatoire (STO), s’en évada pour rejoindre la résistance polonaise, mais fut pris et disparut à Auschwitz
- Deux autres de ses frères travaillèrent dans la presse communiste. Alfred (né le 30 octobre 1913, mort en 1994), titulaire de la première partie du bac, membre du PC depuis 1934, était rédacteur à La Vie ouvrière en 1939. Il fut journaliste à La Marseillaise après guerre. Marcel, né le 30 mars 1924, après des études secondaires commerciales, fut requis pour le STO en Allemagne. Adhérant au PC en 1945, il entra alors comme journaliste à Rouge-Midi, fit un stage de direction de presse en juillet-septembre 1948, travailla ensuite à L’Humanité, avant de devenir rédacteur en chef de La Marseillaise.
- Enfin Raymond, sorti de Saint-Cyr, entra dans la Résistance comme agent de renseignement d’un réseau et fut homologué comme sous-lieutenant FFI.
Le nom de Jean Carasso figure sur la stèle aux morts de la Résistance des Bouches-du-Rhône au carré militaire du cimetière Saint-Pierre à Marseille.
L’ancienne rue du Jardin-des-Plantes, à Marseille, porte actuellement le nom de rue des Trois-frères-Carasso et une plaque, sur la place Castellane, porte le nom de Roger Carasso et des autres résistants tués au combat.
Jean, Joseph Carasso fut considéré dès 1944 comme l’un des martyrs de la Fédération Nationales des Industries Chimiques. Ces martyrs furent salués par le premier congrès de la FNIC après la Libération. Actuellement, la FNIC qui siège auprès de la Confédération CGT à Montreuil, a donné le nom de Jean Carasso à l’une de ses salles de réunions des syndicats de la Chimie. Sur la porte d’entrée de cette salle une photo du fusillé est accompagnée d’explications sur son parcours.
Sources

SOURCES : Arch. PPo. 89, 11 mars 1941., BA 2447. – DAVCC, Caen, BVIII dossier 6 (Notes Thomas Pouty). – Arch. Dép. Seine-et-Oise, série M. non classée. – Arch. dép. Bouches-du-Rhône M6III 11051 et 1148 (anciennes cotes), 5 W 171 (dossier d’internement). – Arch. com. de Marseille, listes électorales de 1947 (pour Samy Carasso). – Article cité dans Rouge-Midi (photo). – Le Petit Provençal, 1er et 2 avril 1938. – Quotidiens marseillais de la Libération (fin août 1944). – La Voix de l’Est, 1938. – Le Travailleur parisien, juillet-septembre 1937, avril-juin 1938, juin-juillet 1939. – Marcel-Pierre Bernard, Les communistes dans la Résistance, Marseille et sa région, Université de Provence (Aix-Marseille I), thèse 3e cycle Histoire, 1982, 2 vol., 315 et 158 p. — Roger Bourderon, La Négociation, été 1940 : crise au PCF, Syllepse, 2001. – Léo Lorenzi, Pascal Posado et 150 témoins, 1938-1945, les communistes dans la tourmente dans les Bouches-du-Rhône, Marseille, fédération des Bouches-du-Rhône du P.C.F. et l’amicale des vétérans, 1995, p. 91. — Renseignements communiqués par Marcel Bernard. — notes Jean-Marie Guillon.

Jean-Pierre Besse, Antoine Olivesi

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