WINTER Raymond [Pseudonyme : VERDIER dit Raymond VALLIN]
Né le 19 février 1923 à Strasbourg (Haut-Rhin), exécuté le 14 juin 1944 par la Gestapo et la Milice à Saint-Georges (Cantal) ; étudiant ; membre des Éclaireurs Israélites de France.
Il découvrit le scoutisme au sein des Éclaireurs de France, entra aux Éclaireurs israélites de France en 1936, à l’âge de treize ans. À la déclaration de guerre en septembre 1939, la famille Winter quitta Strasbourg, chercha des refuges dans différentes villes. En juillet 1940, tous s’installaient à Montpellier (Hérault) où d’autres Juifs s’étaient réfugiés. Raymond Winter reprit des activités au sein des éclaireurs et créa une troupe des Éclaireurs Israélites, participa à l’éducation juive des enfants avec le rabbin Henri Schilli.
Le gouvernement de Vichy adopta un statut des Juifs le 3 octobre 1940, puis le 2 juin 1941. Ces textes s’alignaient dans les faits sur la législation nazie, les Juifs ne pouvaient plus exercer leur métier, et étaient acculés à la misère. Raymond Winter se consacra désormais au sauvetage des enfants et leurs parents. Cette action était devenue la priorité, il entra en contact permanent avec l’Organisation de secours à l’enfance (OSE). Il organisa avec l’aide de son cousin Marcel Gradwohl deux colonies de vacances. Avec le rabbin Henri Schilli, il visita des camps d’internement. Tous deux firent entrer des vivres et des lettres de proches à des internés. Quelques jeunes parvinrent à s’évader, Raymond Winter leur fournissant faux papiers et hébergement dans une colonie de vacances au Grau-du-Roi (Hérault).
Avec les Éclaireurs Israélites de France, il bascula dans la clandestinité au sein de la « Sixième », l’organisation clandestine des Éclaireurs Israélites. Raymond Winter devint Raymond Vallin et s’installa en novembre 1942 à Millau (Aveyron). Les tâches étaient très importantes : trouver des « planques » aux jeunes en danger, subvenir financièrement à ceux qui acceptaient de les héberger, leur fournir des faux-papiers. Il fut épaulé par son cousin Roger Gradwohl qui fabriquait des vraies fausses identités. Alice Ferrières, de confession protestante, professeur au collège de filles de Murat dans le Cantal indiqua des « planques » chez des particuliers. Raymond Winter en contact avec l’OSE organisa des passages clandestins en Espagne ou en Suisse.
En avril 1943, un jeune qui travaillait depuis peu avec Raymond Winter fut arrêté dans une rafle. Frappé, il donna son nom. Des policiers français se présentèrent chez ses parents à Millau. Prévenu à temps, il échappa à l’arrestation, changea de secteur pour des raisons de sécurité. Il s’installa dans le Puy-de-Dôme à Clermont-Ferrand. Seconde alerte à Lyon lors d’une arrestation par la Gestapo, en l’absence de preuves il fut relâché. Aux vacances de Noël 1943, il organisa sous la couverture des Éclaireurs unionistes et à la bienveillance du Préfet, un camp scout de deux semaines à Florac en Lozère, avec la participation de l’aumônier des Éclaireurs Israélites, Samy Klein.
Le débarquement des troupes alliées le 6 juin 1944 sur les côtes normande déclencha un immense espoir, le soir même Raymond Winter recevait l’ordre de rejoindre le maquis. Il devait se rendre à Saint-Flour le 9 juin. Lors de combats, Hugo Geissler chef de la Gestapo fut abattu, et la répression s’avéra terrible. Raymond Winter avait rendez-vous avec un « contact » mais il ne se présenta pas. Il dormit à l’Hôtel Terminus, ainsi que Edgar Lévy, Marcel et Roger Gradwohl, tous furent arrêtés par une trentaine de miliciens commandés par le français Jany Batissier, alias le capitaine Schmidt. L’Hôtel devint une prison où des détenus furent battus, torturés par des membres de la Gestapo et de la Milice. Les Juifs se savaient condamnés.
Le 25 août au petit matin, les 25 prisonniers ont été exécutés. Son corps sera identifié par son amie Franceline Bloch dite Moulin. Le rabbin Henri Schilli célébra la cérémonie d’enterrement de Raymond Winter qui réunissait sa famille, ses amis, et les Éclaireurs Israélites de Clermont-Ferrand. Il fut ré-inhumé après la guerre au cimetière israélite de Strasbourg. Théo Klein, avocat, futur responsable du Conseil représentatif des institutions juives (CRIF) lui rendit hommage : « Raymond n’aura pu réaliser pleinement la tâche à laquelle tout le destinait à la direction du mouvement. Mais il nous aura laissé l’enseignement le plus précieux qu’un chef puisse léguer à ceux qui doivent assurer sa relève : son exemple, sa vie et ce qui aurait pu être sa devise : simplicité, loyauté et service. »
Le nom de Raymond Winter a été gravé sur la stèle commémorative de l’Hôtel Terminus à Saint-Flour.
SOURCES : AVCC Caen, AC 21 P 408924, dossier victime civile pour Raymond Winter (nc). —AN 20060011-14 (dossier 611327), transmis par Gilles Morin. – Biographies de Marcel Gradwohl et Raymond Winter parues dans « Archives Juives » (2003/1/Vol-36), de Mathias Orjekh. Itinéraire issu de son Mémoire de maîtrise « Du scoutisme juif à la Résistance : un même engagement. Quelques figures d’un même itinéraire ». – SHD Vincennes, GR 16 P 603542, dossier résistant Raymond Winter (non homologué). – Dominique Rémy, Les lois de Vichy, Éd. Romillat, 1992. – Site internet de Soubizergues. – Site internet CDJC. – Site internet GenWeb. – État civil de Saint-Georges.
Daniel Grason