Saint-Pierre-Quiberon (Morbihan), Fort Penthièvre, 19-23 mai 1944 ; 13 juillet 1944
Le mémorial des fusillés du Fort Penthièvre se dresse à l’entrée de la presqu’île de Quiberon, sur le territoire de la commune de Saint-Pierre-Quiberon (Morbihan). Intégré au dispositif du Mur de l’Atlantique, ce fort se trouvait dans le périmètre de la Poche de Lorient (Morbihan) tenue par la Wehrmacht jusqu’au 7 mai 1945, date de la signature de la capitulation de l’Allemagne nazie à Reims (Marne) et de la reddition à Étel (Morbihan) des troupes allemandes qui tenaient la Poche de Lorient. Le Fort Penthièvre a servi jusqu’à cette date de lieu de détention et d’exécution. Soixante-dix patriotes y ont été fusillés après condamnation à mort ou exécutés sans jugement.




Sur le monument des fusillés du Fort Penthièvre

Sur le monument des fusillésdu Fort Penthièvre
« À la mémoire des 10 fusillés inconnus dont les restes furent retrouvés le 9 juillet 1944 »

Commémoration du 13 juillet 2019







Le site du Fort Penthièvreen Saint-Pierre-Quiberon

L’entrée de la crypte, la plaque commémorativeet les panneaux d’information




Sur la plaque commémorative

La croix érigée au fond de la galerie souterraine transformée en crypte

SOURCE : Photos Jean-Pierre et Jocelyne Husson
De mai 1944 à mai 1945, dans le Fort Penthièvre où une salle de torture avait été ménagée, les détenus subirent les sévices du lieutenant SS Sülling : la pendaison par les pieds, les coups de bâton, le supplice de la baignoire et l’arrachage des ongles. Cet officier géorgien, appartenant à une « unité de l’Est » formée de volontaires armés par la Wehrmacht, a été accusé en 1945 d’avoir assassiné cinq détenus dont deux ont été brûlés vifs après avoir été arrosés d’essence.
Selon l’enquête réalisée en mai 1945 à la demande du Comité international de la Croix-Rouge par le lieutenant Cauchy, le tribunal militaire spécial du Fort-Penthièvre a prononcé huit condamnations à mort pour détention d’armes interdites et actes de francs-tireurs, au cours des audiences des 18 et 19 mai 1944, qui ont été exécutées les 19 et 23 mai 1944. Ces exécutions ont fait l’objet d’un « Avis » publié dans Le Nouvelliste du Morbihan du 17 juin 1944 :
« AVISAprès jugement des tribunaux de guerre allemands, les membres dont les noms suivent, appartenant à des groupements de résistance du département du Morbihan, ont été condamnés à mort pour détention d’armes interdites et actes de francs-tireurs :1° Jolivet Alphonse, garçon-boucher à La Chapelle, né le 10-1-21, à La Chapelle ;2° Le Gal Henri, ouvrier à La Chapelle, né le 7-5-18, à La Chapelle-Coudray ;3° Caillot Gabriel, plâtrier à Quimperlé, né le 20-10-11, à Quily ;4° Caillot Alexandre, facteur à Quily, né le 11-11-18, à Quily ;5° Durox André, valet de ferme au Boissy, né le 5-1-24, au Boissy ;6° Tréhin Jean, forestier à Locmaria en Landévant, né le 6-2-13, à Pluvigner ;7° Gauthier Joseph, couvreur à Mohon, né le 19-7-14, à Bréhan-Loudéac ;8° Hervé Pierre, valet de ferme à Mohon, né le 7-3-22, à Paris.La condamnation a été exécutée par fusillade les 19 et 23 mai 1944 »
Fin juin 1944, 23 détenus du Fort-Penthièvre ont été transférés à la citadelle de Port-Louis (Morbihan), où une vingtaine d’entre eux ont été fusillés après le 1er juillet 1944, en exécution d’un jugement rendu par la Kommandantur de Vannes.
Le 11 juillet 1944, devant l’avance des troupes américaines, le chef de la Gestapo de Vannes (Morbihan) donna l’ordre au colonel Reese, officier de la Wehrmacht, d’exécuter 52 détenus de la prison surpeuplée de Vannes (56), située place Nazareth. Le major Esser, chef de bataillon de la défense côtière, chargé d’exécuter cet ordre, fit transférer cinquante détenus — pour la plupart résistants appartenant aux Forces françaises de l’intérieur (FFI) et aux Francs-tireurs et partisans français (FTPF) —, de la prison de Vannes jusqu’au Fort Penthièvre, où ils ont été exécutés le 12 ou le 13 juillet 1944 selon les sources. Les détenus de la prison de Vannes, parmi lesquels se trouvaient vingt-cinq résistants de Locminé, ont été emmenés deux par deux devant les pelotons d’exécution composés de SS géorgiens placés sous le commandement du lieutenant Wassilenko.
Les corps des résistants exécutés sans jugement, dont certains agonisaient encore, furent jetés dans une galerie souterraine d’une trentaine de mètres creusée à cet effet à partir d’un tunnel préexistant de quelques mètres. Cette galerie fut ensuite refermée par trois murs distants de trois mètres les uns des autres et séparés par de la terre.
Le 16 mai 1945, neuf jours après la reddition de la Poche de Lorient, cinquante cadavres en état de décomposition avancée furent exhumés par des prisonniers de guerre allemands en présence du docteur Dorso, médecin légiste, et du médecin capitaine Wolfrom. Les corps étaient entassés les mains liées par des fils de fer dans le dos ou sur la tête.
Sur une plaque de marbre blanc apposée à l’entrée de la galerie où fut découvert le charnier, sont gravés les noms, prénoms, âges de ces cinquante patriotes classés par commune d’origine :
« À la mémoire des cinquante patriotes des Forces françaises de l’intérieur martyrisés et lâchement assassinés par les Allemands le 13 juillet 1944 et découverts dans cette fosse le 16 mai 1945 :



[Domicilié à Port-Louis, Morbihan, où il exerçait la profession de garagiste]
































[À l’état civil PENPÉNIC Jules)]












[À l’état civil DUFIS Joseph]

[Ce nom ne figure pas sur le monument commémoratif du Fort Penthièvre]


[À l’état civil JUILLARD Arsène, domicilié à Messeix, Puy-de-Dôme]
Souvenez-vous »
Le 5 juin 1946, les vingt-cinq corps des résistants de Locminé fusillés au Fort Penthièvre ont été ramenés dans leur commune, où se sont déroulées des obsèques solennelles au cours d’une messe en plein air qui a rassemblé près de 8 000 personnes. Ils ont été ensuite inhumés dans une fosse commune, en attendant la construction d’un mausolée.
Le 11 juillet 1948, un monument a été inauguré devant le Fort Penthièvre. Conçu par Raymond Cornon, architecte des monuments historiques, il a été érigé par l’entrepreneur P. Le Corre. Il est constitué d’un obélisque en pierres de granit taillées par le carrier A. Bertrand, surmonté d’une Croix de Lorraine. Au pied de cet obélisque sont posées trois dalles.
Sur la dalle centrale on peut lire l’inscription :
« Aux martyrs du Fort Penthièvre, les Français reconnaissants - Résistance de 1944 ».
Elle est encadrée par deux dalles sur lesquelles sont gravés par ordre alphabétique les noms, initiales des prénoms, lieux de résidence des cinquante détenus de la prison de Vannes exécutés sans jugement le 13 juillet 1944, mais aussi dix autres noms de patriotes exécutés qui n’avaient pas pu être identifiés en 1945 ou qui ont été exhumés plus tard :






[À l’état civil, JOLIVET Alphonse]




Le 9 juillet 1957, dix nouveaux corps ont été découverts qui n’ont pu être identifiés :










Une plaque apposée au pied du monument commémoratif du Fort Penthièvre honore leur mémoire :
« À la mémoire
des 10 fusillés inconnus
dont les restes ont été découverts
le 9 juillet 1957 »
Chaque année, le 13 juillet, une cérémonie commémorative se déroule au pied du monument et une messe est célébrée dans les douves du fort près de la galerie où les corps des résistants exécutés ont été retrouvés.
SOURCES : Arch. Dép. Morbihan, 1526 W 229, 41 J 46 et 47. — Rapports d’activité du XXVe Corps d’Armée allemand en occupation en Bretagne (13 décembre 1940-20 novembre 1944), traduit et annoté par le commandant Even, Château de Vincennes, 1978. — Signalétique de la crypte du Fort Penthièvre. — " Plus de 50 cadavres ont été découverts dans le charnier du Fort de Penthièvre les poings liés derrière la tête par des fils de fer ", Le Télégramme de Brest et de l’Ouest, 17 mai 1945. — Ami entends-tu… Bulletin de liaison et d’information de l’ANACR, numéros 16 (2e semestre 1971), 22 (1er semestre 1973), 28-29 (1er semestre 1975), 31 (2e semestre 1975), 52 (2e semestre 1982), 78 (3e trimestre 1991), 106 (3e trimestre 1998), 118 (3e trimestre 2001) et 157 (3e trimestre 2012). — Soizick Le Pautremat, " De Landaul à Penthièvre. Itinéraire de trois résistants port-louisiens fusillés ", Chroniques port-louisiennes, Centre d’animation historique du pays de Port-Louis, hors-série n° 26bis, mars 2022. — Roger Leroux, Le Morbihan en guerre 1939-1945, Joseph Floch imprimeur-éditeur, Mayenne, 1978. — Joseph Jégo, 1939-1945 Rage Action Tourmente au Pays de Lanvaux, Imprimerie La Limitrophe, 1991. — Le Morbihan en guerre 1939-1945, Archives départementales du Morbihan, 2009. — Jean-Claude Catherine et Hubertus Michling, Lorient, 1945 - Les Allemands face au choc de la capitulation. Prisonniers ordinaires, criminels de guerre, collection mémoire commune, Presses universitaires de Rennes, 2018. — " Lieux mémoriels en Morbihan-Citadelle de Penthièvre ", dossier en ligne sur le site Internet Les Amis de la Résistance du Morbihan, ANACR-56. — État civil, Saint-Pierre Quiberon (actes de décès)
Jean-Pierre Husson, Jocelyne Husson