Né le 26 juillet 1922 à Roccasecca (Italie), de nationalité italienne, exécuté en représailles le 10 janvier 1944 à l’École du Service de santé militaire à Lyon (Rhône) ; étudiant dessinateur ; agent de la Gestapo.

Raymond Testa était le fils d’Honoré Testa et de Claire Molle. Son père, Honoré Testa, maire de Roccasecca (Italie), s’exila en France en 1927 pour fuir le fascisme. Il s’installa au hameau de la Valbonne à Balan (Ain) et exerça la profession de cordonnier. En 1930, Raymond Testa et sa mère rejoignirent Honoré Testa en France. Raymond Testa fut élève à l’école primaire de la Valbonne jusqu’à l’âge de 12 ans. Il obtint son certificat d’études primaires. A partir de 1936, il fit ses études secondaires puis devint « étudiant dessinateur » à l’École professionnelle de la Martinière à Lyon. En août 1942, il résidait 5 rue du Garet à Lyon (Ier arr., Rhône).
Le 7 août 1942, Raymond Testa fut incarcéré à la maison d’arrêt de Lyon (prison Saint-Paul) sous l’inculpation d’abus de confiance. D’après une lettre du préfet du Rhône, le 4 août 1942, un sieur R. avait remis à Raymond Testa une bague pour la faire expertiser. « Testa détourna cette bague prétendant l’avoir remise à un inconnu. » Le 15 septembre 1942, Raymond Testa fut condamné par le tribunal correctionnel de Lyon à dix mois d’emprisonnement pour abus de confiance. Le jugement fut frappé d’appel et le 5 décembre 1942, la cour d’appel le condamna à six mois de prison. Le 22 décembre 1942, Raymond Testa fut libéré de la maison d’arrêt de Lyon. Après sa libération, il demeura à la Valbonne (Balan), vraisemblablement chez ses parents. Il poursuivit ses études à l’École professionnelle de la Martinière (en 1943, il déclara « se perfectionner en dessins chez ses anciens professeurs »).
Voyageant sans sauf-conduit, Raymond Testa fit l’objet d’une information, le 19 janvier 1943, pour infraction au décret du 25 octobre 1940. Le 19 février 1943, il fut condamné par le tribunal de simple police de Montluel (Ain) à deux amendes de 25 francs pour infraction à ce même décret. Le 7 juillet 1943, le préfet de l’Ain écrivit au ministère de l’Intérieur : « Les plus mauvais renseignements ont été recueillis sur son compte. Il ne se conforme pas à la réglementation sur le séjour des étrangers en France et il a effectué des voyages fréquents à Lyon sans titre de circulation. D’autre part malgré plusieurs rappels, il ne s’est pas encore acquitté de la pénalité de retard (125 frs) dont il est redevable envers le Trésor pour défaut de renouvellement de son titre de séjour dans les délais prescrits ». Le 22 juillet 1943, le secrétaire général à la police (ministère de l’Intérieur) décida qu’il y avait lieu « d’adresser un très sévère avertissement » à Raymond Testa et « de le placer sous le régime des autorisations de séjour trimestrielles à validité territoriale limitée au canton de Montluel ». Il demanda également au préfet de l’Ain de « prescrire une surveillance particulière à l’égard de cet étranger ».
Le 20 octobre 1943, Raymond Testa fut assigné à la Valbonne pour partir en Allemagne le 28 octobre en qualité de travailleur. Pour échapper à cette réquisition, il se réfugia à Lyon où il logea dans un garni 9 rue de la Fromagerie (Ier arr.).
Le 9 novembre 1943, il fut arrêté à Lyon et écroué à la prison Saint-Paul pour recel. Il avait accepté un sac à main de dame en cuir rouge et un portefeuille en cuir qui provenait d’un vol commis le 29 octobre 1943. A la demande du préfet du Rhône, le commissaire central de Lyon enquêta sur Raymond Testa. Le 20 novembre 1943, le commissaire conclut ainsi son rapport : « Testa est actuellement détenu à la Maison d’Arrêt de Lyon pour recel ; n’ayant pas comparu il y a lieu d’attendre la décision judiciaire avant de prendre une mesure administrative à son égard. » Quant au préfet de l’Ain, le 30 novembre 1943, il écrivit au préfet du Rhône : « En raison du nouveau délit dont Testa s’est rendu coupable j’estime, en ce qui me concerne, qu’il conviendrait de prendre à l’égard de l’intéressé une mesure d’internement. »
Raymond Testa ne fut pas interné administrativement, par contre, à une date inconnue entre novembre 1943 et le 10 janvier 1944, il fut interné à la prison de Montluc (Lyon).
Le 10 janvier 1944, à 14h15, 4 quai Saint-Clair (quai André Lassagne, Lyon, Ier arr.), à hauteur du tunnel de la Croix-Rousse, sept résistants tirèrent sur trois soldats allemands à bicyclette et prirent la fuite. Deux soldats furent mortellement touchés et le troisième, grièvement blessé, décéda peu après.
Vers 19 heures, Raymond Testa et vingt-et-un autres détenus furent extraits de la prison. Ils furent conduits dans les caves de l’École du Service de santé militaire, siège de la Gestapo, avenue Berthelot (Lyon, VIIe arr.), puis ils furent exécutés. Le lendemain vers 6 heures du matin, les inspecteurs du service de l’Identité judiciaire furent chargés de transporter les cadavres à l’Institut médico-légal.
Dans une lettre du 22 janvier 1944, le préfet régional Angeli écrivit : « les chefs de la Police allemande […] m’ont fait connaître que les détenus auraient essayé de s’enfuir par une porte laissée ouverte après avoir tenté de désarmer le gardien. Celui-ci aurait appelé au secours. D’autres seraient venus qui auraient fauché les vingt-deux victimes à coup de mitraillettes ». Le préfet ne fut pas dupe. Il ajouta : « L’opinion considère que les autorités d’occupation ont usé en la circonstance de représailles à la suite d’un attentat qui la veille avait coûté la mort dans les rues de Lyon à deux soldats allemands. Quoi qu’il en soit, cette affaire a provoqué une émotion profonde. L’Officier de la police allemande qui m’a reçu ainsi que le Maire de Lyon m’a exprimé ses regrets en disant c’est la guerre ».
Le corps de Raymond Testa fut identifié à l’Institut médico-légal par ses parents. Le 2 février 1944, le commissaire central de Lyon informa l’intendant de police de Lyon que Raymond Testa, inculpé de recel, était décédé le 10 janvier et que pour ce motif l’action publique était éteinte.
Après-guerre, les enquêteurs découvrirent que Raymond Testa était un agent de la sous-section IVE (contre-espionnage) du SD de Lyon, dans l’équipe française de Serge (alias Lacroix). Impossible de savoir quand et pourquoi il intégra la Gestapo. Impossible de savoir également pour quel motif il fut exécuté.


Lyon, Avenue Berthelot (10 janvier 1944)
Sources

SOURCES : AVCC, Caen, fiches et lettre concernant Raymond Testa.— Arch. Dép. Rhône, 3335W22, 3335W6, 182W269, 31J157, 829W173, 45W201, 3808W25.— Bruno Permezel, Victimes de l’Occupation à Lyon et alentour, 81 monuments 11 parcours, 2001.— Onac du Rhône, Les Fusillés de l’avenue Berthelot, 24 novembre 1943, 2008.— Paul Garcin, Interdit par la censure : 1942-1944, 1944.— Raymond Léculier, Alice Joly, A Montluc, prisonnier de la Gestapo, souvenirs de Raymond Léculier, 25 novembre 1943 – 25 août 1944, 2006.— Notes de Jacques Chauvet.

Jean-Sébastien Chorin

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