Né le 13 mai 1916 à Marseille (Bouches-du-Rhône), fusillé le 18 juillet 1944 à Signes (Var) ; École normale supérieure (ENS) ; réseau Jade-Fitzroy, chef régional des Jeunes et de l’Organisation universitaire des Mouvements unis de la Résistance (MUR) de la Région 2.

Les parents d’Albert Chabanon étaient instituteurs. Il fit ses études au Lycée Saint-Charles à Marseille, avant d’être admis en première supérieure au Lycée Thiers en 1934, puis en khâgne à Louis-le-Grand l’année suivante. Il fut reçu 7e à l’ENS de la rue d’Ulm en 1938 et fit partie de la promotion de Marc Zamansky, reçu dans la section "Sciences". Il fit une licence de lettres classiques qu’il obtint en juin 1939, mais étudia également l’allemand.
Engagé dans la SFIO à partir de 1935, il écrivit des articles dans les hebdomadaires Massillia et Marseille-Socialiste. Il participait aussi à des groupes de réflexion d’étudiants. Il se détourna du pacifisme après un voyage en Allemagne d’où il revint épouvanté par le nazisme.
Mobilisé et versé dans les élèves officiers de réserve (EOR) le 16 septembre 1939, il se porta volontaire pour l’aviation en avril 1940, mais fut réformé. Revenu à l’ENS, il obtint son diplôme d’études supérieures en juin 1941 avec un travail sur la poétique de Charles Péguy. Il commença dès la rentrée de l’année 1941-1942, à préparer l’agrégation de grammaire, mais il fit partie des premiers normaliens résistants. Il avait créé un petit mouvement clandestin, La Vraie France, puis adhéra au réseau Jade-Fitzroy (où il fit entrer Jean-Daniel Jurgensen). À la suite de la découverte d’un tract, il fut arrêté, pour « propagande gaulliste », le 9 décembre 1941 et emprisonné à la Santé, puis, après intervention de Jérôme Carcopino, secrétaire d’État à l’Éducation nationale, il fut transféré à Marseille au fort Saint-Nicolas, puis à Montpellier (Hérault), où il fut jugé. Il fut emprisonné enfin à Villefranche-de-Rouergue (Aveyron). Il fut le premier normalien à subir la répression.
Libéré au bout d’un an, mais non réintégré à l’ENS, il se retrouva en février 1943 à l’Étape, « prison sans barreaux », située dans les Bouches-du-Rhône, œuvre fondée dans le but d’adoucir le sort des détenus politiques par le RP Aune, dominicain, aumônier des prisons de Marseille, dont il devint bientôt le secrétaire. Il fut chargé d’organiser un enseignement général sous la forme de causeries. « J’ai pris comme thème, écrivit-il, le destin spirituel de la France : formation et évolution de la pensée française ». Il prit contact avec la Résistance marseillaise en mars 1943 par l’intermédiaire, en particulier, d’André Aune Berthier*, frère du RP Aune. Il adhéra alors aux MUR et eut des surnoms divers dont le principal fut Valmy. Il fit partie du Noyautage des administrations publiques (NAP), puis fut nommé chef régional des Jeunes et de l’Organisation universitaire des MUR par le chef départemental Renseignement-organisation-propagande (ROP), Henri Gennatas Richemont, en décembre 1943. Guy Fabre*, qui en était le responsable, devint son adjoint. Chabanon constitua un état-major des jeunes des Bouches-du-Rhône en janvier 1944 avec divers bureaux : études politiques (préparation d’un programme pour après la Libération), militaire, renseignements, diffusion et propagande. Il réunit les responsables régulièrement dans une institution catholique, l’École Mélizan. Il s’occupait de l’éducation des réfractaires, de la propagande dans le corps enseignant (des instituteurs aux universitaires) et, encore, de journalisme puisqu’il fut le fondateur, avec son adjoint René Mariani Gaillard*, du journal clandestin Le Marseillais - le titre La Marseillaise lui ayant été soufflé de justesse, en décembre, par le Front national. Ce journal mensuel à gros tirage (plus de 12 000 exemplaires) imprimé d’abord à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), puis à Marseille, parut de janvier à juillet 1944.
Dans le numéro 3 (mars 1944), Chabanon écrivit sous les initiales de J. V. (Jean Vengeur) un article sur « La Position de la France » où il dénonçait Vichy et « ses apôtres maurrassiens », approuvait un gaullisme réaliste et se refusait à tout anticommunisme. « Une IVe République s’édifie qui saura lutter contre tout ce qui a désagrégé la précédente : égoïsme de classe, indiscipline sociale, anarchie économique, injustice et trahison ». Selon le témoignage de Francis Leenhardt, Chabanon était destiné à occuper dans la presse de la Libération un poste important correspondant à ses vœux de devenir un journaliste professionnel.
Mais, dénoncé par un agent double, il fut arrêté par la Sipo-SD avec Ernest Quirot le 17 juin 1944 à 17 heures 30, près de la préfecture, par la police allemande. Il fut torturé au siège de la Sipo-SD, au 425 de la rue Paradis. Dans une lettre, datée du 24 juin, parvenue par l’intermédiaire d’un prisonnier de droit commun libéré, il faisait allusion au « traitement électrique » qu’on lui appliquait « à la clinique ». Il transmettait renseignements et consignes à ses camarades. Cette belle lettre se terminait ainsi : « Longtemps je ne vous donnerai signe de vie. Je pars vers un autre monde. Pensez à moi comme je penserai à vous. Mon sacrifice ne peut être vain ». Il avait quelques semaines auparavant composé un poème intitulé « Aux 17 pendus de Nîmes ». Le 26 juin, il fit dire par un détenu libéré qu’il allait être transféré à la prison des Baumettes, Il était soucieux de savoir si ses papiers avaient pu être sauvés. Ses amis essayèrent de le faire sortir de prison en lui faisant parvenir des pilules destinées à lui donner la jaunisse pour qu’il soit hospitalisé. Il fut fusillé, après un simulacre de jugement, le 18 juillet 1944 sur le territoire de la commune de Signes (Var) avec 28 autres résistants. D’après Ernst Dunker Delage, le jugement aurait été prononcé par la cour martiale de la 244e Division d’infanterie. Selon les déclarations d’un témoin, Chabanon aurait crié : « Mes amis vous avez tous compris. Vive De Gaulle ! Vive la France ! », avant de tomber sous les balles.
Les corps ne furent découverts que le 16 septembre, à une époque où la presse patriotique et résistante célébrait, comme par une ironie du destin, le souvenir de la victoire de Valmy. Le corps d’Albert Chabanon était presque méconnaissable et on put croire, un temps, qu’il avait échappé au massacre. Confondu avec Maurice Favier*, son corps ne fut identifié que bien plus tard.
Mais il fut inhumé, au cours d’une cérémonie solennelle, devant toutes les autorités régionales, le 22 septembre au cimetière Saint-Pierre à Marseille. Le nom d’Albert Chabanon a été donné le 23 juillet 1945 à la rue Puget dans le 6e arrondissement, où il avait son PC (dans la famille Madon et Gamel) et où il avait été arrêté. Une plaque évoque sa mémoire au n° 23, sur la façade d’une école. Albert Chabanon fut fait chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume. Il obtint la mention « Mort pour la France » et fut décoré de la Médaille de la Résistance avec rosette à titre posthume le 24 avril 1946.
Un monument funéraire a été inauguré le 18 juillet 1946 dans le lieu, connu désormais comme le « Vallon des fusillés », devenu nécropole nationale en 1996.
Oeuvres

ŒUVRE : Nombreux articles dans Massalia et Marseille-Socialiste entre 1935 et 1938, ainsi que dans Le Marseillais clandestin en 1944. — Poème La ballade des pendus de Nîmes (avril 1944) publié dans Vérité (n° 6) et dans Massalia Pâques 1945. — La Poétique de Péguy, ouvrage posthume, publié en 1947 à Paris par Robert Laffont, 251 p., préface de Clément Roubert, à partir de son DES.

Sources

SOURCES : Mémoire des Hommes SHD Vincennes GR 16 P 115668 (nc). — Germaine Madon-Semonin, Les années d’ombre 1940-1944. Les Jeunes dans la Résistance à Marseille, tém. inédit, dactylog., sd.— Madeleine Baudoin, Témoins de la Résistance en R2, thèse d’Histoire, Université de Provence (Aix-Marseille I), 1977.— Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français 1919-1939 (A. Olivesi), Paris, Éd. de l’atelier.— Stéphane Israël, Les études et la guerre, les normaliens dans la tourmente (1939-1945), Paris, Éd. de la rue d’Ulm, 2005. — Robert Mencherini, Résistance et occupation (1940-1944), tome 3 de Midi rouge, ombres et lumières, Paris, Syllepse, 2011. — Renseignements Guillaume Vieira.

Antoine Olivesi, Jean-Marie Guillon

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