Né le 10 décembre 1910 à Kelkheim (Bavière, Allemagne), mort en action le 28 mai 1944 à La Parade (commune de Hures-La Parade, Lozère) ; militant du KPD (Parti communiste d’Allemagne) ; volontaire des Brigades internationales, antinazi réfugié en France ; interné en France (1939-1940) puis affecté à un Groupement de travailleurs étrangers en Lozère ; résistant (maquis AS : Brigade Montaigne MOI, puis maquis Bir Hakeim)

Jean Rousseau* et Anton Lindner, morts à La Parade
Jean Rousseau* et Anton Lindner, morts à La Parade
Extrait de Brès, op. cit., 1987, hors texte, à côté de la p.250. Reproduction André Balent
Mont-de-Marsan (Landes), mai 1936, réunion d'antifascistes allemands
Mont-de-Marsan (Landes), mai 1936, réunion d’antifascistes allemands
Anton Lindner (croix) ; Hans Mosch* avec une chemise blanche. Cliché affiché sur un panneau au Galadertès (Lozère). Photographié (mars 2016) par André Balent et recadré.
Anton Lindner naquit à Kelkheim , petite ville de la Basse Bavière, sur les bords du Danube, près de Ratisbonne (Regensburg) cité du Haut Palatinat. Nous ignorons les antécédents professionnels d’Anton Lindner. Un apparenté (?), Lois Lindner (1887-vers 1943), fut un militant ouvrier de Kelkheim sous la République de Weimar, impliqué dans un attentat contre le Landtag de Bavière en 1919, adhérent du KPD qui émigra en Union soviétique sous le nazisme et participa à la Seconde Guerre mondiale dans les rangs de l’Armée rouge. Antinazi, Anton Lindner était aussi un militant du KPD (Parti communiste d’Allemagne). Il en devint un militant clandestin à Wiesbaden (1933-1934) avant de gagner la Sarre (1934-1935) qu’il quitta après le referendum qui ratifia le rattachement du territoire à l’Allemagne nazie.
Il s’installa en France où il résida de 1935 à 1936 à Agen (Lot-et-Garonne), Tarbes (Hautes-Pyrénées), Pau (Basses-Pyrénées / Pyrénées-Atlantiques). Hans Mosch devint l’un de ses amis les plus proches pendant ce premier exil en France. Il devait le retrouver aux Brigades internationales en Espagne, puis dans les maquis cévenols de la Lozère.
Anton Lindner fut volontaire en Espagne républicaine dès l’été 1936. Il entra en Espagne par Puigcerdà, à la frontière des Pyrénées-Orientales. Il fut l’un des premiers combattants des Brigades internationales (BI). Il acquit en Espagne une solide expérience militaire. Il servit en Espagne sous les ordres d’Ernst Butzöw. Il intégra la centurie Thaelmann puis le bataillon allemand du même nom intégré à la XIIe puis à la XIe BI. En mars 1937, à Madrid, il devint sergent affecté à une batterie de DCA de la brigade Dimitrov. Il participa aux batailles de Guadalajara (2-23 mars 1937) ; Belchite, Aragon, 23 août-6septembre 1937 ; Teruel (décembre1937-janvier 1938), Aragon (7 mars-11 avril 1938) ; de l’Èbre (25 juillet-16 novembre 1938) et à la retraite en Catalogne vers la frontière française (décembre 1938-février 1939). Il rentra en France le 9 février 1939 avec les derniers combattants des Brigades internationales encore présents en Espagne.
Exilé en France en février 1939 lors de la Retirada, il fut interné d’abord au camp de Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales) de février à mai 1939, puis dans celui de Gurs (Basses-Pyrénées/Pyrénées-Atlantiques). Mais, comme beaucoup d’étrangers réfugiés politiques, et comme la plupart de ses compatriotes antinazis qu’il retrouva dans les maquis cévenols, il dut intégrer une CTE (Compagnie de travailleurs étrangers). Pendant la "Drôle de guerre", il fut affecté avec sa CTE à des travaux sur la ligne Maginot. Après l’armistice, en septembre 1940, il fut affecté au 313e GTE (Groupement de travailleurs étrangers qui avaient pris le relais des CTE) à Saint-Sauveur près de Bellac (Haute-Vienne). Il y demeura jusqu’en novembre 1942. En effet, l’occupation de la zone Sud par les forces du Troisième Reich (11-12 novembre 1942), perçue comme une menace mortelle par la plupart des Allemands et Autrichiens réfugiés en France, l’incita à rentrer en clandestinité et à rejoindre les maquis, en pleine croissance. Lindner se réfugia en Lozère.
Lindner y avait sans doute un contact avec le groupe d’Otto Kuhne*, militant du KPD, ancien député communiste au Reichstag et des Brigades internationales, formé en Lozère et qui avait constitué un maquis (lié à l’AS de Lozère) dans l’Aubrac dès janvier 1943 avec l’aide du communiste français, résistant lozérien de Combat, Louis Veylet. Ce maquis fusionna, dans les Cévennes lozériennes, avec le maquis (AS dit « Brigade Montaigne » ou MOI (Mouvement ouvrier international) fondé par François Rouan*, un résistant de Combat exclu du PC pour trotskisme.. Ces Allemands avaient pour ambition de fonder un « comité Allemagne Libre ».
En janvier 1944, Anton Lindner et deux autres Allemands, Ernst Bützow et Johann Karl Heinz (dit « Karl Heinz »), intégrèrent la Brigade Montaigne au col des Laupies (1001 m, à la limite des communes de Saint-Germain-de-Calberte et de Cassagnas, Lozère) où elle était cantonnée. Au début du mois de mars 1944, Lindner se déplaça ensuite en Vallée Française avec le groupe « Montaigne » dans une ferme isolée et inoccupée de la commune de Saint-Germain-de-Calberte, le Galabartès [écrit souvent, à tort, « Galabertès »].
Le maquis Montaigne commandé par Rouan* comprenait une majorité d’étrangers, les Allemands antifascistes étant le groupe le plus fourni. Le cantonnement de la « brigade Montaigne » au Galabartès se trouva bientôt à proximité de deux autres maquis AS qui s’étaient installés à la Picharlarié (commune de Sainte-Étienne-Vallée-Française, Lozère) : le maquis-école (AS), le « groupe Toussaint », fondé par [Georges Lafont, maire de Saint-Étienne-Vallée-Française et Marceau Lapierre de Saint-Jean-du-Gard (Gard), Voir Sauvebois Aimé ; le maquis Bir Hakeim (Voir Capel Jean) qui s’installait dans les Cévennes après avoir quitté la région de Pont-Saint-Esprit, dans le Gard rhodanien. L’organisation, la combativité et l’armement abondant de Bir Hakeim agirent sur l’esprit de la plupart des jeunes réfractaires du STO du « groupe Toussaint » dont l’attitude favorisa l’incorporation de la plupart au maquis de Capel. La Brigade Montaigne, elle aussi amorça un rapprochement avec Bir Hakeim devant aboutir à une fusion, malgré les réticences des cadres allemands du KPD qui voyaient en Capel un « officier de carrière » gaulliste, conservateur au plan politique et dont ils critiquaient les orientations en matière de stratégie militaire. Toutefois, l’espoir d’obtenir un bon armement et le ralliement du chef de la « Brigade Montaigne », François Rouan*, séduit par Barot, les convainquit d’approuver l’absorption de celle-ci par Bir Hakeim.
L’épreuve du feu eut lieu les 12 et 13 avril 1944 dans la Vallée Française, lorsque les Allemands tentèrent, en vain, d’encercler la Picharlarié et le Galbartès (Voir Sauvebois Aimé ; Veylet Louis). Lindner servit l’une des trois vieilles mitrailleuses lourdes Hotchkiss dont disposait Bir Hakeim. Il tint ainsi cette position jusqu’au bout, ne la quittant que lorsque l’arme s’enraya. Il parvint à se replier et à rejoindre le groupe qui échappa à l’encerclement et se reconstitua après avoir perdu un homme, l’incomparable organisateur qu’était Louis Veylet et deux prisonniers, Aimé Sauvebois et Francis Gaussen qui, tous deux, furent fusillés à Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault) près de Montpellier.
Par la suite, depuis le cantonnement de Bir Hakeim au château des Fons, Anton Lindner participa au coup de main (du 8 au 11/12 mai 1944) d’un groupe du maquis dans la région de Lodève et de Clermont-l’Hérault (Hérault) où Bir Hakeim disposait d’une « base » et de nombreux appuis. Ce groupe, auquel participait Rouan* qui en assurait le commandement comprenait six autres Allemands (Alfred Bucher, Max Frank, Karl Klausing, Johann Karl Heinz, Max Dankner, Albert Stierwald) , un Autrichien (Karl Trinka, deux Tchèques (Josef Vorel, Pavel Skovoda), un Polonais (« Kazimierz »), deux ou trois Espagnols issus de la Brigade Montaigne dont les noms ne nous sont pas parvenus, cinq autres Français (Jean Rousseau*, Jean Farelle, René Nicolas, Louis Pons, Jean-René Richard). Parmi les objectifs, la réception d’un parachutage d’armes par les Alliés qui se solda par un échec. Ils revinrent aux Fons incendié et évacué par Bir Hakeim et rejoignirent le nouveau cantonnement de Bir Hakeim à l’hôtel du Fangas, au mont Aigoual.
Capel ordonna ensuite le regroupement du maquis sur le causse Méjean, près de La Parade (Lozère). Le 28 mai, lorsque les troupes d’occupation encerclèrent puis attaquèrent le cantonnement de Bir Hakeim, Lindner se trouvait au « château » de la Borie où Capel avait installé son état-major. Vingt minutes après le début des combats, ce dernier estima qu’il fallait briser l’encerclement par une sortie : ii s’élança le premier, mitraillette à la main, suivi par Marcel de Roquemaurel*, Anton Lindner et l’Autrichien Karl Trinka alias « Wildschütz ». Capel fut le premier mortellement atteint suivi peu de temps après par Lindner puis par Trinka. Lindner avait répercuté l’ordre de Capel. Deux autres maquisards — dont Max Dankner qui fut l’un des survivants du combat La Parade et livra plus tard un précieux témoignage —, suivirent. Mais la mort du chef de Bir Hakeim stoppa net cette première tentative de sortie.
Max Dankner a écrit à propos d’Anton Lindner que cet ancien des Brigades internationales, vétéran de nombreux combats en Espagne et dans les maquis en France, était « un havre de tranquillité », « le plus courageux d’entre nous ».
Inhumé d’abord à La Parade, Anton Lindner fut ensuite ré-inhumé à la nécropole des maquis à Chasseneuil-sur-Bieuvre (Charente). Son nom figure sur le monument de La Parade, construit en mémoire des morts de Bir Hakeim, les 28 et 29 mai 1944. Il est également gravé à Mourèze (Hérault) sur le grand mémorial érigé en l’honneur des maquisards de Bir Hakeim morts au combat ou exécutés entre septembre 1943 et août 1944. Son nom figure aussi sur le monument de Moissac-Vallée-Française (Lozère) qui regroupe une liste non exhaustive de noms de combattants de plusieurs nationalités, surtout français et allemands (trente-et-un noms pour ces derniers) accompagnée du commentaire suivant : " Ici, dans les Cévennes des Camisards, terre de refuge, ont lutté côte à côte des Français et des Allemands contre les troupes d’occupation nazies et leurs collaborateurs vichystes - 1943-1944 - Vous n’avez réclamé la gloire ni les larmes mais nous vous devons le souvenir ".
La mention "mort pour la France" fut accordée à Anton Lindner.
Voir : La Parade (commune de Hures-La Parade, Lozère), 28 mai 1944
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Sources

SOURCES : Institut für Marxismus-Leninismus, Berlin, témoignages dactylographiés d’Allemands, résistants en Lozère et dans le Gard, utilisés et cités par Éveline et Yvan Brès, op. cit., 1987. — Éveline & Yvan Brès, Un maquis d’antifascistes allemands en France (1942-1944), Montpellier, les Presses du Languedoc/Max Chaleil éditeur, 1987, 348 p. [pp. 119, 157, 179, 186, 190, 1983, 217, 239-240, 242-243, 252, 334]. — Éveline & Yvan Brès, « Des maquisards allemands dans les Cévennes », Hommes et migrations, 1148, 1991, pp. 30-35. — Max Dankner, « Das Massaker von La Parade » in (rassemblés et arrangés par) Dora Schaul, Résistance-Erinnerungen deutscher Antifascisten, Berlin, Dietz, 1973, pp. 195-106 [récit souvent cité, comme l’ouvrage suivant, avec ceux d’autres Allemands dans le livre d’Éveline et Yvan Brès cité ci-dessus]. — René Maruéjol, Aimé Vielzeuf, Le maquis Bir Hakeim, nouvelle édition augmentée, préface d’Yves Doumergue, Genève, Éditions de Crémille, 1972, 251 p. — Le Maquis école de La Picharlerie (1943-1944), Mende, ONACVG Lozère, 2e édition révisée, 2010, 32 p. [pp. 26-27]. — Association pour des études sur la Résistance intérieure (AERI), Association départementale des Anciens de la Résistance de Lozère, ANACR Lozère, La Résistance en Lozère, CDROM , accompagné d’un livret, 27 p., Paris, 2006. — MemorialGenWeb, site consulté le 17 novembre 2016.

André Balent

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