Rosquéo, Rozangat et Boutel, hameaux situés sur le territoire de la commune de Lanvénégen, où une trentaine de résistants furent exécutés en juin et juillet 1944, font partie des nombreux lieux d’exécution et de mémoire qui jalonnent le département du Morbihan.

Sur le bord de la D177 à Rosquéo
Sur le bord de la D177 à Rosquéo
Sur la stèle de Boutel
Sur la stèle de Boutel
La stèle de Rosquéo et la plaque déposée par les Belges en 1977
La stèle de Rosquéo et la plaque déposée par les Belges en 1977
Les fusillés belges de Rosquéo
Les fusillés belges de Rosquéo
La stèle de Rosquéo en Lanvénégen restaurée
La stèle de Rosquéo en Lanvénégen restaurée
Les quinze fusillés de Rosquéo
dont deux inconnus
La stèle de Rozengat
La stèle de Rozengat
Les onze fusillés de Rozengat
Sur le monument aux morts de Lanvénégen
Sur le monument aux morts de Lanvénégen
SOURCE :
Photos Jean-Pierre et Jocelyne Husson
Au début du mois de juin 1944, le 2e Régiment de chasseurs parachutistes (RCP) ou 4e SAS (Special air service) des Forces françaises libres (FFL) fut largué dans le secteur de Plumelec-Sérent-Saint-Marcel-Malestroit (Morbihan). Sa mission était de fixer les troupes allemandes stationnées dans le Morbihan, afin d’empêcher ou au moins de retarder l’arrivée des renforts allemands sur le front de Normandie. Plusieurs milliers de résistants appartenant aux Forces françaises de l’intérieur (FFI) et aux Francs-tireurs et partisans français (FTPF) furent regroupés et armés dans le camp de Saint-Marcel qui recevait chaque nuit des parachutages d’hommes, d’armes, de munitions et de Jeep. Le commandant Pierre Bourgoin, chef du 4e SAS et le colonel Morice, chef des FFI du Morbihan, établirent leur quartier général à la ferme de La Nouette située sur le territoire de la commune de Sérent. Dans la nuit du 17 au 18 juin 1944, considérant que cette concentration devenait très dangereuse et qu’il fallait plutôt privilégier la guérilla, le commandement interallié donna, mais trop tard, l’ordre de dispersion.
Le 18 juin 1944, le camp de Saint-Marcel où étaient stationnés un peu plus de deux mille FFI encadrés par deux cents SAS, fut attaqué en force par la Wehrmacht. Après avoir livré combat durant toute la journée en infligeant de lourdes pertes aux troupes allemandes, parachutistes SAS et FFI se replièrent en bon ordre et se dispersèrent.
Après cette dispersion, la Feldgendarmerie, la Wehrmacht appuyée par de nombreux détachements de soldats russes, géorgiens et ukrainiens rassemblés dans les « unités de l’Est », les agents de l’Abwher (service de renseignements de la Wehrmacht) et du SD (Sicherheitsdienst), service de sûreté et de renseignements de la Gestapo, ainsi que leurs auxiliaires français, les miliciens du Bezen Perrot et du Parti national breton, se lancèrent dans une traque implacable des parachutistes SAS, des FFI-FTPF, de leurs dépôts d’armes, et de tous ceux qui les hébergeaient et les ravitaillaient. Rafles, arrestations, tortures, et exécutions sans jugement de SAS et de résistants, incendies de fermes, pillages et massacres de civils se multiplièrent dans tout le département du Morbihan.

De nombreux résistants furent arrêtés et conduits dans l’école Sainte-Barbe du Faouët (Morbihan) réquisitionnée par les Allemands qui y avaient installé une prison et une cour martiale.

Rozangat
Le 21 juin 1944 à l’aube, au cours d’une rafle opérée par les autorités allemandes d’occupation,vingt-et-un jeunes hommes furent arrêtés à Spézet (Finistère) sur dénonciation. Plusieurs d’entre eux furent transférés dans la prison de Quimper (Finistère) et dans la prison de Fresnes (Seine, Val-de-Marne). Les autres, au nombre de onze, qui appartenaient aux Francs-tireurs et partisans français (FTPF), furent conduits à l’école Sainte-Barbe du Faouët (Morbihan) pour y être interrogés. Condamnés à mort par la cour martiale du Faouët, Yves Bloas, Pierre Clech, Michel Clech, François Clech, Jean Clech, Jacques Guéguen, Jean Guillou, Jean Jaouen, Louis Lollier, Jean Le Roux et Jean Le Goff furent exécutés au bord d’une fosse le 24 juin 1944 à 3 heures du matin, à Rozangat en Lanvénégen. Leurs cadavres ne furent découverts et exhumés que le 5 août 1944 en présence d’un médecin qui constata qu’ils avaient été affreusement torturés. Ils furent ramenés à Spézet (Finistère) pour y être inhumés dans le cimetière communal.
Le dénonciateur a été abattu par des résistants.

Une stèle accolée à un mur se dresse sur le lieu de leur exécution à l’écart de la route, dans un champ à l’orée d’un bois, au bout d’un chemin plus praticable. En-dessous d’une Croix de Lorraine encadrée par deux drapeaux français, sont gravés en lettres d’or les noms, prénoms et communes d’origine des onze fusillés :

« Ici furent fusillés par les Allemands le 24-6-1944
- BLOAS Yves de Spézet (Finistère)
- CLECH Pierre de Spézet (Finistère)
- CLECH Michel de Spézet (Finistère)
- CLECH François (à l’état civil LE CLECH François) de Spézet (Finistère)
- CLECH Jean-Marie (à l’état civil LE CLECH Jean) de Spézet (Finistère)
- GUÉGUEN Jacques de Spézet (Finistère)
- GUILLOU Jean de Spézet (Finistère)
- JAOUEN Jean de Spézet (Finistère)
- LOLLIER Louis de Spézet (Finistère)
- LE ROUX Jean de Spézet (Finistère)
- LE GOFF Jean de Saint-Goazec (Finistère) »

Rosquéo
Au cours de la soirée de ce même 21 juin 1944, au cours d’un ratissage opéré par 3 000 soldats allemands, vingt-sept réfractaires au Service du travail obligatoire (STO), qui avaient rejoint le 3e Bataillon de Francs-tireurs et partisans français (FTPF) commandé par Célestin Chalmé [pseudonyme dans le Résistance : Commandant Charles], furent arrêtés à Plouray (Morbihan). Ils furent conduits à Guémené (Morbihan) puis au Faouët (Morbihan) pour y être interrogés et torturés. Seize d’entre eux, dont six Belges venus de Blankenberge près d’Ostende, furent condamnés à mort par la cour martiale du Faouët et transportés dans un camion à Rosquéo en Lanvénégen (Morbihan), où ils furent exécutés le 24 juin vers 22 heures
Les Allemands firent aligner les six Belges les mains sur la nuque devant une fosse qui venait d’être creusée au coin d’un champ et un soldat les abattit dans le dos à la mitraillette. Les six corps tombèrent l’un après l’autre dans la fosse. Un autre soldat tira une seconde rafale dans la fosse, pour achever les blessés. Pendant que les Allemands allèrent chercher les dix Français, pour les aligner à leur tour devant la fosse et les abattre, l’un des fusillés belges Jan De Coninck, qui n’était que blessé aux bras, réussit à s’extraire de la fosse et à s’enfuir.
Avant de se retirer, les Allemands camouflèrent la fosse en la recouvrant de plaques de gazon. Elle ne fut découverte qu’en août 1944 par un membre de la Croix-Rouge du Faouët qui assista à l’exhumation des corps et constata qu’ils avaient été atrocement torturés.
Jan De Coninck fut recueilli par Barbe Evenou, soigné par Louis Kergoat, vétérinaire au Faouët, puis caché et ravitaillé par des habitants des villages de Rosquéo et Rozangat en Lanvénégen pendant plusieurs semaines. Le trou-cabane qu’avait confectionné pour le cacher Jean Guichet étant devenu peu sûr, il fut mis à l’abri le 30 juillet 1944 dans le maquis de Priziac (Morbihan) et assista aux obsèques de ses camarades le 13 août 1944 dans le bourg de Lanvénégen qui venait d’être libéré. Il est décédé le 10 janvier 1993 à Blankenberge (Belgique).

Après la guerre un monument a été érigé sur le lieu de leur exécution, aujourd’hui très difficile à trouver parce que situé à trois cents mètres de la route au bout d’un chemin dont l’accès est inondé et embourbé en toutes saisons. Il est constitué d’une stèle scellée sur un mur de pierre, sur laquelle sont gravés une Croix de Lorraine encadrée par un drapeau français et un drapeau belge, les noms, les prénoms et les communes d’origine des treize fusillés dont les corps ont pu être identifiés.
En 1977, une plaque commémorative frappée des couleurs nationales belges a été déposée au pied du monument, qui portait l’inscription en flamand :

« Aandenken Van Vrienden uit blankenberg Belgie 1944-1977 »,
« Souvenir des amis de Blankenberge Belgique 1944-1977 ».

Cette plaque avait disparu du monument photographié en 2017, dont la stèle blanche initiale a été remplacée par une nouvelle stèle en ardoise sur laquelle les noms des fusillés sont gravés en lettres d’or, dans une autre police plus lisible et dans un ordre différent :

« Ici furent fusillés par les Allemands le 24-6-1944
- BERNARD François de Gourin
- DAOUPHARS Félix de Gourin
- LESSARD Samuel de Gourin (Morbihan)
- CHALMÉ Claude d’Inguiniel (Morbihan)
- LE PEN François d’Inguiniel
- JAFFRÉ Marcel d’Inguiniel
- ROBIC Pierre d’Inguiniel
- ROUSSEAU Alban de Lanvaudan (Morbihan)
- DE CORTE Camille, Belgique
- DEHENAUW Louis, Belgique
- MARMENOUT Raymond, Belgique
- MESDAGH René, Belgique
- SANDELÉ Georges, Belgique
- 2 inconnus (INCONNU 1, INCONNU 2) »

Boutel
Le 7 juillet 1944, en début d’après-midi, une trentaine de soldats allemands bien renseignés et vraisemblablement guidés par un collaborateur, surprirent un groupe de résistants appartenant aux Francs-tireurs et partisans français (FTPF) qui étaient au repos sur la butte de Boutel en Lanvénégen. Deux d’entre eux, Raymond Denise et Jean Le Bloas furent abattus au fusil-mitrailleur. Un troisième maquisard, Robert Kessler, fut abattu à son tour dans un champ situé à 200 mètres. D’autres FTP furent capturés et exécutés plus tard.

Après la guerre, un monument constitué d’une croix de pierre adossée à une stèle a été érigée sur le lieu de leur exécution. Au pied de ce monument est scellée une plaque de marbre blanc qui porte l’inscription :

« Morts au combat le 7 juillet 1944
- Jean Marie LE BLOAS, Lanvénégen
- Raymond Noël DENISE, Brétigny
- Robert KESSLER, Charenton »

Le monument aux morts
À droite et à gauche du monument aux morts de Lanvénégen qui se dresse dans le bourg près de l’église paroissiale, sont apposées des plaques de marbre blanc sur lesquelles sont gravés en lettres d’or les noms de quatorze « Fusillés », de deux FFI « morts au front », et des exécutés de la « Fosse de Boutel », de la « Fosse du Pont-Neuf », de la « Fosse de Rosquéo », et de la « Fosse de Rozengat ».

« Fusillés
- LE BLOAS Jean (exécuté le 7 juillet 1944 au Boutel en Lanvénégen)
- CHRISTIEN Louis (fusillé le 11 juillet 1944 à Kerstang-Combout en Querrien (Finistère)
- EVENNOU Fernand (fusillé à Port-Louis en juin 1944)
- HERPE Simon (exécuté à une date et en un lieu inconnus ?)
- JAMET Jean (exécuté le 29 juillet 1944 au Rodu en Pluméliau)
- MAHOT Louis (fusillé à Port-Louis en juin 1944)
- MAUVAISE André, fusillé à Port-Louis en juin 1944)
- LE MESTE Jean (fusillé à Port-Louis en juin 1944)
- LE MOËN Georges (LE MOËNE Georges, fusillé à Port-Louis en juin 1944)
- MORLEC François (fusillé à Port-Louis en juin 1944)
- PERRON Lucien (fusillé à Port-Louis en juin 1944)
- POULHALEC Georges (fusillé à Port-Louis en juin 1944)
- RIOU Joseph (fusillé à Port-Louis en juin 1944)
- LE SAUZE Jules (fusillé à Querrien, Finistère, le 11 juillet 1944) »

« Morts au front
- CHRISTIEN Louis FFI (tué en service le 9 septembre 1944 à Sainte-Hélène, Morbihan)
- CHRISTIEN Louis FFI » (mort en service le 18 août 1944 à Rostrenen, Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor)

« Fosse de Boutel
- DENISE Raymondde Brétigny/Orge (SetO)
- KESSLER Robert de Charenton (Seine) »

Le nom de Jean Le Bloas qui est inscrit sur le monument du Boutel ne figure pas sur cette plaque, mais sur la plaque des « Fusillés ».

« Fosse du Pont-Neuf
- 1 inconnu » (INCONNU)

« Fosse de Rosquéo
- BERNARD Fois (François)de Gourin (Morbihan)
- DAOUPHARS Félix de Gourin (Morbihan)
- LESSARD Samuel de Gourin (Morbihan)
- CHALMÉ Cde (Claude) d’Inguignel (en réalité Inguiniel, Morbihan)
- JAFFRÉ Marcel d’Inguignel (en réalité Inguiniel, Morbihan)
- LE PEN François d’Inguignel (en réalité Inguiniel, Morbihan)
- ROBIC Pierre d’Inguignel (en réalité Inguiniel, Morbihan)
- ROUSSEAU A. (Alban) de Lanvaudan
- DEHENAUW Louis de Blankerberge (Belgique)
- DE CORTE Camille de Blankerberge (Belgique)
- MARMENOUT Raymond de Blankerberge (Belgique)
- MESTDAGH René de Blankerberge (Belgique)
- SANDELÉ Georges de Blankerberge (Belgique)
- 2 inconnus » (INCONNU 1, INCONNU 2)

« Fosse de Rozangat
- BLOAS Yves de Spézet (Finistère)
- CLECH Pierre de Spézet (Finistère)
- CLECH Michel de Spézet (Finistère)
- CLECH François de Spézet (Finistère)
- CLECH Jean Marie de Spézet (Finistère)
- GUÉGUÉN Jacques de Spézet (Finistère)
- GUILLOU Jean de Spézet (Finistère)
- JAOUËN Jean de Spézet (Finistère)
- LOLLIER Louis de Spézet (Finistère)
- LE ROUX Jean de Spézet (Finistère)
- LE GOFF J. de St Goazec (Finistère) »
Sources

SOURCES : Arch. Dép. Morbihan, 1526 W 226, 1256 W 229 et 41 J 9. — " C’est là que j’ai été fusillé-Jean de Coninck est revenu à Lanvénégen ", Le Télégramme, 3 juillet 1969.— Ami entends-tu…, ANACR-56, numéros 59 (1er semestre 1985), 109 (2e semestre 1999) et 125 (2e trimestre 2003). –– Roger Leroux, Le Morbihan en guerre 1939-1945, Joseph Floch imprimeur-éditeur, Mayenne, 1978. — Françoise Morvan, Miliciens contre maquisards-Enquête sur un épisode de la Résistance en Centre-Bretagne/i>, Éditions Ouest-France, 2010. — Kristian Hamon, Agents du Reich en Bretagne, Morlaix, Skol Vreizh, 2011 — René Le Guénic, Les Maquisards chez nous en 1944. Gourin-Le Faouët-Guémené et Morbihan-Mémorial de la Résistance, Imprimerie Basse-Bretagne-Quéven-Morbihan, 2013. — " Lieux mémoriels en Morbihan-Lanvénégen ", dossier en ligne sur le site Internet Les Amis de la Résistance du Morbihan, ANACR-56. — État civil, Lanvénégen (ctes de décès).

Jean-Pierre Husson, Jocelyne Husson

Version imprimable