Quistinic (Morbihan), Ty-Parez, Kerdinam, La Chapelle du Cloître, Avril et juillet 1944
Kerdinam et la Chapelle du Cloître en Quistinic, où une vingtaine de patriotes ont été abattus au cours du mois d’avril 1944 et le 24 juillet 1944, font partie des nombreux lieux d’exécution et de mémoire qui jalonnent le territoire du Morbihan.

Le « Trou des martyrs » dans le bois de Kerdinam
SOURCE : René Le Guénic, Morbihan, Mémorial de la Résistance


Sur le mur intérieur du cimetière communal


Sur le monument de Kerdinam







La Chapelle du Cloître en Quistinic


Sur le monument aux morts de Quistinic
SOURCE : Photos Jean-Pierre et Jocelyne Husson
À Quistinic, Pierre Le Ruyet fut arrêté par un jeune milicien breton qui était à la recherche de son fils Louis Le Ruyet. Pierre Le Ruyet fut déporté par le convoi du 4 juin 1944 vers Neuengamme et décéda sans doute lors du trajet puisqu’il ne fut pas immatriculé à l’arrivée.
Le 13 avril 1944, dans le secteur des communes de Naizin et Pluméliau (Morbihan) des résistants appartenant aux Francs-tireurs et partisans français (FTPF) et à l’Armée secrète livrèrent le premier véritable combat contre des troupes d’occupation dans le Morbihan. Le lendemain 14 avril, les FTP de Naizin entreprirent de déménager leurs armes, munitions et explosifs dans le village de Locmaria en Quistinic.
Ty-Parez, Kerdinam
Le 15 avril 1944, le groupe des Francs-tireurs et partisans français (FTPF) Corentin Cariou de Quistinic attaqua un poste d’observation anti-aérien allemand installé au village de Loge-Picot en Quistinic. Deux militaires allemands, un maréchal des logis-chef et un caporal-chef, furent tués au cours de cette attaque qui fut suivie de terribles représailles.
Le 17 avril 1944, le cantonnier Joseph Perron fut arrêté à son domicile au village de Loge-Picot en Quistinic, puis emmené à Locminé où il fut torturé avant d’être transféré à la prison de Vannes, puis au Fort Penthièvre en Saint-Pierre-Quiberon, où il est décédé le 28 avril des suites des sévices subis.
Le 18 avril 1944, Marcel Le Teuff fut abattu par une rafale de mitraillette dans la prairie de Ty-Parez, alors qu’il tentait de s’échapper du bourg encerclé par les Allemands.
Le 21 avril 1944, trois FTPF du groupe Corentin Cariou, Émilien Gahinet, Henri Guillo et Louis Le Ruyet, furent arrêtés à Locmaria en Quistinic. Conduits à l’école des filles de Locminé (Morbihan), ils y furent affreusement torturés avant d’être ramenés à Quistinic, où ils furent contraints d’indiquer à leurs bourreaux une cache d’armes située dans le bois de Kerdinam, qui avait été vidée entre-temps par les FTPF. Ils furent ensuite exhibés dans le bourg hissés sur un camion, puis ramenés à la cache d’armes où ils furent exécutés. C’est là que leurs corps suppliciés furent retrouvés le 23 avril 1944 dans une fosse, appelée depuis « le trou des martyrs ».
Arrêté également le 21 avril 1944, Raymond Péresse fut emmené et torturé à Locminé, où il est décédé le lendemain.
Le 22 avril 1944, une cinquantaine d’habitants de Quistinic furent raflés. Les jeunes gens furent arrêtés à leur domicile ou au travail dans les champs et contraints d’aller travailler en Allemagne.
Le 1er mai 1944, Mathurin Guégan fut tué à son domicile à Locmaria en Quistinic.
La Chapelle du Cloître
À partir de la nuit du 5 au 6 juin 1944, le 2e Régiment de chasseurs parachutistes (RCP) ou 4e SAS (Special air service) des Forces françaises libres (FFL) fut largué dans le secteur de Plumelec-Sérent-Saint-Marcel-Malestroit (Morbihan). Sa mission était de fixer les troupes allemandes stationnées dans le Morbihan, afin d’empêcher ou au moins de retarder l’arrivée des renforts allemands sur le front de Normandie. Plusieurs milliers de résistants appartenant aux Forces françaises de l’intérieur (FFI) et aux Francs-tireurs et partisans français (FTPF) furent regroupés et armés dans le camp de Saint-Marcel qui recevait chaque nuit des parachutages d’hommes, d’armes, de munitions et de Jeep. Le commandant Pierre Bourgoin, chef du 4e SAS et le colonel Morice, chef des FFI du Morbihan, établirent leur quartier général à la ferme de La Nouette située sur le territoire de la commune de Sérent. Dans la nuit du 17 au 18 juin 1944, considérant que cette concentration devenait très dangereuse et qu’il fallait plutôt privilégier la guérilla, le commandement interallié donna, mais trop tard, l’ordre de dispersion.
Le 18 juin 1944, le camp de Saint-Marcel où étaient stationnés un peu plus de deux mille FFI encadrés par deux cents SAS, fut attaqué en force par la Wehrmacht. Après avoir livré combat durant toute la journée en infligeant de lourdes pertes aux troupes allemandes, parachutistes SAS et FFI se replièrent en bon ordre et se dispersèrent.
Après cette dispersion, la Feldgendarmerie, la Wehrmacht appuyée par de nombreux détachements de soldats russes, géorgiens et ukrainiens rassemblés dans les « unités de l’Est », les agents de l’Abwher (service de renseignements de la Wehrmacht) et du SD (Sicherheitsdienst), service de sûreté de la SS, ainsi que leurs auxiliaires français, les miliciens du Bezen Perrot et du Parti national breton, se lancèrent dans une traque implacable des parachutistes SAS, des FFI-FTPF, de leurs dépôts d’armes, et de tous ceux qui les hébergeaient et les ravitaillaient. Rafles, arrestations, tortures, et exécutions sans jugement de SAS et de résistants, incendies de fermes, pillages et massacres de civils se multiplièrent dans tout le département du Morbihan.
Alors que les accrochages opposant SAS et FFI aux troupes allemandes se multipliaient, les résistants installèrent une infirmerie clandestine à Quistinic, dans une chapelle située dans le bois de la Jacquelotte au-dessus du château de la Villeneuve-Jacquelot. Elle était dirigée par un jeune étudiant en médecine connu sous le prénom de Jean-Claude, [pseudonyme dans la Résistance : Rascasse], qui faisait fonction de médecin du maquis, et par Fernande Uzel [pseudonyme dans la Résistance : Évelyne] qui faisait fonction d’infirmière.
Le 12 juillet 1944, Éliane Tanguy, [pseudonyme dans la Résistance : Danielle], jeune résistante originaire d’Argenteuil réfugiée à Pont-Douar en Kernascléden (Morbihan), fut tuée accidentellement tout près de cette chapelle par un de ses camarades qui manipulait une arme.
Le 24 juillet à l’aube, plusieurs unités de la Wehrmacht encerclèrent et attaquèrent en force la chapelle, d’où les FFI blessés et sans armes tentèrent de s’échapper. Poursuivis par les Allemands, quatorze d’entre eux furent abattus à Quistinic :











et trois résistants inconnus inhumés deans la nécropole nationale de Sainte-Anne-d’Auray, identifiés sur le monument de Kerdinam par leurs seuls prénoms :



Quatre résistants ont réussi à s’enfuir et échappé au massacre, parmi lesquels se trouvait Marcel Le Pallec. Blessé légèrement, il est allé se réfugier dans la ferme de Locunehen en Quistinic où les fermiers l’ont caché. Il a témoigné en 2009 dans le numéro 149 du Bulletin de l’ANACR, Ami entends-tu....
Le 25 avril 2009, une plaque commémorative, scellée sur une petite stèle de pierre a été inaugurée à l’entrée de la chapelle, qui porte l’inscription :
« Dans cette chapelle une infirmerie de la Résistance était installée.
Le 24 juillet 1944 14 patriotes furent massacrés par les nazis »
Kerdinam
Après la guerre, un monument a été érigé à Kerdinam en Quistinic, tout près de la cache d’armes où trois résistants ont été exécutés le 21 avril 1944. C’est là aussi que la plupart des blessés qui tentèrent le 24 juillet 1944 de s’échapper de l’infirmerie de la Chapelle du Cloître ont été abattus.
Ce monument, constitué d’une stèle de pierre, honore la mémoire d’Éliane Tanguy, tuée accidentellement à la Chapelle du Cloître le 12 juillet 1944, et de vingt-six résistants, dont trois inconnus, exécutés par les Allemands ou morts en déportation :
« 1944 - Quistinic à ses martyrs
























Inconnus



Le cimetière
Dans le cimetière de Quistinic, une plaque a été apposée sur le mur intérieur pour honorer la mémoire des trois inconnus abattus le 24 juillet 1944 :
« Hommage aux 3 inconnus
morts pour la France
le 24 juillet 1944 Quistinic
Fernando, républicain espagnol (INCONNU 3)
Jacob, dit Pierrot (INCONNU 1)
Jean-Claude dit Rascasse (INCONNU 2) »
Le monument aux morts
Au pied du monument aux morts érigé dans le bourg de Quistinic, a été scellée une plaque portant l’inscription :
« Victimes des Allemands











SOURCES : Arch. Dép. Morbihan, 41 J 9. — Ami entends-tu…, ANACR-56, numéros 22 (1er semestre 1973), 89 (2e trimestre 1994), 127 (4e trimestre 2003), 137 (2e trimestre 2006), 149 (2e trimestre 2009), 151 (4e trimestre 2009) et 159 (2e trimestre 2013). — Roger Leroux, Le Morbihan en guerre 1939-1945, Joseph Floch imprimeur-éditeur, Mayenne, 1978. — René Le Guénic, Morbihan, Mémorial de la Résistance, Imprimerie Basse Bretagne, Quéven, 2013. —" Lieux mémoriels en Morbihan-Quistinic ", dossier en ligne sur le site Internet Les Amis de la Résistance du Morbihan, ANACR-56. — État civil, Quistinic (actes de décès)
Jean-Pierre Husson, Jocelyne Husson