SOUSSOTTE Jean André
Né le 5 septembre 1923 à Hinx-sur-Adour (Landes), exécuté sommairement le 30 novembre 1944 dans la forêt d’Ottenau, près de Gaggenau (Bade-Wurtemberg, Allemagne) ; Marine nationale, matelot radiotélégraphiste ; résistant du réseau SR Alliance.
Il entra à l’École des Mousses à Brest (Finistère) à l’âge de 16 ans en octobre 1939, puis en janvier 1940, il signa un engagement de cinq ans dans la Marine nationale et fut promu matelot apprenti marin. À la fin de sa formation en juillet, il fut nommé matelot de 2e classe et suivit une formation de radiotélégraphiste sur l’ancien cuirassé "Océan" transformé en navire école à Toulon.
A sa sortie de l’école, en janvier 1941 et jusqu’à sa mise en disponibilité en décembre 1942, il fut affecté sur divers bâtiments de la zone libre, le cuirassé "Colbert", le croiseur "Gloire" et pour finir, le contre torpilleur "Gerfaut". Il fut démobilisé le 1er octobre 1942 et en décembre il entrait comme opérateur radio sur la région Sud-Ouest et le secteur "Hangar", zone maritime Sea Star à Bordeaux, avec le pseudonyme "Lanneret", Habile et courageux, il assura pendant un an des émissions quotidiennes avec Londres, surveillant tout ce qui se passait sur les côtes atlantiques de La Rochelle à Bilbao (Espagne). Pour ne pas se faire repérer il se déplaçait fréquemment emmenant avec lui son émetteur dans une valise et il transmettait parfois de son propre domicile, chez sa mère à Hinx-sur-Adour. En 1946 sa mère recevra un certificat de service et d’appréciation signé de la main même du maréchal Bernard Montgomery.
Grâce à lui les allemands subirent de lourdes pertes dans le Golfe de Gascogne (une dizaine de sous-marins et plusieurs cargos venant d’Espagne coulés, des hydravions de la Lutwaffe abattus). Tous les services de radiogoniométrie allemands du Sud-Ouest de la France furent donc mobilisés pour le neutraliser.
Le 7 décembre 1943, alors que "le pianiste", surnom qui lui fut donné par ses camarades, était en pleine transmission boulevard Pierre-1er-de-Serbie, à Bordeaux, il fut localisé par les services allemands. Avant d’être arrêté par la Gestapo, il eut la présence d’esprit et le temps d’envoyer un SOS à la centrale londonienne en codant « ils sont dans l’escalier ». Son camarade Laborde qui faisait le guet dans la rue fut lui aussi appréhendé.
D’autres arrestations suivront, dont celle de l’abbé Bordes qui aidait André Soussotte lors de ses vacations radio à partir de Dax. Au total une dizaine de membres du réseau seront capturés.
Il fut incarcéré au fort du Hâ, pour y être interrogé et torturé, puis transféré par wagon sur le camp de Compiègne le 18 janvier 1944, avant de repartir le 23 janvier en fourgons à bestiaux vers l’Allemagne et le camp de Buchenwald où il arriva le 1er février. Le 4 mars 1944, il fut transféré à la prison d’Offenburg (Bade-Wurtemberg) où il subit encore des interrogatoires. Le 3 mai 1944 la Gestapo de Strasbourg transmit un dossier d’accusation d’espionnage au profit d’une puissance ennemie, comprenant également les noms de Pierre Audevie, Charles Boileau, Maurice Duprat, Jean Durand, André Joriot, Pierre Koenigswerther et Martin Sabarots, au Tribunal de guerre du Reich qui y apposa les tampons « secret » et « affaire concernant des détenus » ainsi que la mention »NN » (Nacht und Nebel-Nuit et Brouillard). Le 10 septembre il fut remis ainsi que les autres prisonniers à disposition de la Gestapo de Strasbourg ce qui signifiait qu’il n’y aurait pas de jugement et équivalait de fait à une condamnation à mort. Le 27 octobre 1944 André Soussotte fut à nouveau déplacé avec le matricule 44079 au camp de Gaggenau, au Nord-Est de Strasbourg.
André et ses camarades furent employés au déblaiement de la ville, durement touchée par les bombardements alliés. Le 28 novembre, il fut averti qu’il allait quitter la ville, et cette nouvelle ne le rassura pas comme en témoignent les deux lettres pleines de lucidité qu’il rédigea le lendemain pour ses parents et sa fiancée. À cette dernière il terminait en disant :
« Ne me regrette pas. Je suis le plus heureux de tous. Nous aurions pu certes, avoir une bonne vie mais j’ai du laisser tout cela pour rendre service à mon pays...Je t’avais bien souvent dit ce qui m’arriverait si j’étais pris. Je me console en me disant qu’ils ne pourront jamais me faire autant de mal que je leur en ai fait. S’ils me fusillent, qu’est-ce que la vie d’un homme contre tout ce que j’ai contribué à couler : bateaux, etc. Pas grand’chose. Je suis même fier de pouvoir mourir la tête haute et pour mon Pays... »
Devant l’avance alliée les allemands évacuèrent les camps et le 30 novembre au matin André Soussotte ainsi que ses huit compagnons d’infortune furent emmenés en camionnette pour une destination inconnue, selon la méthode utilisée par Julius Gehrum et ses comparses qui étaient ce jour là à Pforzheim. Quatre pelles significatives de ce qui allait arriver furent placées auprès des condamnés. Après la Libération, sur les indications d’un prêtre alsacien, l’abbé Hett, qui avait été leur camarade de détention, un charnier fut découvert dans la forêt d’Ottenau, près de Gaggenau (Bade-Wurtemberg, Allemagne). André Soussotte et ses huit camarades avaient été fusillés à cet endroit et jetés dans la fosse. Son corps fut rapatrié en France à Strasbourg le 10 juillet 1945, où il fut identifié par sa mère à deux reprises.
La dépouille d’André Soussotte et celle de son ami, l’abbé Bordes, arrivèrent le 4 novembre 1945 à la cathédrale de Dax, où le 12 novembre eurent lieu des obsèques solennelles. Toute la jeunesse locale accompagna ensuite André jusqu’à l’église d’Hinx-sur-Adour, où le 14 novembre les obsèques furent célébrées par l’abbé Hett, en présence de toute la population.
Il est inhumé au cimetière de Hinx-sur-Adour (Landes).
Le 12 mai 1946, une plaque fut inaugurée à l’école communale d’Hinx-sur-Adour, et à cette occasion, le directeur de l’école et ami d’André, fit aux élèves l’allocution suivante :
« Lorsque dans un moment d’ennui ou de paresse, vous lèverez la tête vers cette plaque de marbre, ce nom en lettres dorées d’André Soussotte vous engagera à surmonter votre défaillance. Il vous rappellera que le devoir n’est pas toujours facile à accomplir. Il vous faudra beaucoup de persévérance et de courage dans la vie qui commence pour vous ».
Il obtint la mention "Mort pour la France" portée sur l’acte de décès n° 5 en 1946, à Hinx-sur-Adour, et la mention "Mort en déportation" par arrêté du 13 décembre 2011.
Il fut fait chevalier de la Légion d’honneur et reçut à titre posthume la Médaille de la Résistance avec rosette par décret du 24 avril 1946 et la Croix de Guerre 39-45 avec palmes le 19 septembre 1954.
Son nom figure sur le monument aux morts d’ Hinx-sur-Adour (Landes) et sur la plaque commémorative du réseau Alliance à l’entrée de la base sous-marine de Bordeaux (Gironde), avec une citation de Marie-Madeleine Fourcade concernant les membres bordelais du réseau : "Leur sacrifice a permis de renseigner le Commandement Allié sur les mouvements des navires militaires allemands, sous-marins et torpilleurs arrivant et partant de l’Arsenal de Bordeaux. Bientôt, on ne saura plus ce qu’ils ont fait, ni pourquoi ils l’ont fait, même si c’était nécessaire de le faire, voire on les plaindra d’être morts pour rien. Je voudrais qu’on ne les oubliât pas et que l’on comprît surtout quelle était la divine flamme qui les animait... Madame Marie-Madelaine Fourcade (Hérisson)."
SOURCES : Marie-Madeleine Fourcade "L’Arche de ¨Noé", éd. Fayard 1968. — Auguste Gerhards "Tribunal du 3e Reich", archives historiques de l’armée tchèque, à Prague, Le Cherche Midi, Paris 2014. — Mémorial de l’Alliance, 1948. — Site Internet "Mémorial aux marins morts pour la France". — Mémorial GenWeb.
Jean Louis Ponnavoy