Le 18 juin 1944, des soldats allemands exécutèrent sommairement vingt hommes à Roche (Isère).

Monument commémoratif du massacre de la Croix-Châtain, Roche (Isère)
Monument commémoratif du massacre de la Croix-Châtain, Roche (Isère)
Source : Photographie Jean-Luc Marquer
Massacre de la Croix-Châtain
Massacre de la Croix-Châtain
Source : Collection privée, Madame Huguette Ambroise, née Boineau
Inhumation des massacrés
Inhumation des massacrés
Source : Collection privée, Madame Huguette Ambroise, née Boineau
Le 18 juin 1944, en fin d’après-midi, vingt détenus furent extraits de la prison de Montluc à Lyon (Rhône). Les Allemands les attachèrent deux à deux et les firent monter dans un camion militaire.
Accompagné par une voiture de marque Citroën dans laquelle se trouvaient trois ou quatre personnes en civil, le camion quitta Lyon en empruntant la route nationale 6.
Au niveau de Vaulx-Milieu (Isère), le convoi bifurqua et prit la route départementale 36 où il doubla Paul Perrichon qui circulait à bicyclette en direction de Diémoz (Isère).
Arrivé entre 18 heures et 18h30 a-dit « La Croix-Châtain », sur la commune de Roche (Isère) en bordure de la RD 36, le convoi s’arrêta. Le camion fit marche arrière dans un champ d’avoine, la voiture resta au milieu de la route.
Des témoins qui travaillaient dans les champs ou cueillaient des fraises ou encore simples promeneurs furent chassés par des rafales d’armes automatiques passant au-dessus de leur tête.
Le témoignage d’Henri Tavernier, le plus proche voisin, est autant visuel qu’auditif. « J’ai entendu des coups de feu tirés deux par deux très régulièrement. Ensuite pour terminer une rafale de mitraillette, puis des coups de revolver ».
Une fois la conduite intérieure et le camion repartis en direction de Lyon, les témoins s’approchèrent et découvrirent les corps entassés des vingt massacrés. Tout moyen d’identification avait été supprimé.
Ils prévinrent aussitôt, qui le maire de Villefontaine (Isère), géographiquement plus proche, qui celui de Roche.
Averti, le procureur du tribunal de Vienne (Isère) diligenta aussitôt une enquête qui fut confiée au service de police de sureté de Lyon.
Les inspecteurs Pohl et Flandrois qui se trouvaient à Saint Laurent-de-Mure (Isère, aujourd’hui Rhône) pour un cas semblable, se rendirent sur les lieux les 19 et 20 juin.
Dès la veille au soir, les corps avaient été transportés sur deux chars appartenant à Camille Cochard et Gustave Magnard et déposés, faute de mieux, dans le local du corbillard. Le curé de Roche avait en effet interdit l’accès de l’église car il craignait qu’il se trouve un communiste parmi les massacrés. Il fut rassuré lorsqu’on identifia parmi ceux-ci l’abbé Louis Sève.
Toute la nuit, des jeunes gens de Roche tinrent une garde d’honneur.
Le Docteur Pasquier, chirurgien à Bourgoin et médecin-expert auprès du tribunal fut commis par ordonnance du Juge d’Instruction Jouvent du tribunal de Vienne pour :
« Procéder à l’examen sommaire des vingt cadavres… Rechercher les causes de la mort, décrire sommairement les blessures, rechercher les signes particuliers et indices de toutes sorte de nature à faciliter l’identification. »
Se rendant sur place le 19 juin, il examina les corps qui avaient été transportés dans un hangar (le local du corbillard) proche de l’église de Roche.
Il constata que les vingt cadavres présentaient tous des blessures par balles au niveau de la tête : tempe, région temporo-occipitale, nuque. Il nota peu d’autres blessures par balles mentionnant toutefois un tir dans la région du cœur pour l’une des victimes.
Les relevés d’empreintes et les prélèvements de vêtements effectués, l’autorisation d’inhumer fut donnée.
Deux femmes du village, Mesdames Saunier-Muet et Bernard, effectuèrent la toilette funèbre et les corps mis en bière furent déposés dans l’église.
Trois corps avaient été formellement identifiés par des connaissances, ceux d’Eugène Arnaud, de son fils Georges et de Louis Cécillon.
Le 22 juin 1944, après une cérémonie en l’église de Roche, 17 cercueils furent enterrés au cimetière communal dans une fosse commune.
La dernière victime à être identifiée fut Célestin Reynier le 7 septembre 1945.
Le 23 juin 1946, un monument érigé sur le lieu du massacre par souscription publique fut inauguré en présence de nombreuses personnalités.
Le dossier, aujourd’hui coté 4544W54 – 31, relatif au massacre de la Croix-Châtain fit partie des pièces de l’accusation lors du procès de Klaus Barbie qui s’est tenu à Lyon devant la Cour d’assises du Rhône entre le 11 mai et le 3 juillet 1987.


Liste des victimes :
ARNAUD Eugène
ARNAUD Georges François Henri
BATTESTINI Eugène
BIDAUT Francis
BOINEAU Louis Victor
CECILLON Louis Antoine Joannès
CHARREYRE Gabriel François Auguste
DIDIER Auguste
DUCHENE Francis
GAILLARD Julien Claude
GIROUD Joseph
GUITON Albert Henri
JOLY Marc
LEFORT Robert Émile
MOREL Albert Émile Évariste
NIVAGGIOLI Raoul Antoine
OPPIZZI Louis Achille
REYNIER Célestin
ROSSI Michel
SÈVE Louis Marie Augustin
Sources

SOURCES : Arch. dép. Rhône, Mémorial de l’Oppression 3808 W 0591 ; Archives procès Barbie 4544W54-31 — BERGER Jean-Daniel, Comme un essaim de guêpes... Résistance et guérilla en R1, secteur VI Rhône-Isère : en 2 volumes : Tome 1, Juin 1940-juin 1944 ; Tome 2, Juin-septembre 1944 ; Impressions Modernes (Guilherand-Granges), 2001 — Archives privées Huguette Ambroise

Jean-Luc Marquer

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