BOURSIER François, Louis, Zozime
Né le 18 septembre 1878 à Saint-Laurent-du-Pont (Isère) exécuté sommairement le 20 août 1944 à Saint-Genis-Laval (Rhône) ; chanoine de Villeurbanne ; résistant du réseau Jove puis BCRA.
Mobilisé le 4 août 1914 comme brancardier régimentaire de la 76e division d’infanterie, en effet il avait fait son service militaire dans la 14e section des infirmiers militaires de Lyon (1898-1902), il participa aux batailles de Verdun et du Chemin des Dames (Aisne) puis fut affecté au service de santé de la 161e division d’infanterie et poursuivit ses activités de prêtre en Champagne et en Alsace. Démobilisé à Strasbourg le 3 février 1919, il fut rapidement nommé vicaire de la paroisse de la Nativité à Villeurbanne ( diocèse de Grenoble) puis en 1924 prit la responsabilité de la chapelle de la cité, proche des usines implantées dans ce quartier de Villeurbanne. Comme il avait œuvré à développer l’Association paroissiale de la Sentinelle qui proposait activités sportives, musicales et théâtre dans sa première paroisse, il poursuivit ces activités dans le cadre des associations de patronages gérées par des laïcs : Œuvre villeurbannaise et Union Cité Lafayette. Le bâtiment devenant trop petit, il présenta un projet ambitieux au maire socialiste Lazare Goujon qui lui donna comme conseil « faites grand, parce que je vais faire grand », ce fut la création du nouveau centre urbain comprenant le Palais du travail, l’hôtel de ville et les Gratte-ciel. En 1931, François Boursier fut nommé curé-fondateur de la nouvelle paroisse de l’église Sainte-Thérèse de l’enfant Jésus. En concurrence avec les œuvres de la municipalité communiste de Camille Joly élue en 1935, il s’efforça de développer la JOC Jeunesse ouvrière chrétienne et les Cœurs Vaillants. Il participa cependant au comité de parrainage de l’aide à l’Espagne républicaine, à l’encontre de son évêque. Son neveu Noël Boursier rapporta qu’ « il mène une guerre sans merci au patron de l’entreprise Gillet, pour l’amélioration des conditions de travail, il cherche également du travail pour les chômeurs qui viennent le voir, avec son cousin (Jules Boursier) qui est responsable des polices urbaines, il fait rentrer beaucoup de personnes dans la police. »
Pendant la guerre, en 1940, avec son ami Hippolyte Cottin curé de la paroisse de Cusset, ils furent dénoncés et accusés de propagande contre le maréchal Pétain (lettre de Mgr Caillot du 30 novembre 1940). En 1942, il accueillit l’imprimerie du Bulletin de la France combattante et participa à la diffusion du journal des Cahiers du Témoignage chrétien, créé par le père jésuite Pierre Chaillet ami de la famille Boursier. En décembre 1942, au sein du réseau Jove, groupe Émile, chargé de mission de troisième classe, il favorisa l’hébergement de résistants et mit en place un dépôt de camouflage de matériel puis organisa un service social. Il était en lien avec son frère Sylvain agriculteur, résistant arrêté en août 1943. Devant le risque de perquisition, il procéda avec l’aide du résistant socialiste de Libération Alfred Brinon au déménagement de l’imprimerie clandestine.
Le 30 octobre 1943, l’abbé Boursier quitta le réseau Jove et, par l’intermédiaire de l’abbé Cottin, rejoignit le Service d’Atterrissage Parachutage (S.A.P.), sous la direction du colonel Paul Rivière, alias « Marquis », dans lequel il conserva le même type de mission. Dans sa cure ou parfois dans la ferme de son frère à Saint-Laurent-du-Pont, son village natal, Boursier cacha des réfractaires au STO, des Juifs et des résistants, notamment des chefs importants, comme Eugène Chavant, dit « Clément », responsable du maquis du Vercors en juin 1944. Quelques jours plus tard, il cacha le sous-lieutenant Hubert Gominet, dit « l’alouette », opérateur radio. Alors qu’il se sentait épié mais refusait de partir, le 16 juin 1944, des membres d’un « Groupe d’action » (G.A. auxiliaires français de la Gestapo) accompagnés de Gillet, homme de Francis André (dit « gueule tordue », chef du mouvement national anti-terroriste) se présentèrent à l’église Sainte-Thérèse où l’abbé Boursier disait la messe de 8h. En attendant la fin de la messe, ils allèrent à la cure et trouvèrent Gominet, en train d’émettre à la radio. Celui-ci blessa Gillet avec son revolver, mais menacé par une grenade finit par se rendre et avouer le lieu de la cache d’armes (mitraillettes, revolvers) derrière l’autel. Un sac de grenades, caché dans l’orgue de l’église ainsi que plusieurs postes radio furent également retrouvés. Prévenu, Francis André participa à l’arrestation, suivie du pillage de la cure. Hubert Gominet, l’abbé Boursier et son vicaire l’abbé Joffray, furent remis aux Allemands et internés dans la prison de Montluc. Cette arrestation est peut-être due à une dénonciation, on a soupçonné un paroissien, ancien enfant de chœur, mais le curé Boursier ne cachait pas ses opinions, le 7 juin, il avait commencé son sermon par : « Mes frères, la libération est en marche ».
Après 64 jours de sa détention et les pires tortures sans parler, le 20 août 1944, quelques jours avant le libération de Lyon, il fut extrait de la prison et emmené comme cent vingt autres détenus (dont Hubert Gominet) dans des camions au Fort de Côte-Lorette à Genis-Laval. Les détenus y furent exécutés à la mitraillette dans la maison du garde attenante au fort. Les auteurs du massacre, allemands et miliciens, incendièrent la maison puis la firent exploser. Il n’y eut qu’un rescapé,Mr Verleine, qui put témoigner. Seul les corps de 68 hommes et 6 femmes purent être identifiés.
Son frère Sylvain Boursier avait été exécuté sommairement par des soldats allemands le 19 juin 1944.
La mémoire de François Boursier fut très vite honorée, le 26 août 1944, le cardinal Gerlier, archevêque de Lyon, célébra une messe à l’église Sainte-Thérèse et déclara :« J’ai voulu apporter ici mon hommage à un prêtre qui restera l’honneur de sa paroisse, de son diocèse, de cette cité vaillante de Villeurbanne, de sa patrie vénérée et de l’Église. Légendaire déjà parmi ses compagnons de la résistance comme parmi ses compagnons de Montluc ; un nom autour duquel se crée sans difficulté le rassemblement unanime de tous les cœurs et de toutes les âmes de croyants, de protestants, d’israélites, d’incroyants même ; il n’y a pas d’hérétiques dans le culte de sa mémoire… » Le 22 septembre 1944, Mgr Caillot, bien qu’inquiété pour son soutien inconditionnel au maréchal Pétain, présida le service funèbre dans l’église Sainte-Thérèse.
La municipalité de Villeurbanne, dans sa délibération du 28 octobre 1944, donna à la place du marché du Nouveau Centre, le nom de « Place du chanoine Boursier, 1878-1944, martyr de l’occupation allemande », « pour rendre un solennel hommage à la mémoire de M. le Chanoine Boursier, curé de la paroisse Sainte-Thérèse de l’Enfant-Jésus, notre compatriote ignominieusement torturé dans les geôles de Montluc, puis brûlé vif à Saint-Genis-Laval, par les bourreaux de la Gestapo… ».
La municipalité provisoire de Saint-Didier-au-Mont d’Or donna également son nom à la place de l’église. Le 17 juin 1945, un monument, haut-relief en bronze, fut inauguré en sa mémoire dans l’église Sainte-Thérèse.
Reconnu -Mort pour la France- son nom ainsi que celui de son frère Sylvain est inscrit sur le monument aux morts de leur commune natale Saint-Laurent-du-Pont.
François Boursier fut également promu en 1946 au grade de chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur. En 1948, le nom du chanoine Boursier a été inscrit dans les archives royales d’Angleterre.
L’association « Chanoine Boursier » a été créée en 2001 par le père André Baffert, alors curé de la paroisse. Elle a pour but de promouvoir l’amitié et la fraternité entre les Villeurbannais par l’organisation de rencontres et d’évènements culturels.
SOURCES : Bruno Permezel Résistants à Lyon, Villeurbanne et aux alentours 2824 engagements Éd. BGA Permezel, 2003. — Xavier de la Selle directeur du Rize site internet LERIZE+. — Alain Moreau, François Boursier (1878-1944). Un prêtre de combat. Curé de Villeurbanne, bâtisseur et « apôtre de l’idée de Résistance », mémoire de maîtrise d’histoire sous la direction de Jean-Dominique Durand, université Jean-Moulin, Lyon 3, Faculté des lettres et civilisations, UER d’histoire et de géographie, 1990-1991.—Frère Benoit Comité du souvenir de Frère Benoit,1988, Lyon.
Annie Pennetier