Né le 22 mai 1919 à Phalsbourg (Moselle), fusillé par la Résistance le 17 juillet 1944 à Le Vigeant (Vienne) ; inspecteur de police ; résistant Libération Sud et MUR, réseau Éleuthère.

Antoine Cantin
Antoine Cantin
Crédit : Républicain Lorrain
Antoine Cantin était le fils d’Antoine Cantin et de Rose Girard. Il habitait avant la seconde guerre mondiale à Danne-et-Quatre-Vents (Moselle annexée) où son père était cantonnier au service des Ponts et Chaussées. En 1939, à la déclaration de guerre, il partit effectuer son service, successivement à Bourges et Fontainebleau ; il passa ensuite par l’école militaire d’artillerie et en sortit aspirant. Mais l’armistice arriva et Cantin, après avoir rendu visite à ses parents, retourna en France occupée pour rejoindre la Dordogne.
Employé au cadastre, il fut un des fondateurs de la Légion des Alsaciens-Lorrains, une structure maréchaliste mais anti-allemande. Il fut un des premiers agents locaux des MUR (Mouvements Unis de la Résistance) après avoir travaillé pour Libération-Sud. Recruté dans la police en 1943, d’abord en Dordogne, puis dans la Vienne, il avertit des habitants de Jaunay-Clan et de Chasseneuil (Vienne) visés par des sympathisants de la collaboration. Puis il se trouva nommé aux Renseignements Généraux à Poitiers. Il y fut domicilié au 3, rue de l’Ancienne Comédie. Son collègue Jean Henri Guibert le recruta rapidement au sein d’un petit groupe, Espérance, créé par le capitaine Olivet, dont l’objectif était de fournir des informations à toutes les structures locales de la Résistance. Ils furent immatriculés au réseau Eleuthère, sous-réseau Acajou. Le groupe obtint de nombreux renseignements sur les opérations programmées contre les maquis locaux. Ainsi, à la ferme d’Ys, le maquis Gilles dénoncé par un traître fut sauvé. L’activité résistante de Cantin consista d’ailleurs aussi à infiltrer les structures de la collaboration et à démasquer leurs membres et les agents des occupants. Il fournissait aussi des faux-papiers et orientait les volontaires vers les maquis. En juin 1944, il était nommé au service de renseignements à l’état-major départemental des FFI.
Contraint de pratiquer le double-jeu, il était chargé par l’intendant de police Lemoine de repérer les maquis. Il le fit, en l’informant toujours trop tard. Ainsi les Allemands et les miliciens arrivaient toujours trop tard. Le 10 juin, Guibert et Cantin se rendirent en moto dans les Deux-Sèvres, à Montalembert, pour prévenir le maquis de la Butte-Rouge d’une action de la milice le soir même : elle vint en fait le lendemain, mais trouva les lieux désertés… Mieux reçu par Bernard, celui-ci se mit d’accord avec les policiers pour qu’ils lui rendirent régulièrement compte. Mais Cantin revint sur les terres où il était proscrit, à une période où les Allemands arrêtèrent deux gendarmes résistants.
Le 17 juillet 1944, Cantin fut interpellé vers 17h par les maquisards et emmené au Vigeant pour une brève captivité avec son adjointe, Fernande Gaillard, arrêtée deux jours plus tôt. Blondel, sans chercher l’ombre d’une preuve contre les deux captifs, les fit immédiatement passer en cour martiale vers 18h et condamner à mort. Les deux policiers furent abattus au bord d’un chemin, vers 23h. Le corps de Cantin, dépouillé de tout objet, fut retrouvé le 21 juillet au lieu-dit la Maisonnette des Loges, commune du Vigeant et dès lors considéré comme étant celui d’un inconnu avant d’être inhumé au cimetière du Vigeant.
Il fallut attendre la fin de la guerre pour que la disparition de Cantin éveilla quelque émoi. Pourtant il fut cité à l’ordre du Corps d’Armée le 14 juin 1945 : « Cantin Antoine, de Quatre-Vents, sergent des Forces Françaises Clandestines, agent de renseignements, issu des premiers groupes de résistants d’un allant et d’un courage sans égal, a fourni des renseignements précieux sur l’identité d’officiers supérieurs et la composition de diverses divisions allemandes. Volontaire pour faire la liaison entre son chef de sous-réseau et les F.F.I. à la suite du débarquement, a été lâchement assassiné par des éléments troubles qui se sont introduits dans les rangs de ces derniers ». Signé : Général de Gaulle, Chef des Armées ».
Mais ce sera l’action conjuguée de ses anciens collègues, de ses camarades d’Espérance et d’Eleuthère (en la personne du capitaine Sommen, Vallin, Christian), des parents du policier, puis du journal régional Le Républicain Lorrain, pour obtenir une révision du « procès » bâclé. Les juridictions saisies estimèrent alors que « les charges relevées contre Cantin s’avèrent inexistantes » et considèrent la condamnation et l’exécution totalement infondées, quoique couvertes par l’amnistie, pointant les multiples dysfonctionnements. Les diverses enquêtes ultérieures conclurent de même. En 1947, le ministre de l’Intérieur parlait de « la tragique incurie du colonel Blondel ». Cantin fut finalement reconnu « Mort pour la France », homologué sous-lieutenant, et décoré de la Croix de guerre avec une citation à l’ordre du Corps d’Armée. Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Danne-et-Quatre-Vents.
Le corps de son adjointe Fernande Gaillard n’a à ce jour jamais été retrouvé.
Sources

SOURCES : AVCC, Caen, dossier statut. — site HSCO, article de Luc Rudolph, auteur de Policiers contre policiers, éd. SPE, 2015. — Le Républicain Lorrain, 8-21 mai 1947 — État civil de la commune du Vigeant (acte de décès d’un inconnu du 21 juillet 1944, acte n°9, puis jugement rectificatif avec mention Mort pour la France).

Philippe Wilmouth, Luc Rudolph, Michel Thébault

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