Les communes de Sérent et de Saint-Marcel (Morbihan), où se déroula le 18 juin 1944 une bataille opposant à la Werhmacht plus de deux mille résistants et parachutistes de la France libre, et où de nombreux résistants, parachutistes, civils ont été tués au combat, abattus ou exécutés sans jugement, constituent aujourd’hui un haut-lieu de la mémoire résistante bretonne.

Les combats du 18 juin 1944
Les combats du 18 juin 1944
SOURCE :
Photos Jean-Pierre et Jocelyne Husson
Le mémorial de la Résistance bretonne
Le mémorial de la Résistance bretonne
Sur le monument aux morts 1939-1945</br> de Sérent
Sur le monument aux morts 1939-1945
de Sérent
La Croix des parachutistes</br> dans les landes de Pinieux
La Croix des parachutistes
dans les landes de Pinieux
« L’esprit de sacrifice des parachutistes
et de tous ceux qui combattirent
les ennemis de la liberté
ne doit jamais périr
1944 »
Les sépultures SAS-FFI</br> à la Chapelle des Haies
Les sépultures SAS-FFI
à la Chapelle des Haies
« Tout passe tout s’efface hors le souvenir »
27 juillet 1947</br>Le général de Gaulle pose la première pierre</br>du monument commémoratif de La Nouette
27 juillet 1947
Le général de Gaulle pose la première pierre
du monument commémoratif de La Nouette
SOURCE : Panneau signalétique du monument
À partir de la nuit du 5 au 6 juin 1944, 475 parachutistes appartenant au 2e Régiment de chasseurs parachutistes (2e RCP) ou 4e SAS (Special air service) des Forces françaises libres (FFL) furent largués en Bretagne dans les Côtes-du-Nord (Côtes-d’Armor) et dans le Morbihan. Leur mission était d’effectuer des missions de sabotage (Cooney parties) sur les voies de communication, puis de rejoindre deux bases, la base Samwest dans les Côtes-du-Nord et la base Dingson dans le Morbihan, les maquisards bretons appartenant aux Forces françaises de l’intérieur (FFI) et aux Francs-tireurs et partisans français (FTPF), devaient être rassembles, armés, formés, encadrés par les SAS. L’objectif était d’empêcher ou au moins de retarder l’arrivée des renforts allemands sur le front de Normandie. Après la dispersion le 12 juin 1944 de la base Samwest) attaquée par la Wehrmacht, les SAS parachutés dans les Côtes-du-Nord rejoignirent le camp de Saint-Marcel (base Dingson) dans le Morbihan. Trois à quatre mille FFI-FTPF furent armés et formés dans ce camp qui s’étendait sur le territoire des deux communes de Saint-Marcel et de Sérent, commune où le commandant Bourgoin, chef du 4e SAS, et le colonel Paul Chenailler [colonel Morice], chef des FFI du Morbihan, avaient établi leur quartier général dans la ferme de la famille Pondard au lieu-dit La Nouette. Une zone de parachutage (terrain Baleine) avait été homologuée par la Royal air force (RAF) dès février 1943, sur laquelle s’effectuaient d’importants parachutages d’hommes, d’armes, de munitions (150 à 200 containers chaque nuit) et même de Jeeps (quatre au cours de la nuit du 17 au 18 juin 1944). Cette activité et cette concentration d’hommes devenaient dangereuses et, au cours de la nuit du 17 au 18 juin 1944, le commandement allié donna, mais trop tard, l’ordre de dispersion.

Le dimanche 18 juin 1944 à l’aube, deux tractions-avant de la Feldgendarmerie de Ploërmel en patrouille franchirent le périmètre du camp et furent interceptées sur la route conduisant du bourg de Saint-Marcel au hameau de l’Abbaye en Bohal, au lieu-dit Les Hardys-Béhélec, où avait été installé un poste de sécurité composé de SAS et de FFI. Quatre Allemands furent tués, trois autres blessés et faits prisonniers, mais un feldgendarme parvint à prendre la fuite et à rejoindre la garnison allemande de Malestroit pour donner l’alerte. Le camp tenu par un peu plus de deux mille FFI (trois bataillons) encadrés par deux cents SAS, fut attaqué en force par la Wehrmacht vers 9 heures du matin. Après avoir livré combat durant toute la journée en infligeant de lourdes pertes aux troupes allemandes (environ 300 tués), SAS et FFI se replièrent en bon ordre vers 22 heures et se dispersèrent, après avoir subi des pertes beaucoup moins importantes : 27 tués, une soixantaine de blessés et une quinzaine de prisonniers.

Les morts au combat du 18 juin 1944

Vingt FFI :
- Goujon Charles (tué à Bohal)
- Guégan Paul (tué à Sérent)
- Le Berre Roger (tué à Saint-Marcel)
- Le Blavec Jean (tué à Saint-Marcel)
- Le Blavec Paul (tué à Saint-Marcel)
- Le Bouëdec Louis (tué à Bohal)
- Le Canu Adrien (tué à Sérent)
- Le Grel Émilien (tué ou exécuté à Sérent)
- Le Lem Laurent (blessé le 18 juin 1944 à Saint-Marcel, décédé des suites de ses blessures le 17 juillet à Vannes)
- Le Sénéchal Vincent (tué ou exécuté à Sérent)
- Le Yondre François (tué à Sérent)
- Ménard Robert (tué à Saint-Marcel)
- Moizan Georges (tué à Saint-Marcel)
- Planchais Joseph (tué à Saint-Marcel)
- Rio Henri (tué à Saint-Marcel ou à Sérent)
- Robino André (tué à saint-Marcel)
- 2 inconnus ( INCONNU 1, INCONNU 2 tués au combat le 21 juin 1944 à Sérent)

Six parachutistes du 4e SAS :
- Adam Henri (tué à Saint-Marcel)
- Brès Michel (tué à Saint-Marcel)
- Casa Daniel (tué à Saint-Marcel)
- Malbert Louis (tué à Saint-Marcel)
- Mollier Jean-René (tué à Sérent)
- Schmitt Nicolas (tué à Sérent)

Une civile :
- Berthelot Suzanne (tuée à Saint-Marcel)

Le 19 juin 1944, après avoir pilonné la ferme de La Nouette et constaté que les parachutistes et les résistants qui les avaient tenus en échec avaient réussi à se replier en bon ordre, les Allemands se livrèrent à des représailles. La Feldgendarmerie, la Wehrmacht appuyée par de nombreux détachements de soldats russes, géorgiens et ukrainiens rassemblés dans les « unités de l’Est », les agents de l’Abwher (service de renseignements de la Wehrmacht) et du SD (Sicherheitsdienst), service de sûreté et de renseignements de la Gestapo, ainsi que leurs auxiliaires français, les miliciens du Bezen Perrot et du Parti national breton, se lancèrent dans une traque implacable des parachutistes SAS, des FFI-FTPF, de leurs dépôts d’armes, et de tous ceux qui les hébergeaient et les ravitaillaient. Rafles, arrestations, interrogatoires, tortures, et exécutions sans jugement de SAS et de résistants, pillages et incendies de fermes, massacres de civils se multiplièrent dans tout le département du Morbihan.

Le SAS Jean Vasseur, qui avait été blessé lors de son parachutage au cours de la nuit du 17 au 18 juin 1944, et qui attendait en vain du secours, fut découvert le 19 juin par une patrouille allemande et abattu sur le bord de la route conduisant de Sérent à Malestroit.
Le SAS Gaston Navailles, qui avait été blessé le 18 juin 1944 lors de l’attaque du camp de saint-Marcel, fut abattu le 22 juin à Callac en Plumelec (Morbihan) par des soldats russes dans une maison isolée où il se cachait, après avoir été soigné par le médecin et le pharmacien de Sérent


Pinieux - La Chapelle des Haies
Le 21 juin 1944, une patrouille allemande surprit une dizaine de SAS et de FFI réfugiés dans une maison abandonnée des carrières d’ardoisières de Pinieux. Alors que leurs camarades parvenaient à se replier, deux parachutistes SAS furent tués au combat, l’aspirant Louis Arcille [pseudo François Mariani], et Roger Vautelin ainsi que deux FFI dont un résistant originaire d’Afrique noire, dont les corps n’ont pu être identifiés.
Ils ont été inhumés près de la Chapelle des Haies en Sérent. Les quatre tombes surmontées de quatre Croix de Lorraine en pierre sont alignées les unes contre les autres et portent les inscriptions de gauche à droite :

- « FFI inconnu (INCONNU 1)
- Francois MARIANI, aspirant parachutiste, 21 ans
- Roger VAUTELIN, parachutiste, 23 ans
- FFI inconnu (INCONNU 2) »

Après-guerre, la mère de Louis Arcille dit François Mariani fit dresser sur les landes de Pinieux une croix en granit, dite Croix des parachutistes, qui porte l’inscription :

« L’esprit de sacrifice des parachutistes et de tous ceux qui combattirent
les ennemis de la liberté ne doit jamais périr - 1944 »

Coudray
Le FFI Serge Fercocq, qui avait été grièvement blessé lors de l’attaque du camp de Saint-Marcel, décéda des suites de ses blessures au Coudray en Sérent le 19 juin 1944.
Après la dispersion du camp de Saint-Marcel au soir du 18 juin 1944, les FFI Albert Davalo et Alexis Davalo se réfugièrent au Bot-Hurel en Sérent. Pressés de rentrer chez eux à Caro, ils reprirent la route, mais ils furent interceptés par une patrouille allemande et furent abattus le 21 juin 1944 également au Coudray en Sérent.

Le bourg
Dans le bourg de Sérent, près de l’église et à droite du monument aux morts de la 1ère guerre mondiale, se dresse un monument dédié aux combattants et résistants de Sérent, ainsi qu’aux libérateurs venus d’ailleurs, parachutistes et FFI tués le 18 juin 1944 lors de la bataille de Saint-Marcel mais aussi au cours des jours qui ont précédé et suivi cette bataille. Il est constitué de trois pierres dressées en granit.
Sur la pierre centrale est scellée une Croix de Lorraine et une plaque en marbre portant l’inscription :
« 1944 Aux libérateurs venus d’ailleurs tombés en terre sérentaise »

Sur la stèle de droite sont gravés les noms des parachutistes :
- « BRÈS Michel (mort au combat le 18 juin 1944 à Saint-Marcel)
- CASA Daniel (mort au combat le 18 juin 1944 à Saint-Marcel)
- HARENT Bernard (décédé des suites de ses blessures le 13 juin 1944 à Sérent)
- MALBERT Louis (mort au combat le 18 juin 1944 à Saint-Marcel)
- MARIANI François (mort au combat le 21 juin 1944 à Sérent)
- MOLLIER Jean (mort au combat le 18 juin 1944 à Sérent)
- NAVAILLES Gaston (exécuté le 22 juin 1944 à Plumelec)
- SCHMITH Nicolas (à l’état civil SCHMITT Nicolas, mort au combat le 18 juin 1944 à Sérent)
- VASSEUR Jean (exécuté le 19 juin 1944 à Sérent)
- VAUTELIN Roger » (mort au combat le 21 juin 1944 à Sérent)

Sur la stèle de gauche, sont gravés les noms des FFI :
- « DAVALO Albert (exécuté le 21 juin 1944 à Sérent )
- DAVALO Alexis (exécuté le 21 juin 1944 à Sérent)
- FERCOQ Serge (décédé des suites de ses blessures le 19 juin 1944 à Sérent)
- GUÉGAN Paul, (mort au combat le 18 juin 1944 à Sérent)
- LE BLAY André (décédé le 12 juin 1944 à Sérent)
- LE CANU Adrien (mort au combat le 18 juin 1944 à Sérent)
- LE GOSLES Albert (exécuté le 16 juin 1944 à Sérent),
- LE GREL Émilien (mort au combat ou exécuté le 18 juin 1944 à Sérent)
- LE SÉNÉCHAL Vincent (mort au combat ou exécuté le 18 juin 1944 à Sérent)
- LE YONDRE François (mort au combat le 18 juin 1944 à Sérent)
- RIO Henri (mort au combat le 18 juin 1944 à Saint-Marcel ou à Sérent)
- TRUNKELBOTZ Roger, (décédé accidentellement le 17 juin 1944 à Sérent)
- VANDORME Robert (exécuté le 16 juin 1944 à Sérent)
- et deux inconnus ( INCONNU 1, INCONNU 2 morts au combat le 21 juin 1944 à Sérent) »

Au centre, sont gravés dans la pierre les noms des « Combattants » et des « Résistants » de la commune de Sérent :

« 1939-1945
À ses enfants morts pour la France

Résistants :
- A. BARAU (à l’état civil Albert BARRAU, exécuté à Sérent le 4 août 1944)
- G. CHARLO (Gabriel, exécuté le 3 août 1944 à Josselin)
- F. DAVID (François, tué le 29 septembre 1939 en Moselle)
- J. LANTRAIN (Julien, exécuté le 3 août 1944 à Josselin)
- F. LE MOUÉE (François, exécuté le 29 juillet à Pluméliau)
- R. PROVINS (Raymond, exécuté le 3 août 1944 à Josselin)
- E. PIQUET (Eugène, exécuté le 14 juillet 1944 à Sérent)
- J. TOUGAIT (Joseph, mort en déportation le 9 mars 1945 à Neuengamme)
- Marie MENANT (décédée le 9 août 1944 à Sérent) »

Combattants :
- J.B. CHEFDORD (? )
- A. DANIEL (Armand, tué le 8 juin 1940 à Sézanne, Marne)
- F. DAVID (François, tué le 29 septembre 1939 en Moselle)
- L. ÉTIENNE (?)
- Th. GAREL (Théodore tué le 21 juin 1940 à Fauquembergues, Pas-de-Calais)
- V. GICQUELLO (Victor, tué le 10 juin 1940)
- A. LEGENTIL (?)
- F. JUHEL (Firmin, tué le 10 septembre 1939 en Allemagne)
- L. MÉLAINE (Louis, décédé sous les bombardements alliés le 30 mars 1945 à Brandenburg, Allemagne)
- E. URIEN (décédé de maladie le 8 juin 1942 à Kaiserlembruck, Allemagne)

La Nouette
Le 27 juillet 1947, le général de Gaulle est venu poser la première pierre du monument de la Résistance bretonne érigé près de la ferme de La Nouette, où avait été établi le PC des SAS et des FFI. Ce monument a été inauguré le 24 juin 1951 par le général Kœnig, ancien commandant en chef des FFI. Il a la forme d’une haute tour lanterne en pierre, dont le sommet est constitué de quatre Croix de Lorraine ajourées, qui se dresse aujourd’hui sur le bord de la N 166. Au pied de cette tour, a été scellée une plaque commémorative en marbre qui porte l’inscription :

« Le 18 juin 1944, trois bataillons des Forces françaises de l’intérieur du Morbihan et le 4e bataillon de chasseurs parachutistes de la France libre luttèrent 24 heures en ces lieux qu’ils occupaient depuis 14 jours tuant à l’ennemi 560 hommes, perdant eux-mêmes 42 morts »

Chaque année le 18 juin ou le dimanche le plus proche de cette date, une cérémonie est organisée devant ce monument.
Sources

SOURCES : Roger Leroux, " Le maquis de Saint-Marcel ", in " Les maquis dans la libération de la France", Revue d’histoire de la 2e guerre mondiale, n° 55, juillet 1964. — Roger Leroux, Le Morbihan en guerre 1939-1945, Joseph Floch imprimeur-éditeur, Mayenne, 1978 et Le maquis de Saint-Marcel, éditions Ouest-France, 1981. — Joseph Jégo, 1939-1945 Rage Action Tourmente au Pays de Lanvaux, Imprimerie La Limitrophe, 1991. — Patrick Andersen Bö et François Bertin, Le maquis de Saint-Marcel, éditions Ouest-France, collections du musée de la résistance bretonne, 1998. — René Le Guénic, Morbihan, Mémorial de la Résistance, Imprimerie Basse Bretagne, Quéven, 2013. — Christian Bougeard, " Le maquis et la bataille de Saint-Marcel (18 juin 1944) : Événement marquant et lieu de mémoire de la Seconde Guerre mondiale en Bretagne ", in Dominique Le Page (dir.), 11 batailles qui ont fait la Bretagne, Morlaix, Skol Vreizh, 2015, et " Le maquis de Saint-Marcel (6 juin-18 juin 1944) ", sur le site BCD (Bretagne Culture Diversité). — " Lieux mémoriels en Morbihan-Saint-Marcel-Sérent ", dossier en ligne sur le site Internet Les Amis de la Résistance du Morbihan, ANACR-56. — État civil, Sérent et Saint-Marcel (actes de décès).

Jean-Pierre Husson, Jocelyne Husson

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