Né le 17 août 1911 à Gien (Loiret), fusillé le 19 septembre 1942 au stand de tir du ministère de l’Air, à Paris (XVe arr.) ; ajusteur mécanicien ; membre du comité central des Jeunesses communistes de France ; volontaire en Espagne républicaine ; résistant FTPF.

Louis Champion était le fils de René Champion, forgeron et d’Alice, née Chenuet. Il demeurait 13 rue de la Noue, à Bezons (Seine-et-Oise, Val-d’Oise), suivit l’école primaire et obtint son CEP. Il se forma au métier d’ajusteur mécanicien dans des grandes entreprises de l’automobile et de l’aviation de la banlieue ouest de Paris. Dès quatorze ans, il travailla à l’usine d’aviation Amiot à Colombes (Seine, Hauts-de-Seine). Chez Otis-Pifre et Hanriot à Bezons ; Lioré Olivier, à Argenteuil (Seine-et-Oise, Val-d’Oise) ; Delage à Courbevoie (Seine, Hauts-de-Seine). Dans ces importantes concentrations ouvrières, il fut en contact avec des militants syndicalistes et communistes, adhéra en 1928 à la CGTU, chez Hanriot, et devint membre de la commission exécutive du syndicat de la métallurgie d’Argenteuil. Avant de partir en Espagne, il travaillait à l’usine d’aviation Bloch, à Courbevoie où il était représentant syndical CGT, et adhéra au Parti communiste. Sa famille était de gauche.
Entre 1927 et 1937, Louis Champion fut un activiste du militantisme à la Jeunesse communiste de France (JCF), au Secours rouge international auquel il adhéra en 1933 ainsi qu’à la CGTU. Il participa aux grèves du 1er mai, aux manifestations de février 1934 à Paris. Il lisait l’Humanité, Front rouge et Correspondance internationale. L’étude des Questions du léninisme, de Staline et L’Histoire du Parti communiste bolchevik tenaient lieu de bagage théorique. En réalité ayant été élève à l’École léniniste internationale, sa formation théorique était plus complète. Il fut secrétaire régional de la Jeunesse communiste de la région Paris-Ouest pendant cinq mois. Il était en contact avec plusieurs dirigeants : Raymond Guyot, secrétaire de des JCF ; Lucien Dorland, membre du comité central de la JCF.
Ces dix années furent interrompues à deux reprises. Un service militaire d’un an en 1932-1933, où il fut affecté dans l’aviation à la 11e Escadre de bombardement, 6e Escadrille, à Metz (Moselle).
Il participa à l’École léniniste internationale des jeunes, à Moscou, de la fin 1935, à mai 1937, ce qui en fit l’un des cadres des Jeunesses communsites. Avant son départ, il déclara à son père René qu’il allait en Union soviétique pour y travailler. Il envoya une seule carte postale de Moscou, qu’il signa « Jack », à son frère Lucien ; elle était datée du 27 novembre 1936.
Une vingtaine de volontaires partirent de Bezons en Espagne républicaine, dont Jean Belloni qui fut tué sur le front de Huesca. Louis Champion arriva en Espagne le 4 juin 1937 pour « lutter contre le fascisme », fut incorporé le 8. Il fut nommé lieutenant à la DCA, à Almansa. Il participa aux combats à Santander. Il devint commissaire du groupe d’artillerie « Anna Pauker ». Il parlait le russe et l’espagnol. En octobre 1938, il commandait des forces internationales encerclées dans le centre du pays. Ses deux mille hommes réussirent à rejoindre Barcelone par la mer et à être évacués en France le 9 février 1939. « Il fut un véritable commissaire politique, car il mena, aidé par André Marty sur place, une lutte implacable contre les désorganisateurs et les traîtres, et il réussit à ramener tous les combattants, y compris les blessés » (Les élus municipaux, p. 19).
Louis Champion fut élu lors du 10e congrès des JCF en avril 1939, membre du comité national. Mobilisé le 2 septembre 1939, il fut démobilisé le 10 août 1940, à Condom (Gers). Le 12 août 1940, il épousa, à Bezons, Ana Victoria Saenz de Hermua, née le 23 mars 1914 à Madrid (Espagne), infirmière. Il travailla chez Matford à Poissy en juin 1940, puis à l’usine Gnome et Rhône de Colombes. En juin 1941 le Parti communiste lui demanda de quitter son activité pour entrer dans la clandestinité ; il devint permanent appointé et constitua les premiers groupes de Francs-tireurs et partisans (FTP). Il fut présent à Pau (Basses-Pyrénées) où de son logement de la rue d’Étigny il organisa le communisme clandestin et les contacts avec le camp de Gurs.
Il habita 4 impasse des Épinettes, à Paris (XVIIe arr.), où il fut arrêté le 11 juillet 1942 par des inspecteurs de la Brigade spéciale d’intervention du commissariat de Boulogne-Billancourt. Lors de la perquisition les policiers saisirent de nombreux plans d’usines, d’ouvrages d’art, de voies ferrées, ainsi que la liste de nombreux établissements industriels, ce qui ne laissait aucun doute sur l’engagement et les responsabilités de Louis Champion au sein des FTP. Il y eut une cinquantaine de scellés : documents relatifs aux organisations anticommunistes, aux hôtels occupés par l’armée allemande, la carte de France du réseau de transport de l’énergie électrique, des plans des usines des eaux de la région parisienne, des documents sur les gares, les usines, des installations allemandes dans vingt arrondissements de Paris, des cartes d’état-major, de la documentation sur les chars d’assaut et l’aviation, un trousseau de sept clefs...
Son père, René Champion, ferreur aux usines Peugeot, habitant Bezons reçut la visite de la police. Il n’était pas membre d’un parti politique. Ne partageant pas ses idées, il ne parlait pas politique avec son fils Louis. Un commissaire et des inspecteurs de Rennes (Ille-et-Vilaine) vit la femme de Louis Champion, Ana Victoria, qui était chez son frère. Elle déclara qu’elle était venue en France, lors de la débâcle de l’armée républicaine espagnole, alors qu’elle accompagnait un train sanitaire. Elle avait connu son mari à Paris ; ils avaient un enfant qui était âgé de treize mois. D’autres proches membres de la famille furent auditionnés.
Il fut emmené au siège de la Brigade spéciale no 2 à la préfecture de police et interrogé par le commissaire Jean Hénoque. Il reconnut qu’il était allé en Union soviétique de 1935 à 1937, et qu’il avait travaillé aux usines de tracteurs de Kharkov. Quant à son engagement en Espagne, il travaillait à Valence dans une usine métallurgique pour le compte de l’armée républicaine. Il déclara : « Je n’ai jamais pris part à la guerre proprement dite dans les rangs des Brigades internationales. » Il voulut apparaître ainsi comme un ouvrier qui avait mis son savoir-faire professionnel au service de la patrie du socialisme et de la cause républicaine.
Sur son activité clandestine, il parla des cotisations collectées dans son groupe de dix ouvriers chez Matford à Poissy. Quant à « l’armée populaire » dont il était question dans les documents saisis, il rétorqua qu’elle était destinée à combattre les Allemands. Sa ligne de défense ne pouvait convaincre, devant la documentation désormais en possession de la police sur les aspects militaires : chars, aviation, l’emplacement de la DCA allemande en région parisienne, et... des codes secrets ayant trait aux formations militaires de l’armée d’occupation. Louis Champion fut inculpé d’infraction « au décret-loi du 26 septembre 1939, d’association de malfaiteurs, menées terroristes et complicités, responsable de l’organisation terroriste du Parti communiste clandestin ». Les interrogatoires et auditions furent transmis au Sonderkommando IV Geheimfeldpolizei (GFP) à l’hôtel Bradford (VIIIe arr.), chargé d’interroger les résistants se livrant à l’espionnage. Vingt-trois autres membres de l’organisation furent appréhendés.
Après neuf jours d’interrogatoires par les policiers de la BS2, Louis Champion fut livré à la Sipo-SD (service de sécurité et de sûreté), à l’Hôtel Bradford le 20 juillet ; ils le torturèrent, l’emprisonnèrent au quartier allemand de la prison de la Santé (XIVe arr.).
Jugé le 9 septembre 1942 par le tribunal du Gross Paris qui siégeait rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.), il fut condamné à mort pour « espionnage », puis passé par les armes le 19. Dans sa lettre d’adieu à sa femme Ana, le 18 septembre, il écrivait : « Je meurs étant certain d’avoir bien travaillé pour l’avenir de notre enfant, pour l’avenir de toute l’humanité laborieuse et pour le progrès, contre la barbarie et l’esclavage. »
Après la Libération, Ana, la veuve de Louis Champion, atteinte d’anémie cérébrale, en traitement en province, ne pouvait se déplacer. Mme Colombi, née Bray-Champion, commerçante, agissant en son nom, déclara devant la commission d’épuration de la police : « Je ne puis malheureusement fournir d’indications précises sur cette affaire. Je porte plainte contre les inspecteurs [...] que je considère comme responsable de sa mort. »
Son corps fut inhumé au cimetière de Bezons. La municipalité de Bezons décida de baptiser une rue au nom de Louis-Champion.
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Dernière lettre
 
Le 18 septembre 1942
Mes chères amours,
Mon Anita chérie, il y a trois ans que je t’ai connue, tu étais si triste d’avoir abandonné ton pays et les tiens. Je te demande pardon, de tout l’amour dont j’avais rempli mon cœur, d’avoir fait de toi une autre « douloureuse ». Je m’en vais heureux car je suis certain que tu me rends cet amour, malgré qu’on ne m’ait pas permis de l’entendre dire de tes propres lèvres On ne m’aura pas permis non plus d’entendre dire pour la dernière fois le mot « papa » qui me rendait si heureux chaque fois que je l’entendais des lèvres de notre petit Jacky J’aurais tant voulu aussi obtenir son pardon pour mon cœur.
Ce n’est pas ma faute, tu le sais bien, si je n’ai pas pu te donner le bonheur et le bien-être que nous nous promettions, car la lutte pour les obtenir exige des sacrifices.
Je fais ce sacrifice pour toi, tu sais bien qu’il faut- les supporter tous.
Il te reste pourtant un amour qui, petit à petit, comblera le vide que j’ai laissé dans ton cœur. Car en notre fils te restera toujours un peu de mon amour qui fut le plus grand, le p1us’beau de ’ma vie, malgré que je n’aie pas pu -te l’exprimer avec toute l’ardeur et toute la grandeur désirées.
Une fois de plus, tu porteras avec courage et confiance le fardeau de tes peines, de tes. dernières peines, car je suis certain que ton frère sera le père de notre enfant, comme j’aurais voulu l’être, et que ma famille, de son côté, t’aidera jusqu’aux jours lumineux qui déjà se lèvent à l’horizon, de l’est à l’ouest, du sud au nord, derrière cette guerre sanglante qui m’ôte la. vie.
Je suis certain que mon enfant ne sera pas oublié, comme ne le seront pas les enfants de tous ceux qui sont tombés dans la lutte pour le plus grand, le plus merveilleux des idéaux, pour mon idéal de toujours.
Je meurs étant certain d’avoir bien travaillé pour l’avenir d’un enfant, pour l’avenir de toute l’humanité laborieuse et pour le progrès, contre la barbarie et l’esclavage.
II est évident que cela est une toute petite, consolation lorsqu’on perd un être que l’on a beaucoup aimé, et tu m’as beaucoup aimé, n’est-ce pas, mon Anita ?
Mais aie confiance, afin de me réserver toujours un petit coin de ton cœur à côté de notre enfant.
Souviens-toi toujours des paroles-,de la grande Pasionaria : notre enfant vivra debout, libre et heureux, et le sacrifice de son père n’aura pas été inutile.
Toi aussi tu as trop souffert depuis le commencement de la guerre dans ton pays La plus grande partie de ta jeunesse ne fut que sacrifice. Pour toi, mon Anita, les souffrances ne sont pas encore terminées, mais elles finiront bientôt
Tu dois vivre pour notre Jacky et faire de lui un homme Aujourd’hui même, à trois heures de l’après-midi, il y a seize mois, quels souvenirs pour moi en ce moment
Mon amour, après la guerre, tu retourneras sûrement en Espagne, C’est aussi mon désir, puisqu’il te manque le soleil et la lumière que nous avions -là-bas, ainsi que tout ce que tu as connu avant de souffrir.
Mais j’aurais voulu que notre Jacky n’oublie pas la France, sous la terre de laquelle son père sera demain. Il apprendra le français dès son plus bas âge, il apprendra aussi à aimer la France, ainsi que la Russie, qui furent avec l’Espagne les patries de son père.
Quel sera son métier ? Nous ne saurions le dire, mais je suis certain qu’il sera intelligent et bon, et qu’il recevra en plus, les bons conseils de sa mère et de son second père Alphonse. Ainsi il participera activement à la construction et à la réalisation du monde nouveau qui sera le monde de demain.
Notre fortune, tu la connais mieux que moi, ma femme chérie Les quelques meubles que nous avions achetés ne valent pas :grand’chose, mais si tu vas vivre avec ton frère et ta mère, vends-les et installez-vous au mieux là-bas. Il y a aussi avec mes papiers, une somme de 1 2 800 francs qui te sera remise, sur ta demande au Tribunal. C’est là toute notre fortune, mais j’étais riche de notre amour et de mon idéal
Mon Anita, mon enfant adoré, je vous aime plus que tout au monde.
Adieu, mes chères amours, vous serez dans mes dernières pensées indissolublement liées à celles que je consacrerai à mon pays, à mon idéal et à mon parti.,
E.-L. Champion


Brigadistes fusillés pendant l’Occupation
http://chs.huma-num.fr/exhibits/sho...
Sources

SOURCES : Arch. André Marty, E VIII, E XII, S II. – Arch. AVER. – Arch. RGASPI 545.6.1043, BDIC mfm 880/2 ; RGASPI 545.6.117, BDIC mfm 880/9 (Biographie, 1er septembre 1938). – Arch. PPo, BA 1801, PCF carton 13, KB 10, KB 56, 77W, 372. – DAVCC, Caen, Boîte 5 (Notes Thomas Pouty). – Rémi Skoutelsky, L’espoir guidait leurs pas, Paris, Grasset, 1998. – Delperrie de Bayac, Les Brigades internationales, op. cit., p. 389. – Brigades internationales, 1936-1939, Éd. AVER, 1957. – Lettres de fusillés, Éditions France d’Abord, 1946. – Les élus municipaux communistes de Bezons à Joseph Staline (à l’occasion de son 70e anniversaire), historique d’un communisme à Bezons, avec photos, [exemplaire relié, dédié à André Marty, 18 décembre 1949]. – Marc Giovaninetti, 50 ans au cœur du système communiste : Raymond Guyot, un dirigeant du PCF, Université Paris XIII, 2009. – Témoignage de Jean Parnaut. — État civil.

Iconographie
ICONOGRAPHIE : Les élus municipaux communistes de Bezons à Joseph Staline (à l’occasion de son 70e anniversaire), op. cit.

Daniel Grason, Claude Pennetier

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